Chapitre 1 Partie 2 — Les enfants du silence
Elom rejoignit Victor. Ils gagnèrent la galerie suspendue, la plus ancienne de l’orphelinat. Ce corridor étroit, voûté, élevé au-dessus des jardins, était connu de tous sous le nom de Couloir des Silences.
Le parquet y grinçait à peine. Les murs, eux, étaient saturés de mots. Des inscriptions anciennes, gravées dans la pierre, superposées à des peintures calligraphiées, elles-mêmes recouvertes par des ajouts manuscrits plus récents, parfois à l’encre noire, parfois au sang mêlé d’argile.
“Le souffle passe, mais ne blesse pas.”
“Laisse ton nom à la porte.”
“Ce couloir écoute.”
On disait que ce corridor avait été construit pour traverser une zone instable, à l’époque du monastère originel. Aujourd’hui encore, il ne vibrait pas. Il absorbait les vibrations. Même le vent semblait s’y retenir. L’air, dans le Couloir des Silences, ne bougeait pas de lui-même. Il fallait le pousser, par son propre passage. Il flottait, dense, comme de l’eau suspendue. Et les sons… Ils étaient mangés. Les pas devenaient feutres. Les souffles, gestes. La parole, soupir. On racontait qu’on pouvait y mourir sans faire de bruit.
Victor marchait un peu derrière Elom, un doigt effleurant les inscriptions murales.
— « Je me demande… tu crois qu’un mot peut suffire à faire tenir tout ça ? Une seule phrase, bien dite ? »
Elom ne ralentit pas.
— « Il ne faut pas une phrase bien dite. Il faut une phrase juste. »
— « C’est bien ce que je dis. Une phrase juste, bien dite. », il grogna, « T’es toujours à me reprendre. Comme si t’avais le Verbe sous les côtes. »
Il s’arrêta une seconde devant une signature ancienne, en lettres gauches, biseautées.
— « Regarde ça. ‘A. Massin, 1826.’ Tu crois qu’il est mort dans ce couloir ? Qu’on l’a oublié ici ? »
— « Non. Il a laissé son nom. Donc il tient encore un peu. »
— « Moi, si je devais être effacé, je crois que j’aimerais que tu restes. Juste pour me regarder disparaître. Tu ferais ça bien. T’as l’air de savoir regarder les choses mourir. »
Elom s’arrêta. Le fixa. Victor sourit.
— « C’est une blague, Elom. Tu peux sourire, hein. »
— « C’est toi qui as parlé cette nuit. Tu disais des mots qui bougeaient. Abel a dit que la pierre avait failli se fendre. »
— « Mais je dormais ! Je peux pas contrôler ce que je dis dans mon sommeil ! »
— « Peut-être que c’est ce que tu dis quand tu dors qui est le plus vrai. »
Victor le regarda, interloqué. Puis haussa les épaules.
— « T’es vraiment bizarre, tu sais ? Je t’aime bien, mais t’es bizarre. Heureusement que t’as pas de nom. Tu lui ferais peur. »
Ils arrivèrent à l’arche basse qui marquait la fin du couloir. Victor, plus bas :
— « D’ailleurs, pour ton nom… Tu crois que les mots t’aiment ? Ou qu’ils te fuient ? »
Elom n’eut pas envie de répondre.
On descendait dans la salle des Noms par trois marches de pierre. Elle n’était ni haute, ni large. Mais elle tenait. Et tout en elle respirait l’ancien, le fixe, le tenu. Circulaire, légèrement enterrée, la salle était ceinte de bibliothèques massives, où s’alignaient des tablettes d’argile vernies, des liasses de papier cousues, des carnets reliés de cuir noir, et quelques boîtes en verre contenant des feuilles si fines qu’on n’osait les lire.
Au centre, un pupitre à rotule, où reposait le registre du jour. Le parquet, en chêne brun, grinçait au centre, mais uniquement au centre. On disait que c’était à cet endroit que le monde écoutait.
Les enfants s’installèrent sur des bancs en arc de cercle. Pas un mot. La salle imposait son propre rythme. Sœur Lanta entra, droite, calme, tenant un carnet d’une main, un stylet de plume sèche dans l’autre. Elle posa le tout sur le pupitre, et leva les yeux. Sa voix était claire. Chaque nom qu’elle prononçait semblait trouver sa place dans la pièce.
— « Éléonore Baret. »
« Présente. Fixée. Prudente. »
— « Victor Messin. »
« Présent. Instable. Lucide. »
Un léger gloussement fut étouffé.
— « Elom. »
« Je suis là. »
Elle hocha la tête.
C’était suffisant. Elle ouvrit alors le second registre.
— « Les tâches du jour sont assignées selon les courants observés cette semaine. »
Elle égrenait les taches pour chaque enfant.
