(Af)fables de la fontaine (+18) → 2/2

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(TW : Sexe)

La voici, la réciprocité. Celle qui a précipité les événements de la soirée et qui a changé ma vie à jamais.

— Un joli cadre. Une jolie femme …

— Ah bon, vous me trouvez jolie ? Je vous remercie, vous n'êtes pas mal non plus.

Un gloussement lui échappa, et me fit suspendre mon souffle. Elle me trouvait pas mal ! D’ordinaire, j’étais plutôt le genre d’homme qui faisait de l’effet aux femmes. J’en avais conscience et j’œuvrais pour au quotidien. Les regards et les têtes tournées à mon passage sont la rançon de tout ce travail sur mon corps.

Mais ce soir, ce « pas mal » c'était une véritable provocation. Sans doute parce que j’aurais voulu qu’elle soit attirée de la même manière que moi. Je m'évertuai à ne manifester aucune réaction au moment de la remercier poliment.

— Vous entendez ? s’écria-t-elle d’un coup. Cette fontaine couvre les bruits de la nuit. Je travaille ici depuis six ans et je réalise que c’est la première fois que je suis là, si tard. Et possiblement un peu pompette.

En prononçant ces mots, elle se redressa, finit sa coupe en une douce gorgée, et quitta ses escarpins pour rejoindre la fontaine pieds nus.

— Qu’est-ce que vous faites ? m’enquis-je, troublé.

— Ce lieu est parfait et je réalise que je n’en profite jamais, j’ai envie de tester un truc.

S’approchant toujours plus, elle enjamba le petit muret pour commencer à marcher dans l’eau. Peu profonde en son bord, mais plus elle avançait et plus l’eau montait sur ses jambes. Le geyser en son centre diffusait une brume épaisse, portée par un léger vent. La lune et les quelques éclairages du jardin soulignaient les contours de sa silhouette charmeuse, lui donnant des ombres et des éclats sublimant son corps.

Je m’approchai pour profiter de la vue. Bientôt, j’atteins le bord et fit une pause, juste à l’admirer. Emeline s’amusait à marcher dans l’eau, et à dessiner des cercles en sa surface utilisant pour cela la pointe gracieuse et délicate de son joli pied. Légèrement entravée par le nombre de verres qu’elle avait ingurgité, elle y mettait toutefois une joie communicative.

— Venez ! me lança-t-elle, m’éclaboussant au passage.

D’un hochement de tête, je refusai. Mon esprit d’homme marié avait dressé une barrière que je m’évertuais à maintenir entre nous. Elle tenait encore, mais pour combien de temps ?

Emeline ignorait à quel point je luttais contre elle, et contre moi, en cet instant. La rejoindre, c'était m’approcher d’un champ gravitationnel qui allait tout détruire sur son passage. Un pied dans l'eau et ce serait le point de non retour, je le savais.

— Allons, leurs chambres donnent de l’autre côté, négocia-t-elle pointant la façade du doigt, et votre associé, il roupille comme un bébé ! Personne ne saura que monsieur Karl Delmart se baigne dans les fontaines la nuit !

J’imaginais déjà le ridicule de devoir me déshabiller et après tout, elle-même y était entrée avec ses vêtements sur le dos. N'écoutant plus cette voix sage qui me hurlait de décliner poliment, je commençai à délacer mes chaussures.

L’eau fraîche me fit frissonner d’autant plus qu’Emeline, voulant me taquiner d’avoir osé le faire, me félicita en m’aspergeant copieusement.

Pour la stopper et pouvoir à mon tour lui rendre la monnaie de sa pièce, je m’enfonçai dans l’eau qui m’arriva en haut des cuisses. Sous ses rires cristallins, j'attrapai fermement ses poignets pour l'empêcher de m'éclabousser davantage, faisant ainsi reculer ma prisonnière, hilare, jusqu'à la sculpture centrale. J’eus conscience de mon geste, dominant, possessif, mais ne le stoppa pas pour autant. Quand ses yeux captèrent les miens, ses rires cessèrent. Mon cœur battait à tout rompre. Durant un court instant, qui me parut durer des heures, nous avons pris le temps de nous détailler l’un l’autre, dans un silence rythmé par les clapotis de la fontaine.

Ses longs cils papillonnaient dans des clignements frénétiques. Vous voyez ? Ce genre de sourire mutin et ces œillades sur ma bouche. On ne regarde pas n’importe qui de la sorte, vous en conviendrez ? Elle en avait envie autant que moi, je ne l’ai pas rêvé ?

C’est à ce moment précis qu’elle me donnait son consentement.

Et adieu barrières...

J’attirai sa bouche contre la mienne, l’embrassant avec avidité et empressement. Perdu pour perdu, je profitai de ce moment dont j’avais tant rêvé depuis la première fois. Un soupir s’échappa de ses lèvres quand elle les ouvrit pour accueillir ma langue. Emeline répondit à mon audace en m'offrant la sienne, à la fois douce et sauvage. Elle posa ses mains enfin libres sur moi sans la moindre gêne. Mon cœur battit fort dans ma poitrine que je pressai contre la sienne, ivre de la posséder enfin.

