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Summers était content de la tournure que prenaient les événements. Le projet Eurydice avançait à grands pas. Le staff de Morgan avait fait du bon boulot. En moins de vingt-quatre heures, ils avaient réussi à récupérer toutes les informations demandées, créé de nouveaux faux-vrais documents et surtout réussi à récupérer toutes les traces médicales nécessaires à la bonne fabrication d’un mensonge.


  Pour lui le projet Cheval de Troyes était vraiment disproportionné. Bien sûr qu’il travaillait pour l’Agence, mais il avait aussi comme éthique de faire ce métier pour sauver des vies. Un projet de cette envergure était un gâchis humain absolument intolérable. Il se devait de trouver une alternative.

  D’autant que la mise en place de Cheval de Troyes serait certainement compliquée compte tenu des dernière informations qu’ils avaient eu sur Bernstein. Son don semblait évoluer dans des directions totalement imprévues et Dieu sait ce qu’il pourrait se passer si Cheval de Troyes avait été activé.

  Si Rachel… Non Bernstein, ne pas appeler ses sujets par leur nom, ne pas créer de lien affectif fort. Ne soyez jamais médecin Summers vous vous ouvririez le bide à la place du patient si cela pouvait lui éviter de souffrir… Son capitaine d’armée ne comprenait pas cette espèce d’empathie que développait Summers à l’égard des civils. Pourtant c’était bien pour eux que l’on travaillait non ? Pour protéger ceux qui ignorent. Et si vous ne vous mettiez pas à leurs places une seconde comment prévoir leur réactions et donc savoir quel choix opérer pour mener à bien une mission ? En l’état actuel de leurs connaissances, la situation prenait un tournant imprévu. Si Bernstein commençait à faire évoluer son don, personne ne savait jusqu’où cela pourrait aller. Il devait se mettre à la place de Bernstein pour anticiper ses réactions et être préparé à tout. Cela s’appelait avoir un coup d’avance. Et puis c’était à ça que servait les semaines et les mois d’observation, de filatures, d’écoutes… A avoir un coup d’avance.

  A l’inverse Eurydice ne mettait rien en péril, ni les vies, ni la mission. Eurydice était un projet tout en douceur, tout en finesse et dont le risque maximal était centré sur Bernstein et sa famille pas plus. Certes nous étions loin de deux avions entrant en collision avec deux tours mais tout de même, il y avait une certaine classe dans ce projet qui n’était pas pour lui déplaire. Et puis Satanas avait donné son aval. Cela valait toutes les clés en or de toutes les villes du monde. Si Satanas, bras droit en liaison directe avec les responsables, donnait une autorisation vous pouviez dormir tranquilles. C’était un peu comme si le président des Etats-Unis vous faisait venir prendre le petit déjeuner avec lui.

  Il avait beaucoup d’estime pour son chef et pour rien au monde il n’aurait voulu être à sa place ne serait-ce qu’une minute. Il avait une petite idée de ce que les responsables exigeaient de lui, parce qu’au cours de certains rapports de mission ils en étaient venus à échanger quelques précisions sur ce que l’on avait attendu de la mission, mais il se doutait aussi que ce n’était que la pointe ultime d’un iceberg beaucoup plus gros et totalement immergé. La pression que devait encaisser son patron devait être énorme. Et Summers le respectait pour cela. Pour eux, simples agents, il ne laissait rien paraître et se contenter de donner des ordres, sans explications, en étant un peu exigeant mais sans les accabler non plus d’ultimata.


  Eurydice était une femme enlevée par Hadès et sauvée par Orphée.

  Il était admis que chaque projet prendrait son nom de code dans la mythologie gréco-latine. Les mythes grecs étaient tellement ouverts et sujets à de libres interprétations que cette source de noms de code se révélait intarissable. Toutefois, Summers ne pouvait s’empêcher de se demander si un jour la source n’allait pas se tarir. Et qu’allait-il en être par la suite ? Un nom de mythe suivi d’une année ? Un nom de mythe suivi d’un numéro de série composé de quarante-deux caractères pour bien les identifier ? Il se surprit à sourire devant l’aberration de la remarque. Non plus probablement, ils iraient chercher dans une autre mythologie.

  L’agence n’existait pas, pas officiellement, mais elle manipulait les organismes politiques, les états tout entier, des fois il se demandait même si elle ne commandait pas le mouvement des planètes… Les mythes n’existaient pas en soi. Du moins, rien n’avait été prouvé d’une quelconque existence des faits relatés, rien n’empêchait qu’il y ait une part de vrai. Et pourtant ces mythes étaient dits fondateurs. C’était bien grâce à eux que les sociétés s’étaient construites, transformées, avaient évoluées… Il était normal qu’avec une telle ressemblance, l’agence fasse appel aux mythes pour coder ses projets.


  En l’état actuel, le projet n’était plus qu’à deux doigts de se réaliser. Si tout était dans les temps, et Summers n’avait aucune raison de penser qu’il en fut autrement, si tout était dans les temps contact avait été pris avec la cible. Le venin devait couler dans ses veines et le poison devait commencer à faire son travail de sape en douceur. Lentement mais sûrement. On apprenait beaucoup à regarder les insectes.

  De leur côté, les documents étaient quasi terminés, et de toute façon ils avaient au moins une journée de marge. Ensuite, il suffirait de récupérer le colis après avoir totalement achevé la cible. Celle-ci ne devait pas se relever s’ils souhaitaient pouvoir agir tranquillement et surtout sans bruit pour la suite. Que la cible n’ait que l’idée d’une hypothèse éventuellement probable de s’opposer à eux et forcément, les choses tourneraient court et de manière beaucoup plus radicale. Oubliée la négociation mais un voyage direct pour le repos salutaire de tous.

  Prochaine étape, son émissaire prendrait contact avec sa cible de manière plus approfondie, comme une piqûre de rappel. Elle instillerait une dose de poison beaucoup plus forte, plus évidente, plus inévitable et dans le troisième et dernier contact ils viendraient chercher le colis. Ce qui était le plus formidable dans ce projet c’était que tout ceci serait parfaitement légal et officiel. L’administration de l’État travaillerait pour eux sans qu’ils aient à lever le petit doigt.

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