— « Madeleine Armand : lessivage des murs de l’aile nord, sous contrôle de Verbe blanc. Tu seras accompagnée d’Abel. »
— « Benoît Darmin : jardin est, décompactage des carrés de potager. Pense à vérifier les glyphes de croissance. »
— « Victor Messin : ruches avec Père Loarn. Tu noteras les déplacements de la Reine selon le diagramme du jour. Tu seras guidé aussi par Frère Émile. »
— « Éléonore : traduction de syntagmes anciens en salle des glyphes, puis annotation murale. »
— « Elom : Scriptorium Trois, sous double vérification. Salle B. »
Quelques regards. Pas de moquerie franche, mais des sourcils haussés. Lorsque la liste fut terminée, les enfants commencèrent à sortir en file, certains en silence, d’autres dans un bruissement d’ardoises et de carnets. Elom resta en arrière. Sœur Lanta referma ses registres.
— « Tu voulais me parler ? »
Il hocha la tête.
— « C’est le Scriptorium. J’y arrive pas. A écrire, je veux dire. Les mots glissent. J’écris droit, pourtant. Mais ils se déplacent. Se replient. Ou s’effacent. Les autres rient. Je… je crois que je fais du mal à la page. »
Elle ne répondit pas tout de suite. Puis :
— « Tu ne fais pas de mal. Tu fais… ressortir ce qui ne veut pas tenir. Mais c’est parfois pire, en effet. »
— « Je peux tenir les murs. Ou aller aux ruches. Juste… pas copier aujourd’hui. »
Sœur Lanta l’observa.
— « Tu sais ce qu’est un mot qui glisse ? Ce n’est pas un mot faible. C’est un mot qui veut aller ailleurs. Qui cherche son vrai endroit. Peut-être que tu les aides à le trouver. Mais je comprends. »
Elle marqua un silence.
— « Je ne peux pas changer ta tâche aujourd’hui. Pas sans risquer de rompre un équilibre. Mais ce soir, après la prière, viens me voir. Avec Frère Loarn. On verra ce qu’il y a à comprendre. »
Elle posa la main sur l’épaule d’Elom.
— « Ne cherche pas à fixer ce qui refuse. Apprends à marcher avec. Et un jour, peut-être, c’est le monde qui te suivra. ».
Les élèves Formulants quittèrent la salle des Noms dans un silence sans heurt, comme si les noms qu’ils venaient d’entendre les avaient lestés d’une attention plus dense.
Ils descendirent par un escalier à vis vers l’aile sud, jusqu’à l’ancien cloître, enraciné dans la pierre bien avant le Cadastre.
La salle du cours d’histoire était à demi enterrée. Ses murs, faits de pierre calcaire, suintaient par endroits une humidité verbale — invisible, mais perceptible dans la gorge.
La pièce, petite, était encombrée de cartes géographiques aux coins effilochés, de bibliothèques croulantes pleines d’ouvrages ouverts à la mauvaise page, et de chaises dépareillées poussées contre des tables d’écoliers.
Une unique fenêtre longue et basse, percée dans le mur nord, donnait sur la serre. La lumière y entrait verte, tamisée par les feuillages, filtrée par une lunette végétale.
Au fond de la pièce, Frère Séraphin était déjà là. Assis derrière un bureau aux tiroirs déformés par l’usage, il lisait. Du moins… il déchiffrait, à travers une lentille protectrice suspendue devant ses yeux. C’était un de ces filtres à cristaux noirs, forgés pour lire les ouvrages d’avant-Déliement sans se heurter à leurs brisures.
Certains livres, disait-on, avaient gardé des fragments actifs du Verbe. D’autres, plus rares encore, pouvaient infliger des torsions au lecteur inattentif.
Il referma vivement les volumes, déposa la lentille sur un coussin de feutre, tira les rideaux. Puis, lentement, se leva — comme s’il redressait un fragment du monde.
— « Asseyez-vous. Vite, mais pas en silence. Le silence complet attire les glissements. »
Il s’approcha du tableau d’ardoise vert, tenant une carte ancienne de Paris, et l’accrocha d’un geste expert. Elle trembla un instant avant de se fixer.
— « Aujourd’hui, nous allons étudier la zone floue de Ménilmontant. »
Un murmure parcourut la pièce. Plusieurs élèves redressèrent la tête. Ce nom, ils le connaissaient.
— « Certains d’entre vous savent-ils ce qu’elle a de particulier ? »
Une main se leva. Auguste.
— « Parce que c’est une Brisée. »
— « Oui. Bonne intuition. Mais quel est le terme cadastral exact ? »
Éléonore répondit sans hésitation :
— « Une zone réfractée, Maître. »
Frère Séraphin hocha la tête.
— « Voilà. Une zone réfractée. Ce mot est important. Vous devez le tenir. Une zone brisée, ce n’est pas simplement une zone instable. C’est une faille sémantique en extension. Un endroit du monde où le langage a cessé de correspondre à ce qu’il désigne. Où le réel, ne sachant plus quel Verbe suivre, commence à dériver. »
Il pointa Ménilmontant sur la carte, avec une règle d’arpenteur.