Ses mains exercèrent une pression. Étrange. Était-elle en train de me repousser ?

—Pardon, je… hésita-t-elle, je ne peux pas…

Figé dans le moment, je ne pus que la regarder s'écarter, interdit, prisonnier d’une envie de plus. Je lui tendis les bras, mais elle s’en alla et le phantasme cessa.

Une tension sinua dans ma tête puis devint douloureuse, tant que je dus fermer les yeux pour ne pas vaciller. Combien de temps cela a-t-il duré, je l’ignore mais à un moment, j’ai senti un mouvement à mes côtés.

— Viens avec moi, ordonna Emeline, me tirant par la main.

Trempé et dégoulinant d’eau chlorée, je la suivis, aussi excité que surpris, jusqu’à l'arrière de la volière. Arrivés de ce côté-ci, la sage Emeline se révéla tigresse. Dans cette partie du jardin, dissimulé et sans vis à vis, elle en profita pour me plaquer contre le mur et m’embrasser de plus belle. Mes mains frénétiques sur son corps s'arrêtèrent à hauteur de ses cuisses pour remonter sa robe mouillée et trouver ces fesses sur lesquelles j’avais tant fantasmé. Leur toucher était exactement comme je l’avais imaginé, un doux mélange de contradictions, à la fois moelleux et ferme, rond et musclé.

Possible et interdit.

Tout mon bas ventre pulsa à son contact dans une intensité telle que je subissais une érection vive et douloureuse. Serpentant contre moi, Emeline constata mon excitation ce qui ne fit qu’augmenter la sienne.

Dans la noirceur de la nuit, percé par quelques lueurs de lunes, je ne voyais qu’elle. Que son corps que j’allais enfin gouter. La nuit était à nous. J'en oubliai où nous étions et qui nous étions pour m’abandonner à cette sirène sensuelle contre moi. Je succombai à l’odeur de sa peau, la douceur de ses seins, à sa chute de reins incendiaire. Ma main descendait toujours plus bas pour se blottir contre son intimité, dont l’accueil fut des plus stimulants. Demain serait un autre jour, ce soir, contre ce mur, l’alcool brisant les réticences, je vivais l'expérience la plus excitante de toute ma vie. Au diable la retenue.

La tension sexuelle entre nous était déjà assommante, et je crois qu’en ne la pénétrant pas ce soir-là, je m’imaginais minimiser les dégâts. La transgression resterait en surface, discrète. Du moins c’est ce que ma lâcheté tentait de répondre à mon esprit d’homme engagé qui essayait de gâcher le moment par son rappel à l’ordre malvenu.

Au rythme de nos souffles erratiques, je donnais à cette femme ce qu’elle voulait et réalisait enfin ce fantasme que je pensais impossible. Pour quelques instants, elle était à moi. Chaude, humide, suppliante sous mes doigts, j’assouvissais ma découverte de son corps, luttant contre ma raison. Ma culpabilité, étouffée par le son de sa voix, se tue alors qu’elle m’empoigna avec force au travers de mon pantalon. Les frissons qui coururent sur ma peau, au rythme de son va et viens lascif, tendirent tout mon corps. Elle savait y faire. En quelques secondes, j’étais sur le point de jouir, mais elle me devança. Je la dévisageais avec fierté, m’essoufflant avec elle, profitant de chaque mimique de son orgasme dont j’étais le responsable. Cet égo, mélangé à l’ardeur du moment, s’ajouta à mon plaisir pour m’amener moi aussi à jouir.

La seconde qui suivit me ramena à une abjecte réalité : j’avais fauté. Line dormait sans doute déja dans notre lit conjugal, confiante, loyale, tandis que moi, je venais de souiller mon pantalon et que mes doigts se trouvaient encore dans l’intimité d’une autre femme. À cette simple évocation, la chaleur de notre étreinte me brûla de partout.

Choqué par tout ce que mon esprit m’assenait en cet instant, je retirai ma main, reculai d’un pas.

Puis d’un autre.

Puis encore un autre.

Plus je m’éloignais d’Emeline, puis mon ignominie prenait forme.

Cet état n’a pas duré :

L’attraction reprit par sursaut, comme pour se rappeler à mon souvenir.

Comme si j’en avais besoin ! Même après tout ce temps, tous les détails de cette nuit tapissent encore ma mémoire.

Quand elle abaissa sa robe et qu’elle rajusta son décolleté, avant de relever la tête pour me sourire, je courus jusqu’à elle pour l’étreindre avec force. Il fallait que je m’en aille, que je digère ce que je venais de faire, mais pas avant de l’avoir sentie une dernière fois. Ses cheveux fleuraient son parfum. Son cou, portait le mélange de sa fragrance et de nos sueurs, de ma salive alcoolisée et du stupre.

Mes longues inspirations finirent par me tourner la tête, mon esprit se perdit.

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