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Le roi était introuvable.
Les gens de la cour commençaient à chuchoter des rumeurs de plus en plus invraisemblables. Il devenait urgent de contrôler les langues et les faire taire. Le mal ne prendrait pas racine entre les murs du palais. Seule dans la salle du conseil, la reine tournait en rond. Elle était plus inquiète de perdre le contrôle des marquis et des ducs, des langues malsaines des duchesses et des comtesses, que de la sécurité de son jeune fils. Si Drystan mourait, Vlad prendrait sa place. L’unique problème était la justification de cette mort.
Son regard s’arrêta sur les portraits des anciens rois. Plusieurs d’entre eux avaient été assassinés grâce aux poisons et autres malices. Le grand-père de son époux avait disparu sur le champ de bataille. Jamais sa dépouille n’avait été enterrée dignement. Il pouvait en être de même pour Drystan. Les rebelles seraient tenus pour responsables de cette disparition. En touchant à sa Majesté, l’opinion ne trouverait plus d’intérêt à cette utopie de liberté. Cette Résistance deviendrait l’ennemi du peuple, le cancer de la nation. La peur du changement guiderait les esprits faibles à soutenir la royauté. Mais comment justifier cette opportunité ?
Le prince Vlad pénétra dans la pièce avec nonchalance. Le souci de la disparition de son frère ne paraissait pas inquiéter l’aîné de la famille, et pour cause. Si le roi mourait, il reprenait de droit ce qu’il lui avait été volé. Il ne se presserait pas. Il attendrait que le sort lui ramène la dépouille de Drystan. En attendant, il donnait l’apparence d’une famille royale unie. En coulisse, il semait les graines de sa gloire en s’assurant l’approbation des riches seigneurs d’Apolise.
Tout en observant son fils s’approcher, la reine exposa à haute voix les différentes possibilités s’offrant à eux. D’abord, elle envisagea de chercher son dernier-né, puis se ravisa. La discrétion avait son importance. Si la cour apprenait la nouvelle, les langues, déjà assez pendues, oseraient libérer un venin aux conséquences dramatiques pour les serpents sifflant trop dans les couloirs du palais. La seconde option était d’annoncer la mort du roi. Comment la justifier ? Trop de questions viendraient polluer cette fausse tristesse. Depuis toujours, des rumeurs circulaient sur son désir d’assassiner son propre sang. La couronne revenait de droit à son fils préféré. Toutes les occasions devenaient une possibilité de remettre le pouvoir entre les mains de Vlad.
Un autre problème se posait. La future reine ne tarderait pas à arriver au palais. La tradition voulait que le roi rencontre sa future épouse dès son arrivée. Une promesse de vœux était signée entre les futurs mariés. La promise appartenait alors, entièrement, à la famille royale et non plus à celle de son sang.
– Au Diable les traditions ! Après tout, ce ne sont que des règles qui datent, et qui ne sont inscrites nulle part.
– Elles rassurent plus qu’elles ne sont utiles, rappela Vlad que l’indécision de sa mère agaçait. Tu joues avec le temps. La disparition de Drystan est le moment que nous attendions.
– Je sais très bien que cette disparition t’arrange. N’oublie pas que ton frère se doit d’être mort pour que le trône te revienne. Sans cadavre, le conseil n’acceptera jamais ton couronnement.
Le prince respira profondément pour ne pas froisser sa mère. Il le ferait une fois couronné. Il se débarrasserait même de sa présence à la cour. Il était conscient qu’avec elle dans les pattes, il ne pourrait jamais gouverner à sa manière et selon ses propres règles. Il décida de la laisser dans sa psychose et ses craintes. Pour l’heure, il avait l’accueil d’une future reine à organiser.
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