La salle de sciences était froide et impersonnelle. L’odeur du tableau blanc, des vieux livres et du plastique chaud donnait la nausée à Louane. Elle s’installa à sa place, dans le coin gauche près de la fenêtre, comme toujours. Elle aimait cet endroit, même s’il était loin du tableau. Elle pouvait y rêver sans être trop visible.

Mais ce matin-là, un détail avait changé.

Une voix dans le couloir. Des pas familiers. Et le professeur qui entra avec un léger soupir :

— Bonjour à tous. Auguste, tu peux t’installer à côté de Louane, là-bas.

Un frisson lui monta dans le dos.

Elle leva les yeux. Il arrivait, sac sur une épaule, décontracté, les cheveux en désordre et ce petit sourire qu’il semblait porter sans jamais forcer.

— Salut, dit-il en s’asseyant à côté d’elle.

Elle hocha timidement la tête, les joues déjà rouges.

Les chuchotements commencèrent aussitôt. Pas forts. Mais assez pour être tranchants.

— C’est quoi ce duo de l’espace ?
— Il va finir par devenir bizarre, lui aussi.
— La folle des étoiles a trouvé son alien ?

Louane sentait son cœur battre trop fort, comme s’il voulait fuir de sa poitrine. Elle se crispa sur son cahier, tentant de disparaître entre les lignes.

Mais Auguste, lui, se tourna lentement vers elle. Il pencha légèrement la tête et, à mi-voix :

— Ils sont jaloux parce qu’on a une galaxie rien qu’à nous, tu crois pas ?

Elle osa un sourire. Minuscule. Mais réel.

Le professeur lança le cours : les phases de la Lune. Ironique. Louane connaissait ce chapitre par cœur. Elle aurait pu donner le cours à la place de Mme Bernard. Mais elle ne dit rien. Elle ne parlait jamais, de toute façon. Pas ici.

— Tu lèves jamais la main, hein ? demanda Auguste, en griffonnant dans la marge de son cahier.

Elle répondit, à peine audible :

— À quoi bon ?

— À montrer que t’existes.

Il la regarda. Cette fois, elle soutint son regard. C’était peut-être la première fois depuis des mois que quelqu’un lui disait qu’elle avait le droit d’être là.

Quand le cours s’acheva, et que les élèves commencèrent à ranger leurs affaires dans un chaos d’impatience, Auguste glissa une petite feuille pliée dans le cahier de Louane.

Elle la retrouva une heure plus tard, seule dans la cour.

Sur la feuille, il avait écrit :

"Tu sais, je les entends aussi. Mais moi je choisis ce que j’écoute. Et toi, je t’écoute." — A.