Chapitre 11 Partie 2 — Ce que l’on emporte

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Le portail s’ouvrit sans bruit. Aucune serrure, aucun crissement. Juste un déplacement d’air, comme si le monde lui-même avait cédé un passage. Au bout de l’allée, posée sur la pierre encore humide, l’automobile noire attendait. Elle semblait moins un objet qu’un énoncé. Une phrase fixe, lourde, articulée par des mains invisibles. Son châssis mat absorbait la lumière. Aucun moteur n’était audible. Mais quelque chose vibrait sous sa peau — un Verbe contenu, replié, tenu vivant par la stabilité d’un syntagme ancien.

Les enfants étaient venus. Tous. Ils ne disaient rien. Victor, les bras croisés sur sa poitrine, le visage fermé. Éléonore, figée, tenant un carnet clos. Jean-Loup, les yeux rouges, les manches trop longues. Basim, un bouton dans une main, l’autre vide.

Elom s’avança. Le cœur noué, mais sans tremblement. Ce départ ne le déchirait pas encore. C’était un mouvement qu’il croyait pouvoir inverser. Il pensait : “je reviendrai”. Mais en voyant leurs visages, en sentant le poids du silence, il comprit. Ce n’était pas un départ. C’était une extraction. Une fracture douce. Un arrachement calme.

L’homme qui l’attendait, adossé à l’automobile, tourna la tête. Orvain, l’Arpenteur. Il s’inclina à peine. Juste un battement du menton, sans solennité.

— Elom.

Ce fut tout. Pas de formule. Pas de mise en scène. Mais dans ce mot seul, il y avait reconnaissance. Elom s’arrêta. Il regarda une dernière fois ses camarades. Les yeux de Victor brûlaient. Éléonore serrait son carnet comme une frontière. Les plus jeunes n’osaient plus bouger. Personne ne parla.

Orvain ouvrit la portière. Un souffle s’échappa du véhicule. L’air intérieur était plus chaud, saturé de murmures. Des syllabes basses, tenues, roulaient le long des parois. L’automobile chantait à voix basse. Ce n’était pas un moteur, c’était une articulation.

Elom monta. Le cuir du siège vibrait légèrement sous ses jambes. Il n’était pas souple. Il était vivant. Conçu pour répondre à une syntaxe. Tenir une tension.

Orvain s’installa a coté de lui. Il ne parla pas. Mais il fixait Elom d’un regard franc. Sans douceur, sans menace. Un regard qui avait vu plus loin que la plupart. Qui avait déjà mesuré son silence à la Rue de la Clôture.

Le véhicule se mit en mouvement. Sans heurt ni bruit. Il glissa sur l’allée comme sur une ligne dictée. À l’extérieur, les enfants n’avaient pas bougé. Leurs formes s’éloignèrent, puis disparurent à l’angle des murs. La grille se referma. Doucement. Définitivement.

Elom s’enfonça dans le silence de la voiture. La lumière y était tamisée, presque tiède. Les parois vibraient toujours, mais très bas. Il comprit : la voiture ne roulait que parce qu’un Verbe ancien la soutenait. Un syntagme stabilisé. Fragile. Mais maintenu. Orvain parla enfin.

— Ce véhicule ne supporte pas l’indécision.

Il sortit une boîte étroite de la paroi latérale. L’ouvrit. Y prit la lettre.

— Elle ne t’ordonne rien. Elle te pose une question.

Il la tendit. Elom prit l’enveloppe. La main de l’Arpenteur effleura la sienne, sèche, précise. Puis se retira aussitôt.

Le cachet était intact. L’encre en relief. Aucune adresse. Juste son prénom : Elom. Comme si celui-ci suffisait désormais à le désigner.

Il inspira. Il savait ce qu’il faisait. Il savait que ce geste — lever le rabat, rompre le fil, lire — serait un franchissement plus net encore que celui du portail. Mais il l’ouvrit. Et le murmure de l’automobile, un instant, sembla changer de rythme.

À Elom,

Né d’un mot inconnu, porteur d’un silence encore stable, enfant sans nomination, porteur d’un nom non stabilisé.

