Auguste n’aimait pas qu’on lui dise ce qu’il devait être.

"Un garçon comme toi, tu pourrais être populaire facilement", "T’as une gueule de mannequin", "Tu devrais sourire plus."
Il les entendait, ces phrases, depuis toujours. Ça glissait sur lui. Comme la pluie sur une vitre.

Il avait changé de collège quatre fois. Ce collège-là, c’était juste une escale de plus.

Mais ce jour-là, pendant la pause de dix heures, quelque chose s’était arrêté dans son corps.

Il cherchait un ballon qui avait roulé vers le mur du bâtiment C. Il s’apprêtait à l’attraper quand il l’avait vue.

Elle était seule, debout, le dos contre le mur, les bras croisés sur elle-même. Ses yeux étaient tournés vers le ciel comme s’il se passait là-haut quelque chose que personne d’autre ne voyait. Pas d’écouteurs. Pas de téléphone. Juste ses yeux immenses fixés sur un point invisible entre deux nuages.

Auguste s’était arrêté à deux mètres, le ballon toujours sous le bras.

Elle n’avait pas remarqué sa présence.

— Tu regardes quoi ? demanda-t-il simplement.

Louane tourna légèrement la tête, surprise. Ses yeux se posèrent sur lui. Elle hésita, puis répondit doucement :

— Le ciel.

— Ouais, j’avais deviné. Mais quoi dans le ciel ?

Elle haussa les épaules, gênée. Elle baissa les yeux, mais n’esquiva pas.

— Une constellation. Elle change selon l’heure. J’aime bien quand elle s’efface.

Auguste la fixa un moment sans rien dire. Il n’y avait rien de moqueur dans sa voix. Juste… de l’étrangeté. De la beauté, peut-être.

— C’est la première fois que je vois quelqu’un attendre quelque chose du ciel, murmura-t-il.

Louane fronça légèrement les sourcils.

— Je n’attends pas. J’observe.

Un silence. Puis elle ajouta :

— Tu devrais essayer un jour. T’as l’air de quelqu’un qui regarde trop vers le sol.

Il eut un petit sourire, presque imperceptible.

— Peut-être. Et toi t’as l’air de quelqu’un que les autres regardent pas assez.

Leurs regards se croisèrent. Et c’est à cet instant précis, sans qu’ils ne le sachent encore, que quelque chose changea.