La dernière étoile
Le week-end arriva.
Deux jours sans collège. Deux jours sans Auguste. Deux jours trop longs.
Louane ne répondit à aucun message — ni de son père, qui travaillait tard et ne voyait rien, ni d’Auguste, qui lui avait envoyé un simple :
"Je suis là si tu veux parler. Même si tu dis rien. Je suis là."
Elle n’ouvrit pas le message. Elle l’avait lu sans le vouloir, au verrouillage de l’écran. Et pourtant, il resta coincé dans sa tête comme une chanson triste qui tourne en boucle.
Le dimanche soir, elle fixa longuement son plafond.
Même les étoiles fluorescentes semblaient s’être éteintes.
Elle ouvrit son carnet. Écrivit quelques mots à la hâte. Pas une lettre. Juste une pensée :
"Peut-être que le vide est plus doux que les regards."
Puis elle ouvrit la fenêtre. L’air était froid. La nuit noire.
Elle monta lentement sur le rebord. Les tuiles de son toit, juste au-dessus de sa chambre, menaient à un petit surplomb. Rien de très haut. Mais assez pour blesser. Pour faire peur. Pour partir un peu. Juste un peu.
Elle n’avait pas envie de mourir. Elle avait juste envie que ça s’arrête.
Ses doigts tremblaient. Ses pieds glissaient un peu. Une larme coula.
Puis une voix, en bas. Une voix essoufflée. Connue.
— LOUANE !
Elle se figea.
Son prénom. Crié comme on lance une corde.
— Louane, réponds-moi. Je t’en supplie. Où t’es ?
C’était Auguste. Il était là. Il avait couru. Il ne savait pas pourquoi, il avait eu un mauvais pressentiment, un rêve étrange, une peur au ventre. Et il avait pris son vélo, puis couru les cent derniers mètres jusqu’à sa rue.
Louane ne dit rien. Elle ne pouvait plus parler. Elle retenait sa respiration, les yeux fermés, les bras croisés contre elle.
— Si tu sautes… je saute aussi.
Un silence. Il reprit, la voix plus basse.
— Peut-être pas d’ici. Mais je te jure… si tu t’effaces, Louane, je vais perdre quelque chose de moi que je trouverai jamais.
Elle rouvrit les yeux. Elle vit la rue, la nuit, le garçon debout là, les bras tendus vers elle comme si ça pouvait suffire à la retenir.
Et elle entendit.
Elle entendit qu’elle comptait.
Pas pour tout le monde.
Mais pour quelqu’un.
Elle s’agenouilla doucement. Puis recula. Elle descendit lentement sur les tuiles, agrippée à la gouttière, le souffle court.
Quand elle fut à portée, Auguste la serra contre lui. Fort. Longtemps.
Et elle éclata en sanglots.
Pas les petits sanglots discrets. Non. Des pleurs bruts, douloureux, libérateurs. Et lui, il la tenait. Sans rien dire. Comme une étoile qui refuse de la laisser tomber
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