Tu entres dans notre regard non comme une anomalie, mais comme une dissonance fertile.

Depuis les premières fractures, nous n’avons cessé de chercher à réparer ce qui a cédé. Mais certains silences — tenus, anciens, féconds — ne doivent pas être comblés. Tu portes peut-être l’un de ces silences.

Ton passage dans la Rue de la Clôture, la vibration de certains objets sous ta main, l’altération d’un syntagme dans une salle commune : autant de signes que tu fais trembler les cadres sans les dissoudre. Cela ne t’est pas reproché. Cela est observé.

Tu ne rejoins pas une classe, un corps ou une fonction définie. Mais une zone d’attention. Un seuil.

Nous avons besoin de ce que tu incarnes — sans savoir encore ce que cela exige. Ce n’est pas une mission. Mais quelque chose en appelle une. Et peut-être, en toi, une réponse se forme déjà.

Il n’y aura pas d’épreuve. Pas encore. Mais tu devras apprendre à ne pas tout écrire. À ne pas tout livrer. À comprendre ce que l’on ne te dit pas.

Tu rejoindras la Voie 3. Tu seras hébergé, nourri, protégé — non comme un dépositaire, mais comme un passage. Ce que tu deviendras ne dépendra pas d’eux. Ni de nous. Mais de ce qui, en toi, résiste encore à l’énonciation.

Tant que tu tiendras, le monde retiendra encore un peu de sa chute.

Dans la retenue,

Sœur Khaline de Belleville

Vectrice d’Articulation — Voie Spirituelle du Cadastre

Ses yeux glissaient lentement sur les lignes manuscrites, mais rien en lui ne restait immobile. À chaque mot, une certitude se fissurait : celle de n’être qu’un enfant qu’on a tiré à part. À chaque tournure, une sensation s’épaississait — celle d’avoir été attendu avant même d’exister.

Lorsqu’il atteignit la signature, son souffle se coupa un instant. Sœur Khaline de Belleville. Le nom vibrait à l’intérieur comme une corde pincée dans une cathédrale. Il resta figé, la lettre ouverte sur ses genoux. Puis il tourna lentement les yeux vers Orvain, toujours impassible, le regard perdu dans l’opacité de la vitre.

— Sœur Khaline…

La voix d’Elom était basse, prudente.

— Qui est-ce ? Pourquoi elle m’écrit ? Comme si elle me connaissait.

Orvain ne répondit pas immédiatement. Il cligna des yeux, une seule fois, puis tourna légèrement la tête, juste assez pour le regarder.

— Sœur Khaline est une Vectrice d’Articulation. Haut rang. Voie Spirituelle.

Un silence. Puis, plus bas :

— Elle n’a rien a voire dans cette affaire. Ce n’est pas son domaine. Et elle ne rédige pas de lettres. Encore moins à des enfants. Elle ne parle presque jamais. Ce qu’elle dit est inscrit. Ce qu’elle inscrit… tient.

Elom fronça les sourcils. Il leva la lettre, comme pour en vérifier de nouveau l’existence.

— Alors pourquoi moi ?

L’Arpenteur secoua lentement la tête.

— Je l’ignore. Elle ne communique pas ses raisons. Même aux Arpenteurs. Mais si elle t’a écrit, c’est que tu figures déjà quelque part.

Un frisson parcourut Elom. Il se rassit plus droit. La clef d’Abel lui battait contre le poignet, plus lourde qu’avant.Il murmura, presque pour lui-même :

— J’entre dans un monde que je ne connais pas… et tout le monde semble me connaître.

Orvain ne répondit pas. Mais Elom, lui, comprenait. Il le sentait jusque dans ses os. Il ne descendait pas dans un lieu neutre. Il glissait dans un filet déjà tissé, où son pas même résonnait d’une attente étrangère. Il posa la lettre sur ses genoux.

— J’ai l’impression d’être une proie. Qu’on a suivie, longtemps. Et qui entre enfin dans le champ de ses prédateurs.

Orvain eut un très léger battement de paupières. Presque une approbation. Mais il ne confirma rien.