— « Cette zone a tenu jusqu’au 23 janvier 1901. C’est une date importante. Ce jour-là, À 10h43, le trottoir a commencé à dévier. Puis les vitrines. Les murs. Les noms. La plaque “rue des Maronites” s’est inversée, fondue, effacée. À midi : plus d’orientation. À seize heures : des souvenirs sans preuve. Le lendemain, le Cadastre déclara la zone perdue.
Victor leva la main.
— « Mais Maître… on sait ce qui a causé ça ? C’était quoi ? Une mauvaise prière ? Une erreur d’Arpenteur ? »
— « Non, Victor. On ne sait pas. Mais les historiens retiennent deux théories principales. Écrivez-les. »
Il s’approcha du tableau, traça deux cercles distincts.
— « Théorie de la Déclaration Défectueuse : un enfant aurait été nommé trop tôt, avec un syntagme instable. Le nom se serait fracturé au contact du réel. Le quartier, probablement déjà instable, aurait amplifié la déchirure. Théorie du Contre-Verbe : un groupe d’anciens scribes aurait tenté de raviver un mot interdit, oublié depuis l’Épanchement de 1879. Le mot n’aurait pas tenu. Il se serait replié sur lui-même, comme une langue morte, et le quartier avec. »
Il fit une pause. Puis alla chercher une petite boîte noire, posée sur une étagère. Il l’ouvrit doucement, comme on entrouvre un reliquaire.
— « Je vais maintenant vous montrer quelques archives visuelles. Des documents rares. Les observer trop longtemps fatigue la rétine, alors tenez vos regards. »
Il inséra une diapositive dans le projecteur. Le mécanisme grésilla.
Une première image apparut sur le mur : Ménilmontant, avant et après 1901.
— « Regardez. À gauche, la place des Rigoles, telle qu’on la connaissait : pavés, échoppes, café des Langues. À droite… la même vue, trois jours après le réfractement. Voyez les lignes : rien ne tient. L’horizon est courbe. Le trottoir monte vers la façade. Les enseignes se répètent sans fin. La lumière semble tomber de plusieurs côtés à la fois. »
Les élèves se turent. Le silence s’épaissit.
Deuxième diapositive : une ferme à Groslay, nord de Paris.
Un homme avec deux bœufs, sa fille au bras. Il semble être secouru par des Arpenteurs. Leurs visages sont flous, leurs bras s’étirent en angles impossibles, et le sol semble s’élever vers le ciel.
— « Accident sémantique isolé. Un glissement verbal dans une prière funéraire. Les mots de bénédiction pour un défunt ont été confondus avec ceux d’un nom d’enfant. Résultat : la mémoire du mort s’est imposée au vivant. Et le vivant… n’a plus tenu. »
Un instant, alors que tous les regards étaient fixés sur l’image, Elom vit l’homme tourner la tête. Ce n’était pas un mouvement. C’était une variation. Le Verbe se pliait. Il cligna des yeux. L’image était redevenue fixe.
Troisième diapositive : Charenton, zone déliée depuis 1904. La photo semblait avoir été prise à travers un verre tremblant. Les maisons étaient là, mais floues, comme dessinées au crayon et non fixées. Un arbre flottait à trente centimètres du sol. Des formes humanoïdes, grises, sans contour net, flottaient entre les bâtiments.
— « Voici une zone morte. Tout est là, mais rien ne tient. Les bâtiments semblent formés de poussière en suspension. Et ces formes… vous les voyez ? Elles ne sont pas humaines. Elles ne le sont plus. Ce sont des Errants. Et au centre… cette silhouette recroquevillée, plus claire… c’est un Luide. Ils apparaissent dans les fractures profondes. Comme des gardiens du rien. Ou des lecteurs d’avant. On ne sait pas. »
Il fit glisser une dernière plaque dans le projecteur. Une image plus ancienne que les autres, aux bords brûlés par le temps. Une rue étroite, brisée en son centre. Des pavés tordus, des ombres longues. Quelques agents du Cadastre y apparaissaient, flous eux aussi, tenant des outils d’arpentage. Mais au second plan, sur une marche de pierre, un enfant était assis. Le visage était indiscernable, comme recouvert d’un voile de brume, mais sa silhouette était intacte.
— Fracture de La Villette, 1889. Une zone instable majeure, intervenue sans alerte préalable. Cette photo est l’un des rares documents visuels de l’événement.
Victor murmura :
— C’est qui, l’enfant ?
Frère Séraphin marqua un silence.
— Inconnu. Aucun nom associé. Certains archivistes pensent qu’il s’agit d’un effet d’écho, une interférence visuelle provoquée par l’instabilité même. L’enfant… n’a jamais été retrouvé.
