Perturbantes ambivalences 2/ (+18)

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Obnubilé par mes délires libidineux, je n’entendis pas ma portière s’ouvrir.

En une seconde elle était là, à califourchon sur moi, ses fesses contre le volant, à s’accaparer ma langue et à se frotter contre moi comme une chienne en chaleur.

Surpris, je commençai à lui bégayer quelques mots, mais elle me stoppa, sa main contre ma bouche.

— Je t’en prie, Karl. Ne dis rien, susurra-t-elle, juste une minute.

Mes mains ne savaient plus où se poser, la tentation était partout : ses cheveux de soie, sa cambrure, son cul, ses jambes, ses seins. Mon corps sous son emprise ne répondait plus à mes ordres. Il bougeait sans que je n’y puisse rien, stimulé par Emeline.

Comment avait-on pu passer de la femme glaciale et tranchante à cette douce créature féline et minaudante contre mon sexe ?

Voici une question que je ne me suis surtout pas posé sur le moment. Loin de là, non. Je la laissai faire, ivre de ce plaisir qu’elle suscitait, comblé.

Elle utilisa ses mains expertes pour libérer l’objet de sa convoitise. Je n’attendais que ça, et jamais je ne m’étais senti aussi prêt.

Il me tardait tant qu’elle l’ait en elle que j’en pulsais d’anticipation.

— J’ai pas arrêté de penser à notre nuit, souffla-t-elle, ondulant contre moi.

— Pourquoi tant de temps pour se revoir alors… ?

— Karl, me coupa-t-elle son front contre le mien, qu’importe le temps puisque je suis là.

Finissant sa phrase, elle glissa lentement le long de mon sexe. Je devinai dans ses yeux la déferlante de jouissance qui la submergeait, écho de la mienne.

J’avais alors deux certitudes, elle me faisait du bien, mais ce que nous faisions était mal.

Et pourtant, rien au monde ne m'arrêterait.

Mon plaisir à son paroxysme créait cet essoufflement douloureux et cette tension frissonnante sous ma peau. L’extase parfaite. Elle me chevaucha, animale, impudique, conquérante et je la laissai faire.

— T’es à moi, articulai-je dans un gémissement.

— Oui Karl, à toi et à personne d’autre, répondit-elle, haletante.

Cette affirmation galvanisa mon esprit, mon corps, mon monde. Nos souffles erratiques à l’unisson, je m’épanchai enfin, électrisé de spasmes, laissant en elle un peu de moi, une marque, une imprégnation.

Puis tout est arrivé si vite que mon esprit s’embrouille : Un grand bruit troubla notre félicité. Les aboiements des chiens de Jean-Marc se rapprochaient, ce qui a attiré mon attention. Dix secondes à peine et… Elle s’est éclipsée, comme elle est arrivée, me laissant au garde à vous, débraillé et haletant. Seul.

Avec le recul, je me demande comment j’ai pu ne pas voir...

Mais sur le moment, tout ce que je désirais c’etait la poursuivre, courir jusqu’à son putain de bureau, fermer à clé derriere nous pour ensuite la prendre sauvagement à mon tour. Mon corps en avait envie et il devenait fou.

Mais non, d’un coup dans ma voiture, je fus saisi par ce qui me restait de ma conscience qui me hurlait de me barrer, et vite.

Ce que je fis.

Sur le retour, quelque chose en moi s’est débridé. Un autre moi prenait forme. Je ne peux pas l’exprimer autrement. Une force supérieure a fait taire ma culpabilité. Dans ce nouveau monde où Emeline m’avait transporté, ma femme n’existait plus, mon travail, mes amis, ma vie non plus. J’entendis cette petite voix pour la première fois. « Elle a dit qu’elle est à toi, Karl », « vous êtes destinés », voilà, ce qu’elle me hurlait à l’oreille. Je revivais la scène à l’infini, avide de la revoir. J’avais faim de ma sirène et il était clair qu’elle aussi.

Je m’engouffrai dans le premier parking à ma disposition et sortis mon téléphone. En détective du dimanche, je la cherchai sur les réseaux, mais hélas, elle n’y semblait pas active. À son nom, je trouvai juste un instagram. Un profil public, simple, qui offrait toute une palette de belles couleurs et de photos passe-partout. Des animaux, des paysages, mais aucune image, aucun selfie d’Emeline. J’aurais tant aimé découvrir sa vie, pouvoir poser mes yeux encore un peu sur elle, mais non. Elle était de celles qui n’avaient pas besoin de la validation des autres. Cela ne m’étonna guère : à elle seule, elle était la définition de la beauté, le but ultime qu’aucune autre n’atteindrait jamais de toute façon.

C’est en tout cas la conclusion que j’en fis. Avec son charme indéniable, son attitude tantôt adorable, tantôt ensorceleuse, pour moi elle était l’incarnation de la perfection.

Je ne parvenais pas à comprendre sa logique. Etais-ce un jeu ? Si c'était le cas, il me plaisait beaucoup et ce côté caché était compatible avec ma vie actuelle. Jusqu’à ce que je prenne une décision, en tout cas.

J’ai erré des heures dans les rues de ma ville, puis suis rentré chez moi, avec la grogne, comme dit toujours Line. Vous savez, un énervement qui pulse dans les veines, la colère qui nous guette à chaque once de contrariété.

Ce soir-ci, l’idée de croiser ma femme n’a plus animé ma culpabilité, loin de là. Une autre émotion s’est allumée : le rejet.

Je ne voulais pas qu’elle s’approche, je redoutais la confrontation.

Par chance, en arrivant, j’ai constaté que tout était éteint. Dans le salon flottait encore l’odeur fleurie de la bougie que j’avais offert à Line. Cet effluve d’ordinaire si apaisant, si familier était devenu étouffant, écoeurant. Tendant l’oreille, le son de la télévision m’indiquait que Line était dans la chambre, couchée devant sa série.

Je suis passé devant la porte ouverte à toute vitesse, maugréant un bonjour, mais sans un regard.

J’évitais de claquer la porte de la salle de bain derrière moi. Mais l’envie était là. Cette rage ne me quittait plus.

Une cacophonie dans ma tête m'empêchait de réfléchir. D’où venaient toutes ces voix et toutes ces images ? Du sexe, du sale, mon esprit me racontaient des histoires dans lesquelles Emeline était sans la moindre limite. J’étais brut, animal, à la limite d’une violence à laquelle elle consentait, me suppliant d’aller toujours plus loin.

Comme possédé, je n’avais plus le moindre contrôle.

Sous une douche presque brûlante, je tachais d’extirper ces fantasmes par le seul moyen que je connaissais.

Je me laissais aller à l’orgasme, dans un râle bruyant que je ne cherchai même pas à taire. Malgré ça, ma frustration était toujours là.

Je me revois, assis dans ma douche, épuisé, reprenant peu à peu mes esprits. Quelque chose en moi s'était développé, mais sur le moment, je pensais le problème derrière moi. En réalité, je n’avais réussi qu’à l’endormir.

Quand je suis enfin sorti de la salle de bain, Line s'était endormie. Mon comportement de ces derniers jours ne lui avait pas donné envie de m’attendre ni de s’approcher et ça m'arrangeait. Je m’en voulais pour ma froideur et pour ce qu’elle avait dû penser, mais comme je n’avais pas de réponse à lui apporter, qu’elle ne soit pas dans les parages me rassura.

Je me suis endormi sur le canapé du salon, avec l’image d’Emeline au fond des yeux.

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