Rivalité(s) 3/ (+18)

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Le soir du dernier jour de salon, un repas était organisé après la fermeture au public. Un dîner privé auquel étaient conviés les exposants et leurs conjoints. Je savais que Line était déjà en route conduite par Audrey, la femme de Renan. Une heure trente de voiture pour un repas de gourmets, il aurait été dommage de s’en priver.

La tradition veut que le repas de fin de salon soit concocté de A à Z par les exposants. Entrée, plat, dessert, vins, spiritueux, c’est une organisation secrète mais bien rodée où chacun cuisine ou fournit ses produits de luxe. Et pour rester dans le thème de la soirée, nous revêtions tous nos chemises et nos toques.

Renan, fier de son col MOF tricolore agrémenté de sa médaille, avait fort belle allure. Je n’étais pas mal non plus.

Ainsi endimanchés, nous sommes allés accueillir nos épouses à l’entrée.

— Qu’il est beau mon meilleur ouvrier de France ! s’extasia Audrey, ouvrant ses bras à son mari.

— Il est où ton col de Meilleure épouse de France alors ? répliqua-t-il avant de coller ses lèvres aux siennes.

De là où j’étais, je pouvais percevoir l'énergie de Renan en train de se recharger à son contact.

La fusion entre Renan et sa femme m’a toujours ravi. Ils vivent un amour simple et sain, le même que celui que je pensais avoir avec Line. Renan le raisonnable, fait ce qu’il dit, dit ce qu’il fait et a toujours hâte de retrouver Audrey. D’après Line, cette dernière se comporte de la même manière. Ces traits, que nous avions en commun, donnaient cette saveur particulière à nos sorties à quatre.

C’est fini tout ça maintenant.

Je sais pourquoi mon souvenir de cette soirée est si clair, sur un point en particulier : la sensation de décalage que j’ai perçu.

Bien-sûr, aux yeux de tous, rien n’avait changé, mais moi je savais. Je savais que j’avais trahi ma femme, ma promesse et que j’aurai beau être irréprochable le reste de ma vie, ça ne rattraperait jamais rien. Depuis des semaines, j’avais une autre femme en tête et mon épouse passait après. L’écho de l’homme que j’avais été me hurlait de me reprendre et c’est ce que je fis lors de ce repas. Des regards vers Line, resplendissante. Des éloges sur ma femme, et sur son soutien dans mon entreprise. Ma main sur son genou.

À mesure que je forçais le trait, j’y croyais. Je pouvais redevenir cet homme, je devais le redevenir. J’aurais trouvé une excuse pour ne plus jamais revoir Emeline. Pour Line.

À l’issue de la soirée, nous sommes partis tous les deux. Renan est rentré avec sa femme, tandis que moi je ramenais Line avec le camion.

— Ça y est, la pression va pouvoir redescendre un peu, déclara Line.

Les yeux sur la route, je ne savais pas quoi répondre.

— J’étais si imbuvable que ça ? plaisantai-je.

— Imbuvable, non, mais absent, j’en suis venue à me demander si tu n'avais pas une maîtresse.

Le petit rire qui suivit sa réponse me glaça. Impossible de savoir si elle jaugeait ma réaction ou si c'était une véritable boutade. La poitrine serrée, je me forçai à ricaner.

De retour chez nous, Karl – le mari – fit l’amour à sa femme, plus pour se prouver quelque chose que par véritable désir. J'étais épuisé par mon week-end, fatigué de toute cette pression qui redescendait enfin, et lessivé de me battre contre mes propres pulsions. Et malgré tout ce poids, je trouvais encore la force de tenir pour Line.

Bien-sûr qu’elle aurait survécu sans sexe durant une soirée, mais c’etait plus fort que moi, je devais me prouver que c’était encore elle l’objet de mes désirs.

Je la cueillis, sortant d’une douche bouillante comme à son habitude, dans notre salle de bain aux allures de hammam. Son corps chaud, les vapeurs d’eau autour de nous, ce miroir flouté de buée : une ambiance des plus inspirantes était à ma disposition.

Je la portai jusqu'à la vasque et l’y déposai, jetant au sol le drap de bain qui enveloppait son corps. Elle était là, devant moi. Belle, offerte. Ma femme. Ma magnifique femme.

Elle m’étreignit, crochetant ses jambes autour de moi. Ses baisers sur ma peau me faisaient le même effet depuis toujours et il fut facile de paraître réellement excité. Si mon enthousiasme était feint, mon érection, elle, ne l'était pas.

En appui sur le meuble de salle de bain, pour ne pas glisser, je contrôlais chaque mouvement vigoureux de mes reins. Tout mon être s’exprimait et hurlait que c'était elle mon tout, pour l’éternité. Nos corps en fusion, chaque centimètre de nos peaux collées l’une à l’autre en témoignait, je faisais l’Amour à ma femme.

Line, agrippée à mon buste, profitait enfin d’un mari présent et en demande. Son souffle erratique dans mon oreille était une douce mélodie qui me titillait, mais ce n'était pas assez.

J’en voulais plus, qu’elle crie mon nom, alors d’un geste presque brutal, j’incitai ma femme à se retourner. Ma main ferme dans son dos la plaqua sur la vasque, ouvrant le champ à mon sexe conquérant, que j’enfonçai jusqu’à la garde. Je me sentis fier, puissant et je suis persuadé que Line a adoré ça.

Au bout de quelques minutes, la buée s’estompa, dévoilant notre reflet dans le miroir. Je me vis en pleine action et fixai mon propre regard, ajoutant un sens à mon plaisir. Mes yeux dévièrent sur les fesses de Line. Si sexy dans leur mouvement. Je remontai son dos, ses épaules…

Et c’est là que ça devient bizarre, même encore maintenant, je n’arrive pas à l’expliquer.

La femme, que j’admirais de dos, n’etait plus Line. Si je pouvais lorgner ces douces épaules, ça n’était plus parce que ses longs cheveux se trouvaient rassemblés d’une barrette, non… C’est parce qu’elle portait à présent les cheveux au carré comme…

Emeline.

Confus et térrifié, je saisis la femme par les épaules pour constater son visage dans le miroir.

— Mon amour, que se passe-t-il ? chuchota Line.

Ma Line, juste Line. Mon esprit fatigué s’était joué de moi de la pire des façons. Apeuré et au bord des larmes, j'étreignis mon épouse, aussi fort que je le pouvais, sans savoir quelle émotion me faisait pleurer. La peur, la honte, l’harassement, ou peut-être tout à la fois ?

Au moment de me coucher, je pris le temps de déposer la boucle d’oreille d’Emeline dans le tiroir de ma table de nuit. Après un coup d'œil sur mon épouse qui dormait déjà, j’eus tout le loisir d’admirer quelques minutes ce bijou qui ramenait mes pensées à sa propriétaire. Je ne sais pas si je comptais lui rendre… Ça me plaisait de la garder pour moi. Mais je me rappelle m’être dit qu’elle semblait bien seule dans ce tiroir vide, que j’ai verrouillé pour la première fois.

Je passai le lundi à la maison. Line était de garde à l'hôpital, je restai toute la journée seul et somnolant.

Est-ce pour cette raison qu’il me fut impossible de dormir la nuit venue, ou pour ce qui m’attendait le lendemain.

J’ai bien ma réponse.

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