Le vendredi matin, tout semblait… calme.
Louane aurait dû se méfier. C’était le genre de silence qui précède les tempêtes. Le genre de calme glacé qu’on entend avant qu’un cœur ne se brise.

Le contrôle de français avait vidé l’atmosphère. Les élèves, fatigués, s’étaient dispersés dans la cour après le déjeuner. Louane, elle, s’était installée à sa place habituelle, dos au mur, sous le vieux marronnier.

Auguste était quelque part, retenu par un professeur pour une histoire de devoirs non rendus.

Elle était seule. Comme avant.

Quand le haut-parleur de la cour grésilla, personne n’y prêta attention au début. Il crachotait souvent sans raison. Mais cette fois, une voix s’éleva. Et ce n’était pas celle du directeur.

C’était une voix d’ado. Un garçon. Riant à moitié.

— "Message spécial pour notre star cosmique, Louane la Lune : tu es officiellement élue la plus bizarre du collège. Tes petits carnets ont été envoyés à la NASA. Ils cherchent encore une planète pour t’y larguer."

Un silence stupéfait. Puis des rires. Des éclats, nerveux, moqueurs, cruels.

Louane sentit son cœur rater un battement.
Elle se leva d’un bond. Tous les regards étaient tournés vers elle.

— "Ah oui, dernière chose ! Le mec qui te parle à la pause ? Il te défend parce qu’il parie combien de temps il lui faut pour te faire tomber amoureuse. Spoiler : t’as déjà perdu."

Les rires redoublèrent. Certains applaudirent. Quelqu’un filmait.

Louane, figée, ne respirait plus. Elle resta quelques secondes debout. Ses jambes ne semblaient plus lui appartenir. Elle voyait flou. Elle sentit une brûlure dans la gorge, une envie de vomir.

Puis elle courut. Sans regarder autour. Sans s’excuser. Sans reprendre ses affaires. Elle courut jusqu’aux toilettes, s’enferma dans une cabine, et s’écroula.

Elle resta là, assise contre le mur glacé, les bras autour des genoux. Une larme coula. Puis une autre. Puis un flot, silencieux et épais.

Elle n’entendit pas Auguste entrer dans les toilettes des filles. Il frappa doucement à la porte de la cabine.

— Louane ?

Elle ne répondit pas.

— Je jure que j’ai rien à voir avec ça. Rien. Et… ce qu’ils ont dit, c’est faux. Complètement.

Silence.

— S’il te plaît… dis quelque chose.

Elle murmura, la voix presque éteinte :

— Pourquoi t’es venu ?

Il hésita. Puis :

— Parce que je tiens à toi.

Louane ferma les yeux. Elle aurait voulu le croire. Elle aurait voulu sortir, lui ouvrir, lui sauter dans les bras, pleurer sur son épaule, lui dire merci, dire qu’elle aussi…

Mais tout ce qu’elle réussit à faire, c’était souffler :

— Tu devrais pas.