Stalker sachant stalker 2/

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Soudain, je réalisai qu’Emeline ne m’en avait pas parlé parce qu’elle attendait sans doute le bon moment pour me faire la surprise. Je devais jouer le jeu.

Je récupérai le test et refermai la boîte, comme si de rien était, et elle n’en saurait rien.

Je suis sorti aussi prestement que j’étais entré, profitant d’un moment où le connard inspectait sa tondeuse, satisfait.

— Et comment avez-vous agi par la suite ?

— Après ça ? Ben je suis rentré.

J’ai déposé mes nouveaux trésors avec les autres puis je suis redescendu pour jouer au parfait compagnon avec Line. Rien de ce qu’elle me racontait ne m’intéressait. Et blablabla… Mon esprit était si loin.

Ce soir-là, elle aurait voulu faire l’amour, Je le sais bien.

Minaudante, souriante, tactile, elle a tout essayé, mais rien n’y fit. J’étais désormais fidèle à ma sirène. Et puis, de toute façon, rien de ce qu’elle a entrepris n’aura réussi à me faire bander. Pour son confort, je mis la fatigue sur la balance pour qu’elle me lâche, sans autre forme de question.

— Non, pas quand vous êtes rentré chez vous, insiste l’homme, « après », suite à votre visite de son domicile.

Après, j’étais focalisé sur mon téléphone, parce que j’attendais qu’Emeline me joigne.

Aucun message. Aucun appel de ma divine. Quand on reçoit un cadeau on remercie, c’est la moindre des choses, non ? Pourquoi ne se manifestait-elle pas ?

Avait-elle vu mon présent ?

Pas encore peut-être ?

Ou alors, elle pensait que cela venait du connard .. !

— Maintenant que j’y pense, j’aurais pu laisser un mot ? pensé-je à haute voix. Pourquoi j’ai pas laissé un mot d’ailleurs … Ah ben non, bien-sûr, que je suis con, le mari aurait pu le lire.

Bref…

Plus les heures passaient, plus je me faisais des films et plus son silence m’irritait.

Non, je me trompe, me coupé-je à nouveau. Sur le moment, j’étais pas énervé, mais plutôt triste, je dirais. C’est dur de se souvenir de tout et de vous raconter dans l’ordre, je fais ce que je peux, excusez-moi.

— Vous faites cela très bien, rassurez-vous, Karl.

En tout cas, ce sentiment grandissant à mesure de son silence creusait un trou béant dans ma poitrine. Et encore une fois, je ne parvins pas à trouver le sommeil.

Le lendemain, je bossai en pilote automatique. Un vrai robot. À la différence peut-être qu’un robot, lui, accomplirait ses tâches correctement : je passai ma matinée à me tromper sur les gâteaux de mes clients. Je n’avais envie que d’Emeline et ma main ne savait plus qu’écrire son nom.

Je me plaisais à penser qu’elle aussi était perturbée à cause de son Monsieur Delmart.

Je la savais prisonnière de cette vie bien rangée et même si je lui laissais encore un peu de temps pour gérer ses affaires, j’étais impatient de la sauver.

En sortant vers quinze heures, même si je n’avais rien dormi depuis deux jours, j’étais plein d’énergie. Je roulai jusqu’à elle. Je savais où elle pouvait être à cette heure-ci.

À la Forge.

Je me suis garé sur un parking à une centaine de mètres de l’enceinte du domaine et j’ai attendu. À ressasser les mêmes pensées encore et encore, je me faisais à l’idée d’être père et me satisfaisais d’être le seul amour de cette femme incroyable.

Ma notion du temps est floue, il me semble que le soleil déclinait à peine quand j’ai vu cette berline s’arrêter au bord de la route, juste devant la grille de la Forge.

Tapis dans ma voiture, j’assistais à une scène détestable.

Emeline s’avança. Voici donc pourquoi le soleil déclinait : face à la lumière de ma sirène, tout devient fade. Je remarquai la douce tenue de ma divine. Une robe fluide et légère, des chaussures ouvertes à talon, parfaite, comme toujours.

L'homme sortit, fit le tour de son véhicule et accueillit ma femme d’un baiser.

Enculé, va !

Je luttai pour ne pas lui foncer dessus avec ma caisse. En moi, pointait l’envie pressante de lui faire du mal. C’est à lui que j’en voulais, pas à Emeline. Je la libérais peu à peu de l’emprise de ce connard, mais il tenait bon le bougre.

Porté par une curiosité poussée à l’extrême, mêlée à une force dévastatrice, je les ai suivi, jusqu’à …

Là, j’ai été con. Je me rends compte de ce que je m’apprête à confier à cet inconnu et ce n’est pas glorieux. Sur le moment je n’avais pas conscience, tous les évènements se sont enchaînés si vite et …

— Karl ? m’interpelle l’homme troublant le silence qui s’installe.

— Je … La fatigue, le stress … Ce jour-ci, je n’ai pas été une bonne personne.

— Tout va bien, allez-y, vous pouvez tout raconter librement.

Ils sont d’abord allés au restaurant. J’ai garé mon véhicule au plus près d’eux. Installés en terrasse d’un petit troquet sans prétention, ils étaient tout sourire, profitant de la douceur de vivre. Moi je les regardais en fulminant. Enfin, c’est surtout lui qui me faisait enrager. De là où je me trouvais, je voyais tout. Tout. Son regard concupiscent. Sa main, qu’il posa plusieurs fois sur la joue d’Emeline. Tous ses gestes faisaient bouillonner une rage acide en moi. Il touchait ce qui était à moi. À moi !

Je le maudis.

Masqué par le voile sombre de la nuit, j’avais une vue parfaite et claire sur leur table. Juste au dessus d’eux, les spots qui se voulaient feutrés devinrent des projecteurs braqués sur une scène et j’assistais au spectacle. Il ne manquait plus que le son compléter ma tragédie.

Au terme d’un repas interminable, ils sortirent enfin et roulèrent jusqu’à leur pavillon.

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