Elom baissa les yeux. Il n’aurait su dire pourquoi, mais cette image lui déplaisait. Non pas qu’elle fût inquiétante. Plutôt… intrusive. Comme si quelque chose l’observait depuis le dedans.
Cinquième diapositive. Une photographie de famille, au moment précis d’une rétractation. Un couple, trois enfants, un nourrisson dans les bras. Mais tout se tord. Le père se plie vers l’arrière, le regard dissous. La mère devient transparente. Les enfants se dispersent en grains.
Frère Séraphin ne dit rien. Il laissa l’image lentement se figer. Victor détournait les yeux. Puis il parla, plus bas.
— « Si je vous montre cela, Victor… ce n’est pas pour vous faire peur. C’est pour que vous compreniez. Chaque mot que vous prononcez est un clou dans le réel. S’il est mal forgé, il fait éclater la planche. Ces gens n’ont plus de nom. Ils n’ont plus d’histoire. Il ne reste d’eux que cette image. Et encore. Elle-même glisse, certaines nuits. »
Il revint à la photo de Charenton.
— « Et ces formes… Vous en verrez peut-être un jour. Mais si vous les voyez… Ne les appelez pas. Car un mot mal tenu ne chasse pas un Errant. Il l’invite. »
Il coupa le projecteur. Les visages des enfants revinrent à la lumière verte de la fenêtre. Certains détournaient les yeux. D’autres, comme Elom, regardaient encore le mur vide, là où les images avaient été.
— « Pour l’exercice du jour, vous me rendrez une analyse verbale d’une micro-instabilité. Je veux trois hypothèses : cause, propagation, remède. Vous pouvez utiliser le registre du Quartier de Belleville ou celui de Montrouge, à votre choix. Travail individuel. Vingt lignes. Fixées et signées. »
Les élèves se dispersèrent. Certains griffonnaient déjà, d’autres fixaient leur carnet, vides. Elom, lui, s’était installé seul, près du mur humide, là où la lumière dessinait des ombres mouvantes sur les dalles. Il sortit son carnet de cuir noir. La couverture était lisse, presque neuve : il écrivait peu.
Il leva les yeux un instant. Sur le tableau, la photographie de la famille en cours d’effacement avait disparu, mais son empreinte semblait rester dans l’air.
Il posa la plume, hésita, puis traça les mots avec soin. Lentement. En tenant chaque lettre comme on retient une respiration :
Analyse verbale de micro-instabilité – Elom - sans nom
Sujet : Micro-instabilité verbale observée dans l’alcôve de l’escalier ouest (matin du 7 octobre)
Cause : Ce matin, en descendant les marches menant au Couloir des Silences, j’ai remarqué une vibration légère sur la cinquième marche. Elle ne vibrait pas hier. J’ai entendu Victor prononcer mon nom dans le couloir la veille, à voix basse, mais sans intention claire. Je pense que la cause est un nom mal aligné, prononcé sans assignation. Le mot a glissé.
Propagation : Le Verbe n’a pas fissuré la pierre, mais il a provoqué une tension dans le bois du limon. Le grincement habituel s’est tu. À la place, il y avait un sifflement court, comme si un mot retenu cherchait à fuir. Cela s’est arrêté en atteignant le mur du palier. Le halo n’a pas dépassé un mètre cinquante. Mais l’air y semblait plus sec.
Remède proposé : Appliquer un verbe de repos sur la cinquième marche, inscrit discrètement à l’encre muette : “retenir”. Reposer un pas ferme au même endroit, dans le silence, en le tenant. Peut-être aussi… ne plus dire les noms sans les tenir. Surtout ceux qui n’ont pas encore reçu le leur.
Note personnelle : Je crois que certaines marches nous entendent. Mais qu’elles ne parlent qu’aux enfants.
Frère Séraphin déambulait entre les rangées, ses mains croisées dans le dos. Éléonore, assise à trois rangs d’Elom, écrivait avec ardeur. Trop vite, peut-être.
Un son sec éclata dans le silence. Un craquement. Pas fort. Pas encore. Les élèves se figèrent. Le banc d’Éléonore venait de se fendre. Une ligne mince courait du pied arrière droit jusqu’à la planche. Frère Séraphin s’arrêta net.
— « Qui a modifié sa formulation ? »
Éléonore, blême, montra son carnet. Une phrase – corrigée – semblait raturée, fissurée comme le bois de son banc.
Frère Séraphin s’en empara, observa longuement la page, puis la planche du banc. Il ne dit rien. Mais il sortit un petit galet noir de sa manche, le posa sur la fissure. Le galet s’assombrit, puis devint translucide. Il avait contenu l’erreur. Il le rangea, posa la main sur l’épaule d’Éléonore, et murmura simplement :
— « Ce n’est pas grave. Mais il faut parler doucement au Verbe. »
Quand Elom releva la tête, les autres avaient déjà commencé à ranger leurs affaires.
