74. Quand le désir fout le camp

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Hugo

Le show s’achève et je suis totalement nu sur scène. Comme d’habitude, les spectatrices sont en pâmoison devant mon corps, mais je les entends comme en sourdine, comme si le son ne me parvenait plus. Natalia me félicite quand même de ma prestation et je la remercie. Je dois réussir à donner le change car personne ne me fait de remarque sur mon manque d’engagement. Je pense que je me suis suffisamment entraîné sur ces pas et cette chorégraphie pour que mon corps fasse ce qu’il faut, quand il faut.

Une fois que j’ai retrouvé mon apparence normale, je suis prêt à m’éclipser comme je l’ai fait tous les soirs où j’ai joué, mais je tombe sur David qui m’attend à la sortie des coulisses.

— Eh bien que fais-tu là ce soir ? Je ne m’attendais pas à te voir ici ! Tu n’es pas avec ta petite copine ? demandé-je alors qu’il me fait un hug à l’américaine pour me saluer.

— Nope, je t’embarque, on sort tous les deux !

— Ah oui, on sort à cette heure-ci ? Tu es fou, toi, je vais rentrer à la maison, moi.

— Hors de question, t’as pas le choix. Mission sauvetage, tu me suis et tu te tais, sinon je ne paie pas ma part de loyer ce mois-ci.

— Pourquoi tu… Bon, d’accord, je te suis. On va où ?

Je sais que si je n’abandonne pas, il ne va pas me lâcher. Et puis, ça me fera du bien de passer un peu de temps avec lui, ça fait un moment qu’on ne s’est pas retrouvés, tous les deux.

— On rentre à Honfleur. Tu te souviens du petit pub marin ? J’ai envie d’y aller, ça fait des lustres qu’on n’y a pas mis les pieds, et il y a des groupes qui passent toute la soirée sur scène. Ça te va ? En plus, on dépose la voiture et on peut y aller à pied, boire comme des trous, ou pas d’ailleurs, et profiter.

— Si tu veux, David. Tu rentres avec moi ou tu as ta caisse ?

— J’ai besoin d’un taxi. J’ai dîné avec Andrea ici et elle est déjà repartie. Allez, go mon pote, avant que toutes les nanas soient déjà occupées !

Je grommelle que je n’y vais pas pour les nanas dont il parle mais, fidèle à son habitude, il ne m’écoute pas et fonce en m’entraînant derrière lui. Nous laissons la voiture comme prévu près de chez nous et il me raconte comment avec Andrea, ils envisagent de passer leurs vacances ensemble. Je ne fais pas de remarque mais je me dis que bientôt, si ça continue comme ça, je vais devoir me trouver un nouveau colocataire.

Quand nous arrivons au pub, j’entends un peu de musique et effectivement, quand nous pénétrons, je constate qu’un groupe s’est installé près du bar. C’est de la musique celtique, avec des flûtes, de la guitare et une vièle à roue qui donne une sonorité toute particulière aux airs qu’ils interprètent.

— Tu veux t’installer où ? lui demandé-je alors que je le vois parcourir la salle des yeux. Pas trop loin du groupe, ce serait bien, la chanteuse a l’air mignonne.

— Ça tombe bien, Andrea est là-bas, viens !

Andrea ? Mais qu’est-ce qu’elle fait là ? J’avais compris qu’on allait boire un verre à deux, moi, pas que j’allais tenir la chandelle. Je le suis néanmoins, contrarié et prêt à me barrer. Effectivement, elle est là avec une blonde que je reconnais immédiatement. Il s’agit de la cousine de Mathieu qui ne m’a pas lâché la grappe de la soirée. Tout ça sent le coup monté et j’attrape mon colocataire par la manche pour le stopper.

— C’est quoi, cette histoire ? C’est un guet-apens, un coup monté, non ?

— Ne dis pas de bêtise, voyons ! C’est un coup de pouce, Hugo. Aucune intention malsaine de ma part, loin de là ! Elle est mûre, mon pote, t’as juste à lui proposer d’aller chez elle et elle t’obéira au doigt et à l’œil.

