07

5 minutes de lecture

Contrairement au prince Vlad qui goûtait chaque plat d’une main généreuse, la reine ne fit pas honneur aux mets préparés. La récente, et toute première, rébellion de Drystan l’inquiétait. Trop de difficultés s’enchaînaient à l’extérieur du palais. Si l’intérieur s’en mêlait, des décisions radicales s’imposeraient. Elle oublia ses pensées noires et s’occupa de la présence de son premier fils, dont l’éducation semblait avoir été celle d’un barbare plutôt que celle d’un prince. La reine lui en fit la remarque. Il s’arrêta d’apprécier avec appétit poulardes et autres viandes variées.

– Ce sont ces maudits rebelles qui vous coupent l’appétit, ma mère ? s’appliqua-t-il à prononcer.

– Si c’est ma part qui t’intéresse, prends-la ! Ne te gêne surtout pas.

– Cela aurait été avec plaisir, mais je n’ai plus faim.

L’espace d’un souffle, le silence s’imposa entre le fils et sa mère. Leur complicité était si intense que beaucoup s’amusaient à dire que le cordon ombilical n’avait jamais été coupé. Entre eux, le respect ne se cherchait pas. Il était présent à chaque instant, dans chaque parole, dans chaque geste. Malgré les années, Elvia s’en voulait toujours de ne pas avoir pu empêcher son mari d’être manipulé par ce traître d’Arcturus. Le prince était le premier de la lignée. Jamais, il n’aurait dû être écarté du trône avec autant de mépris. Pour le placer à la tête du royaume, assassiner Drystan était une obligation. La reine l’avait envisagé sans jamais passer à l’acte à cause de la cour.

– Le général Logan t’a-t-il fait part de ses recherches ? demanda Elvia sur un ton agacé.

– Soyez patiente ! souffla le prince.

La providence se pressa de répondre aux attentes de la reine.

– Majesté ! intervint un serviteur. Le général Logan désire vous voir dans la grande salle du trône.

– Finalement, je me suis trompé. Logan est plus efficace que nos espions, conclut le prince.

Dans la grande salle, le général Logan et ses hommes de confiance se courbèrent en entendant la grande porte s’ouvrir. D’un pas décidé, la reine traversa la distance la séparant du trône royal et s’y installa. Vladimir la suivait de près. Curieux, l’aîné se plaça à la hauteur de Logan. Il se devait d’apprendre avant son frère qui serait celle qui finirait, un jour, dans son lit. Confiant, le général oublia les traditionnelles salutations, et alla droit au but. Elvia se cala au fond du trône. Elle ne dissimula pas sa surprise en entendant le nom de sa bru.

– Constance ? La fille du seigneur Jarod ?

– Oui Majesté ! s’exclama Logan, fier de lui. Les ancêtres de ce seigneur ont une lignée royale. Ils ne sont plus des princes de sang depuis peu.

– On raconte que le seigneur Jarod a signé un pacte avec la résistance, déclara Vlad.

– J’ai vérifié, une fausse rumeur.

– En êtes-vous certain ? Il ne faudrait pas faire rentrer le ver dans la pomme, imagea le prince.

– Par contre, son beau-frère, continua la reine.

– Il est vrai que le seigneur Arcturus était un traître, mais…

– “Était” ? réagit la reine.

– Dans tout le royaume, on raconte qu’il est mort, répondit Logan avec un fond de tristesse.

L’annonce toucha la reine. Elle ne cacha pas le soulagement qu’apportait cette nouvelle. Un traître de moins à chercher était une bonne nouvelle. Pourtant, Arcturus n’avait pas été que cela dans une période lointaine de la vie d’Elvia. Dans leur enfance, ils avaient été promis l’un à l’autre. Dans cette union, leur famille respective avait perçu une force indispensable à leur survie jusqu’à ce que le père d’Elvia choisisse la royauté à la petite bourgeoisie. Il avait très vite compris qu’aux côtés d’Arcturus, sa fille n’aurait été que le pantin et non la marionnettiste. Depuis la mort du roi, elle ne ressentait plus que la haine envers cet ancien promis, le roi des traîtres, comme le chantaient les troubadours de la cour.

– Nos espions, poursuivit Logan, nous ont confirmé que le seigneur Arcturus était bien à la tête des rebelles. Les langues se délient depuis sa mort. Les informations que nous n’arrivions pas à obtenir se monnayent à bas prix aujourd’hui. À présent, nous sommes certains de son rôle au sein de ces mécréants.

Le prince Vlad analysait plus vite la situation que sa mère. Si un chef était tombé, un autre avait pris sa place. Le principe était le même que pour les rois. Il espérait juste que seule une tête sortirait de cette hydre de malheur.

– Nous enquêtons. Mais d’après ce que nous savons déjà, il s’agirait d’une jeune femme, peut-être sa fille.

La reine échangea un regard inquiet avec son fils. Et si cette femme était celle qui avait manqué de le tuer. Sa cicatrice se souvenait parfaitement de son visage et de l’importance que les insurgés présents, lors de cet affrontement, donnaient à cette gorgone. Vlad se réjouissait de cette possibilité. Il se voyait déjà la traquer et achever la bête blessée.

Très vite, l’échange revint sur la future épouse royale. Elvia se souvenait que Constance était la seconde fille du seigneur Jarod. Le premier choix était probablement déjà marié. Elle s’inquiéta de ce détail. L’aînée aurait été préférable. L’écart d’âge avec Drystan devait être moins important.

– Le seigneur Jarod n’a-t-il pas deux filles ?

– Si, votre majesté. La première est morte quelques heures après sa naissance.

– Où se trouve ma future belle-sœur ? questionna le prince dont l’unique intérêt était de charmer cette pierre précieuse.

– Au couvent Sainte Thérèse, en attente d’un époux. Choix de son père pour protéger l’enfant de la folie de sa mère qui est suspectée d’avoir tué leur première née.

La folie de la mère était un point à ne pas omettre. La reine suggéra de vérifier que la future épouse ne souffrait pas du même mal. Un électron libre de plus dans cette demeure n’était pas envisageable.

– Fort bien ! Faites installer le seigneur Jarod et sa famille à la cour, ordonna la reine.

– Et pour le roi ? s’inquiéta Logan. Pensez-vous qu’il acceptera cette union ?

– Depuis quand lui donne-t-on le choix ? grogna le prince.

Enfermé dans ses quartiers, personne n’avait cherché à prendre des nouvelles du roi. Beaucoup pensaient que l’arrestation de son ami l’avait anéanti. Quand la reine essaya d’ouvrir la porte, cette dernière resta close. Elle la secoua à plusieurs reprises. Le verrou avait bien été enclenché. À l’intérieur, personne ne répondit aux ordres de la reine. Énervée, elle ordonna à deux gardes d’enfoncer la porte. Le premier salon resta vide de réponse. Inquiète, Elvia entreprit de fouiller chaque pièce de la suite royale. Elles étaient toutes vides.

La panique s’empara de son être. Sans roi, Apolise était perdue. Si elle choisissait d’annoncer sa mort sans preuve, les nobles se révolteraient eux-aussi. Si elle ne faisait rien, elle pouvait encore contrôler cette situation invraisemblable. Drystan boudait sûrement quelque part dans le château. Enfant, il lui arrivait souvent de se cacher pour ne pas affronter les obligations royales. La panique étant mauvaise conseillère, la reine se ressaisit avant d’ordonner.

– Que l’on fouille tout le palais ! Je veux voir le roi devant moi avant demain matin, hurla-t-elle de colère.

Annotations

Vous aimez lire lavoixdusabre ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0