Il serra le volant entre ses mains. Puis, sans détour :

— Reste illisible. Le plus longtemps possible.

La voiture poursuivait son avancée, lente mais constante, comme sur une syntaxe enfouie sous les pavés. Le silence, dans l’habitacle, n’était pas un vide. Il était plein. Il était contenu, comme une cuve de mots prêts à déborder. Le véhicule lui-même semblait moduler sa cadence au souffle de leurs pensées. L’asphalte brillait sous les premiers reflets pâles du ciel. De chaque côté, des immeubles gris aux balcons vides. Les volets s’ouvraient à peine. La ville bâillait. Mais elle ne dormait plus. Paris parlait. Faiblement. Mais elle parlait.

Les sons d’abord. Un marteau frappant sur une porte de bois. Une voix qui lançait pain chaud ! dans une ruelle étroite. Un enfant qui toussait derrière une vitre embuée. Une clochette suspendue à la roue d’un vendeur de lait. Et plus loin, le tintement de verres qu’on aligne sur une table de zinc.

Puis les odeurs. Fer humide. Cendres froides. Pain noir. Soupe au poireau. Une tache de lilas, plus loin, quelque part. Et le vieux cuir des bancs de l’automobile, mêlé à la poussière sourde du syntagme moteur.

Elom regardait sans parler. Son souffle s’accordait aux cahots.

Et soudain, sans annonce, sans geste d’Orvain, la voiture prit à gauche. Une rue plus étroite. Un détour.

Elom reconnut. Il le sut avant même de voir les enseignes. Avant les pavés. Avant la lumière particulière. La Rue de la Clôture. Elle n’avait plus le même visage. La faille s’était refermée. Ou s’était déplacée ailleurs. Mais ce matin-là, elle n’avait rien d’une fracture. Elle était… vivante.

Un marché y avait poussé. Insolent. Bruyant. Riche. Des étals colorés se tenaient là où les pierres avaient fondu. Là où le Verbe s’était distordu. Là où le nom s’était effacé.

Elom aperçut un enfant courir entre deux stands, un morceau de pomme dans la main. Un vieux chiffonnier riait en essayant un chapeau. Une femme criait : Trois pour un sou ! avec un accent qu’on n’entendait plus dans ce quartier. Il y avait même un orgue à manivelle, qui égrenait une valse lente, déformée par l’humidité.

Et sur la façade grise, là où jadis la Fracture avait mangé le mur, un homme accrochait un rideau bleu à la fenêtre.

Elom ne dit rien. Mais en lui, quelque chose résistait. Il n’arrivait pas à se réjouir. Il aurait voulu, peut-être. Mais la joie lui paraissait déplacée. Comme si cette vie revenue s’était bâtie sur un oubli. Comme si tout ce qu’il avait vu, vécu, perçu, n’avait été qu’un cauchemar personnel, une dérive que le monde refusait désormais d’inscrire.

— La ville répare ce qu’elle peut. murmura Orvain, les yeux droits devant lui.

Elom tourna lentement la tête vers lui.

— Elle oublie vite.

Orvain ne répondit pas. Mais ses paupières battirent. Une seule fois. Il détourna les yeux.

L’automobile poursuivit sa route. Ils quittèrent la Rue de la Clôture. Derrière eux, les cris du marché devinrent écho. Puis rumeur. Puis silence.

Paris s’ouvrait désormais en pentes douces, puis en descentes plus marquées. Ils s’enfonçaient. Lentement. Les façades se serraient. Les fenêtres se faisaient plus hautes, plus étroites, comme si la lumière elle-même devait être filtrée.

Une arche se profila. Et la voiture poursuivit sa descente dans les niveaux souterrains.

L’arche portait un signe discret, gravé dans la pierre :

Voie 3 — Passage réservé aux Vecteurs, aux Portés, aux Interprètes.

Orvain ne ralentit pas. L’automobile descendit. Les murs s’écartèrent. Le sol changea de texture. Le pavé devint basalte. Puis ardoise. Puis cette matière étrange — ni minérale ni organique — que seuls les sous-niveaux du Cadastre employaient.

