Les jours qui suivirent furent comme un orage silencieux. Il n’y eut pas de cris. Pas de bagarres. Rien de spectaculaire. Juste une violence étouffée, lente, insidieuse, comme une brume qui s’insinue partout, même dans les endroits où l’on croyait pouvoir respirer.

Louane le sentit dès le lendemain matin.

Dès qu’elle entra dans le collège, les regards changèrent. Pas plus nombreux. Juste plus appuyés. Comme des projecteurs braqués sur elle, mais sans scène. Sans applaudissements. Juste un jugement, diffus, continu.

Sur son casier, le mot "traînée d’étoiles" avait été ajouté à la craie blanche. Elle tenta de l’effacer discrètement avec sa manche, mais une fille passa derrière elle et chuchota :

— Ça sert à rien. T’as déjà laissé ta trace.

En cours, elle n’était plus ignorée. Elle était surveillée. Chaque mouvement, chaque souffle, chaque parole devenait une source de moquerie. Un éternuement déclenchait un "Wouah, même ses microbes sont lunaires !", un mot noté dans son cahier devenait une blague de groupe : "Tu crois qu’elle écrit à des aliens ?"

Et Auguste ?

Lui aussi le sentit. Peut-être pas dans les mots, mais dans les silences. Les garçons de son équipe commencèrent à le laisser seul pendant les échauffements. Les blagues auxquelles il avait droit quelques jours plus tôt se transformèrent en messes basses à son passage.

— Tu traînes avec la sorcière du ciel, mec ? T’as craqué ?
— Dommage, il avait du potentiel.

Il ne répondait pas. Il serrait les dents. Il encaissait.

Mais Louane, elle, le voyait. Elle voyait ses poings crispés, ses mâchoires tendues, son regard de plus en plus fermé. Et, sans le vouloir, elle se mit à se haïr pour ce qu’elle lui avait fait perdre.

Un midi, elle s’éloigna avant qu’il n’ait eu le temps de la rejoindre. Elle alla s’asseoir au fond du terrain, derrière un vieux buisson, hors de vue.

Elle sortit son carnet. Dessina une planète toute noire. Pas d’étoiles autour. Juste le vide.

Puis elle écrivit, d’une main tremblante :

"J’aurais préféré qu’il ne me voie jamais."