— Tu viens à la fête de Camille, ce soir ?

Louane n’y crut pas tout de suite. Elle relut le message deux fois, incrédule.

Camille ? Une des filles les plus “populaires” du collège. Belle, sûre d’elle, toujours bien entourée.
Elle n’avait jamais adressé un mot sincère à Louane. Juste des sourires polis, ou des regards vides.

Et pourtant… l’invitation était bien là.
Nom. Heure. Adresse. “Tu peux venir si tu veux. Et ramène ton copain l’astronaute.” Suivi d’un emoji clin d’œil.

Elle hésita. Longtemps.

Puis elle appela Auguste.

— C’est peut-être une blague, murmura-t-elle.
— Peut-être. Mais peut-être pas. Et si c’est pas une blague… peut-être que c’est le moment de leur montrer que tu existes vraiment.

Elle ne répondit pas. Mais au fond d’elle, elle savait : elle voulait y croire.

Il faisait déjà nuit quand ils arrivèrent.
Une maison immense, lumière tamisée, musique qui vibrait dans le sol. Des rires, des cris, des silhouettes qui dansaient dans le jardin, des verres en plastique à la main.

Louane portait une robe noire simple. Pas de maquillage. Juste elle.
Auguste lui tenait la main, sans forcer. Présent. Solide. Sûr.

Ils passèrent la porte.
Des regards. Des chuchotements. Puis quelques sourires, évasifs.

Camille les accueillit. Trop chaleureusement.
— Louane ! T’es venue ! Et avec ton ange gardien. C’est parfait.

Louane sentit un frisson. Quelque chose sonnait faux.
Mais elle sourit quand même. Elle voulait y croire.

Une heure passa.
Elle ne dansait pas. Juste observait. Auguste lui parla à voix basse, la fit rire deux fois. Un instant, elle se sentit presque normale.
Mais ce sentiment ne dura pas.

Camille monta sur une chaise, micro à la main.

— Ok les gens, on va jouer à un petit jeu ! “Vérité ou Gage”. Avec un tirage au sort… spécial.

Les rires fusèrent.
Une roue sur une tablette. Des noms qui défilent.

Et puis.

— Louane ! T’as été choisie ! Tu veux jouer ou pas ? Allez, sois joueuse.

Tous les regards se tournèrent vers elle.

Elle hésita. Auguste se leva, prêt à intervenir. Mais elle le retint du regard.
Elle ne voulait pas fuir. Pas tout de suite.

— Vérité, murmura-t-elle.

Camille sourit. Un sourire trop blanc.

— Alors Louane… est-ce que t’as déjà rêvé de sortir avec Auguste ? Genre… vraiment rêvé.

Des rires éclatèrent. Un téléphone filmait.

Louane sentit sa gorge se bloquer. Ses jambes trembler.
Elle ne savait pas quoi dire.
Les visages dansaient autour d’elle. Le sol tanguait. Les étoiles de son plafond lui manquaient tellement.

Et soudain, Camille ajouta, avec une voix de comédie :

— Allez, dis-nous tout. Parce que t’as pas une tête à embrasser un garçon. Plutôt une tête à prier la lune.

Les rires devinrent plus forts. Les téléphones se levèrent.

Louane se leva brusquement. Les larmes aux yeux. Elle bouscula une chaise, traversa la foule, ouvrit la porte. Elle courut dans le jardin, dans la rue.
Elle courut comme ce soir-là. Encore.

Mais cette fois…

Il la rattrapa.

— Louane ! Attends. Louane, reviens. Je t’en supplie !

Elle se retourna. Tremblante. Le souffle coupé.

— Tu vois, murmura-t-elle. J’aurais pas dû venir. J’aurais pas dû croire. J’aurais pas dû t’embarquer là-dedans.

Il s’approcha.
Pas trop vite. Pas pour la piéger. Juste pour être là.

— C’est pas toi qui as eu tort. C’est eux qui ont oublié ce que c’est… d’avoir un cœur.

Il s’arrêta à quelques centimètres d’elle.

— Tu veux savoir un truc ?

— Quoi ? souffla-t-elle.

Il la regarda droit dans les yeux. Une seconde. Deux.

— J’ai rêvé de t’embrasser. Bien avant que tu rêves de moi.

Elle ouvrit la bouche. Mais il ne lui laissa pas le temps.

Il l’embrassa. Doucement. Lentement. Vraiment.

Pas comme dans les films. Pas comme un défi.

Comme un besoin. Un retour à la vie.

Et elle l’embrassa en retour.

Là, dans la rue, sous un lampadaire fatigué, avec les étoiles cachées derrière les nuages.

Et pour la première fois, le vide ne lui faisait plus peur.

Parce qu’elle n’était plus seule face à lui.