Parfum de folie 3/ (+18)
Le reste de la soirée est sans intérêt, à proprement parler. J’ai été félicité. Et moi, tandis qu’on me couvrait d’éloges, j’avais juste envie de me peloter le ventre comme le ferait une femme enceinte. Par ce vêtement sur ma peau, je sentais mon ADN se mélanger à celui d’Emeline, présent dans les fibres. Je mutais.
Nous sommes repartis à deux heures du matin et après avoir déposé mes extras chez eux, je suis rentré.
Quand je me suis enfin retrouvé seul, il y eut comme un moment de flottement.
Qu’est-ce que je venais de faire ?
Par chance, personne ne m’avait vu. Personne … mais moi, si. Sans le moindre contrôle, j’avais assisté à cette scène affligeante, spectateur et passif.
Je me tenais à présent dans ma salle de bain, n’osant pas ôter ma chemise, sans pouvoir dire si c'était par honte ou par confort.
Il m’a fallu plusieurs minutes pour enfin réussir à libérer mon butin.
Quand je pris mon trophée dans mes mains, comment vous exprimer mes ressentis ?
Un tissu rouge, doux, aérien. De la soie peut-être, que je fis glisser sous mes doigts des minutes durant. Ce toucher me transcenda tant que j’aurais pu ronronner. Quand j’osai le porter à mes narines, mes émois partirent littéralement dans un autre sens. Une inspiration dans ce simple débardeur me gonfla d’une volupté étouffante. Ce parfum guida mon imagination pour amener mon intumescence dans des hauteurs jamais égalées. Je bandai comme jamais. Pas une simple érection.
J’avais envie d’Emeline. Je m’imaginais avec elle, sur elle, en elle. Elle était partout en moi, au point de me faire souffrir. Elle avait infiltré mon sang et se diffusait dans chaque partie de mon corps.
Mais j’étais seul dans ma salle de bain, devenue mon refuge ces derniers temps. À quelques pas de moi, dormait mon épouse. Sereine, elle ignorait tout, pauvre Line.
En voulant regarder l’heure sur mon portable, une association d’idées débiles me fit rappeler que j’avais le numéro professionnel d’Emeline. Je me mis à écrire quinze, peut-être vingt versions d’un sms, toutes plus lunaires les unes que les autres, avant d’en envoyer un seul :
« Je donnerais tout pour un autre moment ensemble, quand nous revoyons nous ? Karl, Monsieur Delmart. »
La suite est confuse.
Je ne me rappelle plus comment j’ai fini par aller me coucher, en revanche, ce dont je me souviens c’est que quand je me suis réveillé et qu’elle avait répondu. Je n’ai pas lu tout de suite ce qu’elle disait. Non, la simple vision de son nom sur la notification suffit à mon corps pour s’animer. Par réflexe, je saisis ma petite clé et ouvris le tiroir de ma table de nuit pour récupérer et caresser ma relique. Savoir le débardeur d’Emeline tout contre moi me donnait de l'énergie, je crois.
En tout cas, je ressentais le besoin viscéral d’être proche d’elle, en dépit du risque que ma femme ne le trouve. Le respirer me transporta aux côtés de ma sirène. Elle n’était pas là bien-sûr, mais sa senteur matérialisait mon désir. Portant le débardeur à mon visage, j’aurai voulu l’absorber, puis m’étouffer avec. Seul dans mon lit, par la seule force de l’imagination, je me faisais du bien, libérant cette tension écrasante. Je faisais glisser le tissu le long de mon corps comme sa fine main l’aurait fait. Au départ, mes gestes tout en douceur contrastaient avec le stupre violent qui habitait mes pensées, mais au bout d’un moment je me masturbais avec une telle frénésie que j’aurais pu me blesser. Bien que sous mes draps, à l’abri du moindre regard – le mien y compris – une fausse pudeur m’envahit, m'incitant à utiliser le vêtement d’Emeline pour dissimuler l'infâme. Me masturber avec son débardeur ajouta quelque chose, je dois bien l’avouer.
— Que voulez-vous dire, Karl ? interrompt l’homme, un air septique sur son visage fermé.
Raconter cette histoire en détail n’est déjà pas facile, mais devoir soutenir son regard me donne l’impression d’être jugé. C’est désagréable. Et pourtant, lui aussi en privé doit faire de drôles de choses, n’est-ce pas ? C’est traversé par toutes ces pensées parasites que je reste silencieux.
— « ajouta quelque chose », pourriez-vous être plus clair, je vous prie ? relance-t-il.
— Je … je ne sais pas trop. C’est comme si elle était avec moi et s'était mise au défi de me faire jouir.
Étourdi par un orgasme explosif, j’ouvris le SMS, histoire de prolonger le plaisir
« Ce qui s’est passé ne doit jamais se savoir. Je sais que vous me comprenez. »
Voici presque de quoi me refroidir.
Qu’étais-je censé comprendre, au juste ? Me repoussait-elle ? Ou me donnait-elle le statut de l’amant de l’ombre ?
En vérité, par ces mots, elle me remettait à une place qui ne me plaisait pas. Le plaisir qu’elle venait de me donner n’avait rien d’anodin. Il y avait quelque chose entre nous.
Comment osait-elle ?
Je ne travaillais pas ce jour-là et aurais pu dormir plus, mais mon esprit était en ébullition. Paré pour ma journée, je rangeai mon téléphone dans ma poche avant de descendre dans la cuisine. Depuis le haut de l’escalier, je percevais des bruits familiers. Les tiroirs qui roulent. Le son de la vaisselle qu’on y dépose. La radio branchée sur une chaîne d’infos.
Mon cœur accéléra ses battements, me projetant dans un état de stress : Line.
En l’apercevant, je voyais le passé. Quelque chose derrière moi, que je perdais inexorablement. Je répondis au sourire radieux qu’elle m’adressa avant de l’embrasser tendrement.
Elle sentait l’effluve citronné de son parfum préféré et cette odeur me secoua.
NOM DE DIEU ! Elle était là, la solution : le parfum !
Et si c'était tout bonnement ça qui agissait sur moi comme un philtre d’amour ? Cette révélation me sauta aux yeux, déclenchant une euphorie que je ne pus dissimuler.
J’avais trouvé la solution et ce qui aurait dû me mettre la puce à l’oreille, c’est que le cartésien que je suis a quand-même trouvé cela logique. Dans mon délire, j’étais certain que j’allais sauver mon mariage et me libérer de ce poids, en un claquement de doigts.
L’après-midi même, j’errais chez Sekhora, en quête de mon élixir miraculeux. Sekhora, le temple du parfum et de la cochonnerie cosmétique en tous genres. Je ne me suis jamais senti aussi peu à ma place.
Une vendeuse aux yeux de biches me conseilla. Était-ce courant de draguer les clients ? En tout cas, il est clair que je ne la laissais pas indifférente.
Je vous l’ai déjà dit : j’ai toujours eu du succès avec les femmes.
Elle m’amena devant le bon présentoir. Le flacon de « Mermaid » était beau et distingué, comme Emeline.
Je m’appretais à offrir à ma femme l’attraction ultime. La pièce manquante, celle qui allait me permettre de redevenir un homme vertueux.
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