Frère Séraphin continua son chemin, lentement entre les rangs, sans un mot, récoltant les carnets un par un. Lorsqu’il tendit la main vers celui d’Elom, il le prit sans commentaire, mais son regard s’attarda un instant sur le nom absent en haut de la page. Il fronça à peine les sourcils, s’éloigna, puis s’arrêta.
La cloche vibra longuement, basse et dense, comme une pensée retenue. Les bancs grincèrent, les carnets furent refermés, parfois à contrecœur, et la salle d’histoire se vida dans un murmure de semelles et de silence. Personne ne parlait vraiment. Les images vues, les corps flous, les visages effacés… tout restait suspendu derrière les paupières.
— « Et maintenant, pause. Quinze minutes. Respirez. Allez marcher dans la cour, mais n’écrivez rien. Les mots aussi ont besoin de silence. Vous reprendrez après avec votre prochain cours.»
Le couloir était vide. Il avançait dans le silence, mais l’image restait, quelque part entre sa langue et son souffle.
Le cloître s’ouvrait à ciel découvert, comme une cour oubliée au cœur du bâtiment. Carré parfait, il était bordé d’arcades de pierre blanche, mangées par le lichen. Les galeries formaient quatre couloirs voûtés, où les mots se réverbéraient sans jamais rebondir.
Au centre, un vieux tilleul, plus large que haut, poussait dans une vasque octogonale en pierre, gravée de fragments liturgiques : “Que le nom tienne”, “Ne parle pas trop tôt”, “Fixe, fixe, et garde”.
Ses branches basses frôlaient presque les épaules des enfants. Elles portaient, suspendus à des ficelles rouges ou vertes, des mots abandonnés : morceaux de phrases, prières, noms effacés, que les plus jeunes appelaient les “frissons”.
Les enfants se dispersèrent par groupes. Les plus âgés s’adossèrent aux piliers, discutant à voix basse. Les plus jeunes coururent immédiatement vers le jeu des “lignes interdites”.
— « Les mots au sol sont vivants ! Si tu poses le pied sur une lettre, tu te fais effacer ! »
Victor lançait les règles d’une voix forte. Il adorait ce jeu. Le sol du cloître était pavé de dalles irrégulières. Certaines portaient encore des fragments de glyphes anciens : des noms, des prépositions, des syntagmes incomplets.
Il fallait traverser la cour sans toucher un mot inscrit au sol, parfois selon des règles absurdes, comme réciter un contre-sort ou marcher de travers.
Victor prit son élan et sauta d’un carreau vierge à un autre, frôlant un “R” effacé.
— « Touché ! » cria Madeleine.
— « Pas du tout, c’est pas un vrai “r”, c’est un reste de “f” ! Y’a pas de boucle ! »
Ils rirent, reprirent. Un à un, ils tombaient dans des fautes imaginaires, s’accusant de “glissement”, de “fissure”, de “verbalisation prématurée”.
C’était un jeu, oui. Mais peut-être un jeu dangereux. Car parfois, une dalle vibrait vraiment.
Une petite forme effilée passa devant les yeux d’Elom. Il s’approcha, pensant ramasser une feuille tombée du tilleul, l’une de celles que l’on plie pour en faire des sifflets ou des petits oiseaux. Mais ce n’était pas une feuille. C’était un mot. Un mot abandonné.
Il n’y avait pas d’encre. Le tracé était visible, pourtant, comme gravé dans le papier par un doigt trop pressé. Il le reconnut sans le lire, comme on reconnaît une voix avant d’en saisir les paroles.
Le papier vibrait. Une très légère oscillation, à peine plus qu’un souffle, courait le long de ses bords, comme si le mot cherchait encore à se dire. Elom sentit son estomac se contracter. Ce n’était pas normal. Même dans les zones semi-cadastrées, un mot seul ne devrait pas réagir autant. Il recula d’un pas.
Elom tendit la main. Sa paume s’approcha du papier. Une chaleur l’effleura, puis une brûlure, très brève, comme celle d’un mot interdit. Il retira la main. Le papier cessa de vibrer.
Le vent se leva. La feuille – non, le mot – s’envola et alla se coller contre la base du tronc. Il cligna des yeux. Elle avait disparu.
Elom ne jouait pas souvent. Pas à ces jeux-là. Mais il accepta de rejoindre un petit groupe de plus jeunes, près de l’angle ouest du cloître. Ils jouaient à “Remonte-le” : un jeu de syntaxe inversée.
Chaque enfant murmurait à son tour une phrase tordue, où les mots étaient placés à l’envers, parfois parasité par un mot glissé. Le suivant devait la redresser, la reformuler correctement sans la faire sauter.
— « Lave s’éteint nom pas il parce que. »
— « Parce qu’il n’a pas de nom, il s’éteint. »
— « Tu l’as cassée ! T’as dit “nom“ avant “s’éteint“ ! »
Elom s’agenouilla doucement. Il regarda le plus petit — Jean-Loup.