La lumière faiblit. Le Verbe se densifia. Ils s’enfonçaient en son sein.

La voiture s’arrêta sans bruit, glissant une dernière fois jusqu’au bord d’une place creusée à même la roche. Le sol n’était pas pavé. Il était lisse, veiné, parcouru de lignes argentées. Un réseau. Une mémoire minérale.

Elom descendit derrière Orvain. Lorsqu’il posa le pied au sol, il crut un instant qu’il avait quitté Paris. Devant lui, la place souterraine s’étendait avec une ampleur que rien, dans sa mémoire, ne savait contenir. Il connaissait, par bribes, par murmures, l’idée que le Cadastre était en partie enfoui sous la capitale. Des couloirs. Des salles. Des cryptes de registres. Mais ceci… n’était pas une crypte. C’était une ville. Une ville sous la ville. La voûte haute, couronnée de piliers naturels lissés par le temps, s’ouvrait sur des artères aux reflets minéraux. Chaque surface vibrait d’une lumière basse, maintenue par des syntagmes éclairants, des signes lumineux suspendus dans l’air ou gravés dans la roche, palpitant comme des respirations organisées. Tout autour, des bâtiments — de pierre, de métal, de matériaux qu’Elom ne connaissait pas — s’élevaient sur un, deux, parfois trois niveaux. Des frontons sobres. Des façades pleines. Pas de fenêtres, mais des ouvertures couvertes de glyphes mobiles. Des gens. Des centaines. Peut-être des milliers.

Hommes et femmes vêtus de gris, de noir, de blanc cassé. Certains portaient des capes à capuche, d’autres de longues écharpes codées. Tous semblaient affairés. Non pas pressés, mais concentrés. Chacun allait quelque part, faisait quelque chose, dans une chorégraphie silencieuse où chaque geste semblait pesé.

Elom vit des groupes discuter à voix basse, carnet à la main. D’autres se parlaient par signes, les doigts vifs, précis, inscrivant des intentions invisibles dans l’air. Une femme transcrivait debout, contre un mur, ce qu’un vieil homme dictait à voix lente. Plus loin, un enfant passait entre deux adultes sans dire un mot, mais en traînant un sac de rouleaux aussi long que lui. Deux femmes se faisaient face, leurs mains traçant des formes nettes, rapides, comme des mots visibles qu’il ne savait pas lire. Il n’avait jamais vu cela. Un langage silencieux. Ni oral, ni écrit. Mais tenu entre les doigts.

Il regarda autour de lui. Le silence n’existait pas ici. Il était remplacé par une tension de murmures, de gestes, de rires, de soupirs retenus. Un monde actif, mais intériorisé. Tout semblait à la fois usé et précis. Comme si la parole, ici, avait appris à se contracter. Et surtout, des lieux de vie. Un bar. Vrai. Avec des tabourets, un comptoir, des verres suspendus. Un homme en blouse y servait une boisson ambrée à deux hommes à lunettes et au crâne dégarni. Une auberge. Une devanture modeste, avec une enseigne peinte à la main : Le Mot Retenu. Plus loin, une vraie rue, avec une file de lampadaires discrets, et un hôtel dont les chambres devaient donner sur des niches taillées à même la roche.

Elom s’arrêta. Il comprenait. Le Cadastre ne dormait pas ici. Il vivait ici. C’était un monde. Un monde dans le monde. Et ceux qui y vivaient tenaient le réel depuis cette caverne organisée, protégée, inébranlable. Pas étonnant que le reste de la population les craigne. Pas étonnant qu’on les soupçonne d’être plus que des scribes, plus que des régulateurs. Ils ne gouvernaient pas par les lois. Ils modelaient. Depuis l’ombre. Depuis ce ventre de pierre où tout semblait pesé, équilibré, consigné.

