Redescente 2/
Je me tus. C’était la chose la plus sage. Je me devais de la préserver.
Edwin avait repris ses livraisons, et je n’avais désormais plus aucune raison de retourner à la Forge. Autant vous dire que ça m'arrangeait. L’écart oublié ou presque, je me plongeais dans le travail et dans la préparation des salons auxquels nous allions participer.
Lors de celui des métiers de bouche, Renan allait concourir dans la catégorie sculptures en chocolat et il avait de grandes chances de remporter un prix. De mon côté, je devais m’occuper de notre stand, dont je serais le principal exposant. Prévoir les quantités, les recettes, les possibles animations, tout cela m’occupait l’esprit et c'était très bien.
Isolé des bruits et des effluves chocolatées du rez-de chaussé, je profitai du calme de mon bureau pour mettre au point une recette inédite lorsque le téléphone retentit.
D’ordinaire, la sonnerie cesse vite car cette ligne donne aussi sur le magasin, hélas ce matin-ci, mes vendeuses devaient être trop occupées. Agacé, je pris le combiné à l’oreille, sans lever le nez de ma feuille.
À l’inspiration qu’elle prit avant de me saluer, je la reconnus. C’était elle. Le cœur serré, je parlai le premier.
— Emeline ? C’est bien toi ?
— Monsieur Delmart, rétorqua-t-elle après un léger raclement de gorge, ici Madame Martinelli.
La froideur de sa voix me piqua la peau. Mon orgueil me suggéra qu’elle restait professionnelle pour ne pas attirer l’attention. Mais mon amour propre, lui, prit un grand coup. Bien évidemment, je ne m’attendais pas à ce qu’elle s’extasie au sujet de notre dernière « entrevue », mais là, elle mettait clairement une distance et ça ne me plaisait pas du tout.
— Vous m’avez abandonné l’autre fois, osé-je, plus formel. Êtes-vous bien rentrée ?
À peine le temps de finir ma phrase qu’elle completa :
— Ce qui est arrivé l’autre soir ne doit plus jamais se reproduire. Ne cherchez pas à me contacter autrement que dans un cadre professionnel, vous m’entendez ?
À contre-cœur, j'acquiesçai. Sans savoir à quoi. Le rejet que je ressentais me glaça le sang. Je me prenais un mur. J’avais osé imaginer la revoir et c’est elle qui mettait fin à quelque chose avant même que ça ait commencé. De la pire des façons.
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