— « Tu veux que je t’aide ? »
Jean-Loup hocha la tête.
— « Elle veut pas se redresser, la phrase. Elle glisse. Comme les lettres de ton carnet. »
— « C’est normal. Les phrases ont peur. Il faut les poser doucement. Comme ça… »
Il chuchota la phrase corrigée, d’une voix calme.
— Il s’éteint, parce qu’il n’a pas de nom.
Les autres écoutèrent. Puis répétèrent, apaisés.
Un silence se fit. Pas dans le cloître entier. Mais dans l’air, autour d’Elom.
Il leva les yeux vers le puits. Celui au fond de la galerie est. Il était scellé depuis longtemps, mais la planche qui le couvrait gardait les reflets.
Et là… quelque chose bougeait. Une forme, floue. Pas un reflet. Pas une ombre. Une intention. Des mots. Elle n’avait ni visage, ni bord. Mais elle était faite de la texture même du monde quand il hésite. Le frissonnement du Verbe.
Elom s’approcha. Il n’avait pas peur.
— « Tu es revenu. » murmura-t-il.
Victor haussa les sourcils, essoufflé mais intrigué.
— « Tu parlais à… quoi, exactement ? »
Elom recula du puits.
La forme avait disparu. Mais un mot flottait encore dans l’air. Un mot sans son.
— « Tu devrais venir jouer plus souvent. Au lieu de parler aux absents. »
Elom ne répondit pas. Il regardait le tilleul. Une ficelle rouge venait de tomber, sans qu’aucune branche n’ait bougé. Il s’en approcha. Le papier pendait. Un mot y était écrit à la main. Très finement. Très ancien : “Tenu”.
La cloche vibra de nouveau. Un frisson parcourut les dalles. Pas une secousse, non. Un recalibrage discret du monde.
Les enfants se dispersèrent. Elom suivit Victor vers l’escalier qui menait à la salle haute. Ils allaient en Grammaire. Et les mots, eux, attendaient. L’air avait changé. Pas un vent, pas un froid nouveau. Mais une densité, comme si quelque chose dans le langage s’était épaissi. Elom le sentait dans la gorge, comme un mot retenu depuis trop longtemps.
Les enfants montèrent en silence vers la salle haute. Là où Sœur Margence enseignait. Là où les mots, disait-on, “ne supportaient pas d’être mal posés”.
La salle était vaste, tendue de planches sombres et de cordes fixées au plafond. Des syntagmes anciens y flottaient, conservés en suspension. Certaines lettres brillaient faiblement dans l’ombre, comme si elles n’avaient pas fini de dire.
Victor glissa à Elom, en chuchotant :
— On dirait que les murs nous écoutent.
Elom, lui, fixait un fragment suspendu : une phrase courbe, écrite sur un tissu transparent. Les mots y flottaient comme dans de l’eau trouble.
Ils prirent place. Les pupitres étaient solides, taillés pour maintenir le dos et l’angle du bras. Un silence plus lourd s’abattit quand la porte se referma.
Sœur Margence était entrée, sans bruit. Elle portait sa robe fixative aux coutures cuivreuses. Sa main droite portait une plume brisée. Son regard balaya la classe avec une lenteur calculée. Pas de colère, ni d’impatience — juste une évaluation stricte du potentiel de chaque voix.
Elle marcha vers le tableau, traça une ligne à la craie, puis inscrivit une phrase :
“Celui qui est, porte ce qui tient.”
Elle se retourna. Sa voix, claire, fendit le silence :
— Qui veut la lire ?
Un instant de flottement. Puis une voix s’éleva, sans force mais sans hésitation :
— Moi.
Éléonore Vatil s’était levée, un doigt sur son front, comme pour y retenir quelque chose.
Sœur Margence inclina légèrement la tête. Éléonore prononça la phrase. Lentement. Mais à l’envers.
— Tient ce qui, porte, est qui celui.
Un frisson passa. Les mots tombèrent dans la salle comme des pierres dans l’eau. Le fragment suspendu se tortilla légèrement. Une ardoise vibra faiblement.
Margence ne dit rien. Pas un mot, pas un regard d’alerte. Mais sa présence, proche, fixait le Verbe comme une lame.
— Tu la tiendras à l’endroit, maintenant. Fixe-la.
Éléonore recommença. Cette fois dans le bon ordre. Mais en inversant les appuis.
Le mot “porte” s’effondra dans sa bouche comme un mot creux.
— Assez, dit Margence. Tu vas écrire aujourd’hui. Pas parler.
Elle fit demi-tour et effaça un mot avant d’en ajouter un nouveau.
“Celui qui est, traîne ce qui tient.”
Elle se tourna vers Victor.
— À toi.
Il obéit. Lut d’une voix rapide. Trop rapide. Un grincement discret s’éleva. Une ficelle vibra. Une dalle craqua.