Elom tourna les yeux vers Orvain. Il avançait, imperturbable, comme s’il arpentait un simple couloir. Mais lui… Elom, se sentait vu. Lu. Mesuré à chaque pas. Un mot lui vint à l’esprit, sans qu’il sache s’il l’avait pensé ou reçu : “Entonnoir.” Comme s’il entrait dans la pointe d’un cône immense, inversé, à partir duquel tout se formulerait.

Orvain s’arrêta devant un bâtiment plus grand que les autres. Il s’élevait devant eux comme un bloc scellé dans le réel. Il ne semblait pas bâti, mais extrait du monde. D’un gris ardoise presque noir, traversé de veinures sombres, il portait en façade un glyphe effacé, dont ne subsistait que la boucle inférieure. Deux colonnes encadraient la porte, incrustées de minuscules runes, mouvantes comme des cils au vent.

Deux gardes stationnaient devant la porte. Celui de gauche leva le menton en reconnaissant Orvain.

— Orvain. Par les syntagmes, t’es vivant.

Un sourire lent remonta sur ses lèvres burinées. Il parlait sans forcer la voix, mais avec un timbre qui portait, comme un chant mal contenu. Il recula d’un pas, croisa les bras.

— J’me disais bien que ça finirait par te ramener. Même les plus silencieux reviennent à l’encre, tôt ou tard.

Orvain inclina sobrement la tête, sans répondre. Puis le garde vit Elom. Et son sourire se figea. Il le regarda. Longtemps. Sans mot. Mais tout son visage disait : “Qu’est-ce que tu nous amènes là ?”

— Et tu nous ramènes un enfant ? Un Arpenteur-nourrice, du jamais vu.

Orvain ne répondit pas à la provocation. Il sortit son carnet d’Arpenteur, l’ouvrit à une page marquée par un coin replié, et lut d’une voix claire, calme :

— Elom. Pensionnaire de l’Orphelinat Saint-Mathieu de la Parole Errante de Pantin. Innommé. Portant silence actif. Convoqué par le Cadastre, sans émetteur désigné.

Il referma le carnet. Le claquement sec du cuir résonna contre la porte. Le garde fronça les sourcils. Il jeta un nouveau regard sur Elom. Ce n’était pas un regard méchant. Ni hostile. Mais un regard qui pesait. Qui sondait.

— Pas banal. , dit le garde.

— Non, en effet. Ce jeune homme n’a rien de banal.

Le garde grimaça légèrement. Pas d’incrédulité. Plutôt un froncement de réflexe.

— Pas d’émetteur, hein ?

Il jeta un œil à son collègue, qui restait impassible.

— C’est rare. Très rare. En général, ça veut dire que la convocation a pris racine avant même d’être écrite.

Il fixa Elom à nouveau. Plus longuement cette fois.

— S’il n’y a pas d’émetteur, c’est qu’il est attendu. Et si on l’attend, c’est qu’on a déjà envoyé quelqu’un pour le recevoir.

Le garde remonta son regard vers l’Arpenteur.

— Tu sais qui ?

Orvain ferma son carnet d’un claquement sec.

— Non.

Un demi-sourire tordu traversa le visage du garde.

— Bien sûr que non.

Il se rapprocha encore d’Elom. Ses yeux étaient d’un gris clair presque terne, mais son regard tenait, sans agressivité. Il sentait l’odeur du papier sec, de l’huile de lanterne et du cuivre ancien.

— Alors c’est toi. murmura-t-il, comme pour lui-même.

Elom ne bougea pas. Le garde l’observa quelques secondes de plus, puis dit, d’une voix qui oscillait entre le conseil et l’avertissement :

— Reste muet, gamin. Ici, l’innommé ne nomme pas. Tu verras. Ici, plus on en dit, plus on s’efface.

Il fit un pas en arrière. L’autre garde, toujours muet, fit glisser sa main sur un panneau de cuivre enchâssé dans la porte. Un déclic. La pierre s’écarta. La porte s’ouvrit.

— Va. On t’attend déjà.

Orvain entra le premier. Elom lui emboîta le pas. Et dans son dos, le regard du garde restait planté. Pas comme un poids. Plutôt comme une anticipation. Quelque chose, en lui, savait déjà que le passage d’Elom n’était pas anodin.

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