— Parce que toi, tu as réservé notre appartement ?

Il me répond juste par un clin d'œil et m’attire avec lui. Je fais la bise aux deux femmes et me retrouve sur la banquette à côté de Jeanne qui est ravie de me revoir. J’essaie de faire contre mauvaise fortune bon cœur afin de ne pas gâcher l’ambiance.

— Tu savais que je venais ? lui demandé-je pendant que les deux tourtereaux s’embrassent à pleine bouche devant nous.

— Evidemment. Est-ce que j’ai une tête à m’embarquer volontairement dans une soirée à tenir la chandelle, sérieusement ?

— Eh bien, moi, on m’a piégé ici, mais bon, il y a pire.

Il faut vraiment que je fasse un effort parce qu’elle en a clairement fait de son côté. Elle sent bon, a revêtu un petit ensemble noir simple mais sexy et je la trouve vraiment pas mal. Et puis, ne me suis-je pas dit que la prochaine qui me chauffait, je me laisserais tenter ? C’est l’occasion, là.

— Tu es ravissante, j’ai finalement bien fait de venir, ajouté-je alors qu’elle se penche vers moi et dépose un baiser sur ma joue barbue.

— Je suis contente de te revoir, Hugo. Au moins, on va avoir l’occasion de papoter tranquillement, ce soir.

Papoter, je crois plutôt qu’elle a d’autres intentions. Elle a déjà une de ses mains sur ma cuisse et elle se colle contre moi, ce qui m’offre une vue pas désagréable sur son décolleté.

— On vous laisse, les amis. Andrea ne peut plus patienter et moi non plus. Amusez-vous bien !

Voilà, ça, c’était couru d’avance et le clin d'œil que me lance mon ami en partant me fait comprendre qu’il a tout organisé, le coquin.

— Eh bien, ils sont vite partis, dis-je en me tournant vers elle.

Je tombe sur son visage qui est à seulement quelques centimètres du mien. Elle a profité de mon inattention pour se rapprocher encore et elle passe son bras derrière ma nuque pour attirer ma bouche contre la sienne. J’hésite un instant mais décide finalement de me laisser faire. Le gémissement qu’elle pousse lorsque je laisse sa langue pénétrer entre mes lèvres est clair. Je lui plais et elle a envie de moi mais clairement, ce n’est pas réciproque. La seule chose à laquelle je pense, c’est que je suis en train de tromper Oriane. Quel con je fais alors qu’elle se tape son mari, elle. Lorsqu’enfin Jeanne me permet de respirer, je me moque un peu d’elle.

— Eh bien, on peut dire que tu en avais envie, dis donc ! Quel baiser ! On se serait cru au cinéma.

— Tu n’as pas semblé très réfractaire non plus, glousse-t-elle en posant sa main sur mon torse.

— Quand une jolie femme me saute dessus, j’ai du mal à refuser. Peut-être que je n’aurais pas dû m’échapper le soir du mariage, finalement. J’ai peut-être manqué quelque chose.

Je sais que je la provoque un peu, là, car elle m’a effectivement demandé de la raccompagner et j’ai réussi à me défiler sans monter chez elle, à sa grande déception. Je me dis que lui laisser croire qu’elle me fait de l’effet, ça ne peut que l’exciter un peu plus encore.

— Tu comptes me raccompagner, ce soir ? minaude-t-elle en faisant courir son ongle sur mon ventre.

— Ça dépend de ce qui est au programme… Tu me proposes quoi ?

— Tout ce que tu voudras… En espérant que tu acceptes de monter, cette fois, chuchote-t-elle à mon oreille avant de lécher la peau fine de mon cou.

J’avoue qu’elle parvient un peu à m’exciter et je me dis que ça ne sert à rien de toujours reporter à plus tard.