Margence se redressa, l’air impassible.
— Tu l’as forcé. Il s’est tordu. Tu l’as presque rompu.
Elle marcha entre les rangs.
— Ce que vous tracez ici, ce ne sont pas des phrases. Ce sont des forces. Et si vous les pliez mal, c’est le monde qui se fissure.
Elle s’arrêta près d’Elom. Son regard se fit plus précis.
— Tu, Elom… Le silence : tu le poses ou tu le subis ?
Il répondit sans détourner les yeux :
— Je l’écoute. Et s’il tient, je le laisse.
Margence le fixa un long moment, puis hocha doucement la tête.
— Aujourd’hui, vous travaillerez chacun sur cette phrase :
“Il est resté, mais personne ne l’a su.”
— Trois versions. Une fixative. Une glissante. Une silencieuse. Et pas une de plus.
Les enfants prirent leurs plumes. Elom garda la sienne en main, mais n’écrivit pas. Il relisait la phrase, encore et encore, comme s’il attendait qu’elle se retourne d’elle-même.
Éléonore, elle, écrivait en diagonale. Sa feuille était tournée de travers. Comme si le mot cherchait une pente. Elle murmura pour elle seule :
— Personne ne l’a su, mais il est resté.
Puis, plus bas encore :
— Il a resté personne. Su, mais…
Victor lui lança un regard inquiet. Mais elle n’avait pas l’air troublée. Seulement ailleurs.
Margence passait dans les rangs. Elle s’arrêta. L’œil glissa sur les spirales, mais sa main ne bougea pas. Aucun mot. Juste un froissement léger dans sa gorge — comme si une correction avait tenté de sortir, puis s’était ravisée.
Quand elle atteignit Elom, sa page était toujours blanche. Mais dans la poussière du bois, trois traits s’étaient inscrits : obliques, décalés, irréguliers. Un glyphe en devenir.
Sœur Margence, cette fois, ne parla pas. Quelques minutes plus tard, elle dit :
— La cloche va vibrer. Ce que vous avez écrit comptera. Même les silences.
La cloche vibra, imperceptiblement. Pas un son. Plutôt un retrait de l’air. Comme si le temps s’était resserré. Les enfants déposèrent leurs feuilles dans la boîte de tilleul, une à une, sans bruit.
La boîte reposait là, contre le mur est, sur un socle de pierre nue. Elle n’était pas grande — à peine de quoi contenir une trentaine de feuillets — mais sa présence imposait plus de respect que le tableau ou les pupitres. Elle était taillée dans un bois pâle, veiné comme une peau douce. Le couvercle, toujours entrouvert, ne grinçait jamais. Il ne claquait pas. Il se soulevait et se refermait comme un souffle. On disait que Sœur Margence ne l’appelait jamais “boîte”, mais simplement : “le tilleul reçoit.”
Un à un, les enfants s’approchèrent. Victor passa le premier. Il déposa sa feuille avec une hésitation visible. Lorsqu’elle toucha le fond de la boîte, un craquement léger — presque un soupir — se fit entendre. Victor recula.
— T’as entendu ? murmura-t-il à demi.
Puis vinrent les autres. Certains déposaient leurs copies avec assurance, d’autres avec nervosité. Une ou deux feuilles glissèrent sur le bord, comme si le bois avait refusé de les accueillir tout de suite. Margence ne disait rien. Elle observait.
Arriva le tours l’Éléonore. Sa feuille, rédigée à l’envers et raturée en spirale, ne fut pas posée. Elle laissa tomber doucement la page, sans la regarder. Le tilleul ne fit pas de bruit. Mais la veine du bois sembla se teindre d’un éclat plus sombre, comme si la feuille avait pesé plus que prévu.
Elom fut le dernier. Il tenait une feuille blanche. Vide. Pas même un souffle de crayon. Mais lorsqu’il la déposa, le tilleul vibra. Une onde fine parcourut le couvercle, un frémissement à peine visible, comme une nappe d’eau heurtée par un mot non prononcé. Tous les enfants s’étaient écartés.
Margence s’approcha. Elle posa la main sur le bois. Ferma les yeux. Puis elle murmura :
— Certains silences sont des phrases en attente.
Et referma le couvercle. Il n’émit aucun bruit.
Tout le reste du cours, les enfants évitèrent ce coin de la salle. Comme si le bois n’avait pas encore fini de lire.
Sœur Margence ne les congédia pas. Elle restait debout, au centre de la pièce, la main posée sur le bureau à pupitre. Son regard s’était détourné du présent. Elle fixait l’espace entre les enfants, là où les mots non dits flottaient encore. Puis elle parla.
— Nous avons aujourd’hui travaillé les syntagmes porteurs. Certains d’entre vous ont senti la tension. D’autres pas. Mais vous n’avez pas encore compris ce que cela implique.
