41 | Hommage

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Il ne cesse de neiger, comme le jour où le joyau du soleil est né. La place où repose désormais ce personnage haut en couleurs qui portait en lui un courage immense, est déserte. Aux abords de celle-ci, dans les interstices laissées par les allées d’arbre, des soldats demeurent immobile, le regard porté vers l’horizon. L’écho de leur commandant est là, encore, incommensurable. L’air froid remplit leurs poumons. Le vent caresse leurs coiffes. Debout face au tombeau, soigneusement décoré, est une enfant. Une orpheline. La descendante de cet homme très apprécié au sein de l’Armée. La jeune fille, d’à peine onze ans, contemple la mer déchaînée en arrière-plan, comme si cette dernière pleurait pour cette âme sacrifiée. Sa bouche s’ouvre, et des mots sortent suivant un rythme, une mélodie, une chanson que tous connaissent.

Loin vers la mer je porte mon regard

Où est mon père quand est mort tout espoir

Il est parti loin d'ici un matin

Je pense à lui mais jamais ne revient

Un manteau blanc grandit au fur à mesure que les flocons continuent de tomber. La ville portuaire est figée, comme si la vie s’était arrêtée. Quand l’enfant se tut, des milliers de voix commencent à chanter. Ensemble. Lentement. Pour un seul homme.

Donne son âme petit enfant

Il est des guerres loin de tes rêves

Sèche tes larmes et sois patient

Il vit en toi, il éclaire tes pas

La petite fille est touchée. Pourtant, ses larmes ne tombent pas. Son regard ne quitte pas le tombeau où repose désormais son père, le joyau du soleil, le fils d’Apollon. Elle se demande si celui-ci est là dans la foule, s’il pleure aussi le décès d’une si belle âme. Elle se recule un peu, se tourne vers les subordonnées de son feu père et délivre les prochaines paroles.

Dites-moi pourquoi il dort encore

Qui sont donc ces soldats qui l'honorent

Dans ce périple ou la vie est soleil

Sur cette terre où maintenant il sommeille

Le tonnerre se met à gronder. L’océan encore déchaîné frappe les côtes de plus en plus fort. La terre tremble. Mais le chant continue lentement. La petite fille sursaute quand une main s’abat sur son épaule droite. Le Soleil est là, derrière elle, silencieux et bourgeonnant de tristesse. Elle le sent. Elle le voit pleurer dans un futur proche. Elle le voit lamenter les aléas de la vie. Elle le voit faire son deuil. Comme à chaque fois qu’un de ses enfants descend en bas, sous la terre, guidé par le Messager.

Dessous les armes, pour ses enfants

Il a dû périr pour leur avenir

Sèche tes larmes et sois patient

Il vit en toi, il éclaire tes pas

Vois la mer et ses reflets d'argent

Qu'elle console ta peine mon enfant

Lève les yeux, prends la main de ta mère

Raconte un peu cette histoire à ton frère

Beaucoup de larmes, beaucoup de sang

Ôte l'espoir, peuple d'ivoire

Garde cette âme, sache à présent

Que ce pays dans nos cœurs bât aussi

Il ne cesse de neiger, comme le jour où le joyau du soleil est né. La tempête rage pendant si longtemps, comme si les Dieux eux-mêmes donnaient un dernier hommage à ce personnage si vaillant. La cérémonie militaire se finit, et les hommes et femmes délaissent le tombeau jusqu’à ce que la petite fille se retrouve complètement seule aux côtés du Soleil. Il se baisse, attrape l’enfant dans ses bras, et disparaît sans piper le moindre mot.

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