HAUSSE

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Haut les cœurs !

– encore et toujours à ceux qui en ont.

PLOC.

Un vent frais – presque froid – lui prit la gorge comme un collet. Il portait avec lui une vive odeur de fleurs ; pas la fraîcheur des bosquets mais plus volontiers le renfermé d’un pot-pourri. Dès lors que ce parfum lui chatouilla les narines, Flo ouvrit grand les yeux.

Elle se trouvait dans une immense chambre claire, les fenêtres grand ouvertes qui laissaient entrevoir un rectangle de ciel terne. Les nuages dilués y brouillaient les pistes d’un azur éteint.

Lorsqu’elle voulut se redresser, elle découvrit l’aiguille qui lui perforait la main, le tube en plastoc qui l’enchaînait au pieu et la perfusion jaunasse suspendue au piquet. Un instant, elle se demanda dans quel genre d’hôpital chic elle avait atterri et comment. Puis la porte s’ouvrit sur son hôte, les mèches d’argent tressées en un lâche chignon.

— On est toujours chez toi ?

— Oui, confirma Morana en s'asseyant au bout du grand lit. Tu étais épuisée alors je t’ai portée ici. Je suis passée à ton hôtel récupérer tes affaires. J’ai dû fouiller un peu, j’espère que tu ne m’en tiendras pas rigueur. J’ai trouvé tes potions, alors, je me suis permise…

Les iris de sa collègue, gris-bleus comme le ciel d’automne, se perdirent un instant, quelque part au-delà du pochon d’où suintait la mixture.

— T’es bien sûre de ne rien avoir ajouté dedans ? lança Flo, méfiante.

— Je n’aurais pas eu d’intérêt à le faire. Je me suis lassée depuis longtemps de peindre des natures mortes. J’ai besoin de toi vivante.

— Je n’ai pas encore accepté ton marché.

— Il va falloir que tu te décides vite.

— Sinon ?

— Sinon, ton œuvre et la mienne resteront inachevées.

Sentant un peu de vigueur courir dans ses veines, Flo s’arracha discrètement aux branchements qui compliquaient ses faits et gestes. Elle se redressa et constata, non sans surprise, que la plaie qui la veille saignait à son ventre avait intégralement disparu. Sans laisser la moindre trace…

Elle avisa ses bagages, entassés au bout du lit. Index tendu, elle pointa un étui.

— Avance-moi ça. Si j’accepte ton marché, je devrai tuer quelqu’un, pas vrai ? Il faut que je vérifie mon matériel avant.

— Tu n’en n’auras pas besoin, l’assura Morana qui, cependant, lui apporta gentiment la housse désignée.

Flo en extirpa un vrai fusil de chasse, qu’elle entama d’inspecter par tous les angles.

— Mon travail n’exige qu’une arme minuscule, poursuivit son hôte. Une arme si petite qu’elle tiendra dans ta poche.

Et, tout en parlant, elle s’était tournée vers le cabinet attenant, avancée jusqu’à un guéridon. Avec un peu de peine, et les ongles crissants, elle attrapa le plateau d’ivoire incrusté sur le dessus. Ses doigts tremblaient sous le poids de la plaque ainsi soulevée.

L’occasion était trop belle. Pile ce que Flo avait espéré sans trop oser y croire.

Elle raffermit sa prise sur la poignée du fusil. Elle ajusta la hausse, affûta son œil et visa sa cible. L’index enfoncé sur la queue de la détente.

PLOC.

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