Elle fit un pas, ramassa une craie fendue, et traça sur le tableau une phrase simple :
“Il faut tenir.”
Elle se tourna lentement, et répéta :
— Tenir… Ce mot-là, seul, pèse plus lourd qu’un paragraphe entier.
Elle baissa un instant les yeux vers la dalle. Un très léger silence. Puis :
— Il y a trois ans. Certains d’entre vous n’étaient pas là…
Elle désigna la dalle.
— Un garçon s’asseyait toujours ici. Samuel Kersh. Il avait un souffle trop court, une voix qui tremblait. Mais ce n’était pas un mauvais élève. Il voulait bien faire. Il voulait “tenir” une phrase. Juste une.
Elle reprit la craie, écrivit :
“Le mot qui reste, reste pour le monde.”
— Je lui ai donné cette phrase. Elle n’était pas difficile. Sept mots. Tous fixés dans le Cadastre, tous approuvés par l’Institut.
Elle fit une pause.
— Mais il n’y arrivait pas. Chaque fois qu’il la disait, quelque chose vacillait. Le mot “reste” fuyait sous sa langue. Il l’avalait. Ou le posait trop vite. Ou le déplaçait d’un souffle.
Elle se retourna, les yeux plus vifs.
— Je lui ai fait répéter. Une heure. Puis deux. Puis trois.
Elle montra les pupitres.
— Ce jour-là, je n’ai pas enseigné. J’ai seulement attendu. Avec vous tous, silencieux. Et Samuel a recommencé. Vingt, cinquante, quatre-vingt fois.
Éléonore avait cessé de bouger. Elle écoutait, le front penché, comme si elle se souvenait aussi.
— À la fin, il a écrit la phrase. Lentement. Mais pas sur le papier. Il l’a tracée avec ses doigts, dans l’air, à hauteur de son souffle.
Elle marqua une pause.
— Et la dalle sous lui s’est fixée.
Un silence se posa. Pas pesant, mais respectueux.
— Le lendemain, il a pu lire n’importe quel syntagme du Lexique sans vaciller. Il ne les disait pas. Il les déposait.
Elle s’approcha de la boîte de tilleul.
— Ce que je veux de vous, ce ne sont pas des copies. Ce sont des passages.
Elle se tourna vers Victor.
— Toi, tu forçais. Tu tirais le Verbe derrière toi. Mais il ne suit pas. Il se laisse porter, ou il chute. Victor baissa les yeux. Elle se pencha vers Éléonore. Lut quelques mots à l’envers, griffonnés dans la marge.
— Toi, tu vois l’autre côté. C’est bien. Mais retourne toujours avant de poser. Ne jette pas ce que tu n’as pas tenu.
Éléonore hocha lentement la tête. Un mot vibrait sur sa langue, mais ne sortait pas.
Margence s’arrêta devant Elom. Le regarda longuement.
— Et toi, tu n’as rien dit. Rien écrit. Mais ton silence n’était pas vide. Il était orienté.
Elle sortit de la boite la page blanche et la posa sur son pupitre.
— Ici… il y a quelque chose. Ce n’est pas un mot. Ce n’est pas une phrase. Mais c’est en tension. Tu le sens, n’est-ce pas ?
Elom hocha doucement la tête.
Margence replia la page, la rangea dans un étui de cuir à sa ceinture.
— Je la conserverai. Pour observation.
Elle fit quelques pas, puis se retourna vers l’ensemble de la classe.
— Je vous le dis, et je ne le redirai pas. Le Verbe ne vous appartient pas. C’est vous qui lui appartenez. Votre tâche n’est pas de parler. Mais de ne pas rompre ce qui parle à travers vous.
Elle leva le doigt.
— Ce que vous venez de faire aujourd’hui n’est qu’un essai. À la prochaine séance, nous travaillerons sur les prépositions dormantes. Et sur ce que cela coûte de les réveiller.
Elle s’arrêta. Son ton changea. Devint plus bas, plus grave.
— Ceux d’entre vous qui parleront sans tenir leur souffle seront exclus de la salle. Ceux qui écriront sans poids verront leur feuille se dissoudre.
Une rumeur discrète passa entre les enfants.
— Vous êtes responsables de chaque lettre. Même du blanc entre elles.
Puis, d’une voix parfaitement calme :
— Vous pouvez disposer.
Les enfants se levèrent lentement. Pas un mot ne fut échangé jusqu’à la porte. Éléonore sortit la première, les mains ouvertes, comme si elle transportait quelque chose d’invisible.
Victor, derrière elle, ouvrit la bouche mais ne dit rien. Il souffla, lentement, comme pour relâcher un mot qui ne venait pas.
Elom resta un peu plus longtemps. Il attendit que tous soient passés, jeta un regard vers la dalle de Samuel. La fêlure était là, fine, mais stabilisée. Une phrase non dite semblait encore y flotter.
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