— Eh bien, qu’est-ce qu’on attend ? J’ai hâte de découvrir ce que tu caches sous ce joli ensemble…

— Allons-y alors, je suis sûre qu’on va bien s’amuser, sourit Jeanne en attrapant ma main pour m’entraîner à l’extérieur du bar.

Heureusement qu’elle n’habite pas très loin car elle s’arrête toutes les deux minutes pour me sauter dessus et m’embrasser en se collant à moi. Ses mains se pressent à chaque fois contre mon corps et je me demande si elle ne va pas me demander de lui faire l’amour, là, dans un coin sombre d’une rue, mais elle parvient à résister à son envie jusqu’à son appartement. De la voir aussi excitée, j’avoue que ça provoque chez moi une certaine envie, mais je n’arrive pas à me débarrasser de l’image d’Oriane que j’aurais déjà commencé à déshabiller dans les escaliers, si j’avais été avec elle. Là, je me contente de suivre le mouvement. Pas facile de guérir d’une addiction.

La porte d’entrée à peine refermée, Jeanne me plaque contre le mur et me retire mon tee-shirt en poussant un petit cri d’émerveillement devant mes abdos. Je sens sa bouche qui parcourt lentement mon torse et descend puis elle me retire mon pantalon et vient immédiatement s’emparer de mon sexe qu’elle suce avec gourmandise. Je suis excité par la situation mais je ne ressens rien.

Lorsqu’elle se relève, elle m’attire jusqu’à sa chambre et me demande de la déshabiller. J’hésite car j’ai de moins en moins envie de continuer cette mascarade qui ne me plait pas du tout mais je fais un effort pour ne pas la décevoir. Je défais ses boutons, lui retire son ensemble et la découvre nue. Franchement, elle est jolie, surtout sa poitrine qui se dresse fièrement sous mon nez, mais elle est déçue de la réaction qu’elle provoque chez moi. Je ne bande plus du tout alors qu’il y a quelques instants, j’étais bien raide. C’est étrange mais de la voir nue a coupé tout désir chez moi. Ce n’est pas elle dont j’ai envie, c’est Oriane. Ce n’est pas en elle que je veux me déverser, c’est dans ma jolie brune.

— Merde, tu es bien le premier qui débande en me voyant nue, je ne sais pas comment le prendre ! Un problème ?

— Ce n’est pas toi le problème, tu es… canon et je ne sais pas ce qui m’arrive…

Je ne sais pas comment lui expliquer et me force à me rapprocher d’elle pour l’attirer sur le lit à mes côtés. Je l’embrasse et la caresse alors qu’elle se remet à pétrir mes fesses. Elle gémit quand ma bouche s’empare d’un de ses seins, mais je n’arrive à penser qu’à ses doigts qui s’enfoncent dans mon postérieur. C’est comme si elle me forçait à me coller à elle et je ne retrouve aucune envie du tout. Même l’entendre gémir doucement ne réveille pas mon excitation. Il faut que j’arrête tout ça…

— Désolé, Jeanne… Je ne peux pas… Ce n’est pas toi, je te rassure. En d’autres circonstances, je crois qu’on aurait pu… Enfin, non, j’ai encore besoin de temps pour me retrouver avec une autre femme.

Elle me regarde, bouche bée, étendue sur le lit. Elle est à tomber et je suis sûr qu’elle serait prête à réaliser le moindre de mes fantasmes si elle pouvait. Le problème, c’est que mon fantasme, c’est une femme mariée qui a décidé de rentrer dans le droit chemin. Je sors presque en courant de l’appartement de Jeanne en finissant de me rhabiller dans l’escalier. Je pars comme un voleur avec un double sentiment de culpabilité. D’abord, envers Jeanne à qui je n’ai pas apporté l’attention et le respect qu’elle méritait. Mais surtout envers Oriane. J’ai l’impression de l’avoir trompée en tentant cette expérience avec une autre. Et ça, ça me donne davantage la nausée. Je suis encore tellement accro que je n’arrive à rien envisager avec une autre femme. Concrètement, je ne suis pas là d’être guéri.

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