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Il avait un album de Mayhem à fond. Tout autant pour se créer un cocon tranquille qui le couperait du monde que pour ne pas entendre sa mère. Il avait démonté sur son bureau un Desert Eagle. Il s’amusait à le nettoyer et le remonter. C’était tout autant un jeu qu’une nécessité, il ne fallait pas que lorsqu’il en aurait besoin, s’il en avait besoin, le pistolet vienne à le lâcher en se grippant. De toute façon c’était un plaisir de voir cette belle mécanique devant lui. Le Desert n’était pas forcément une meilleure arme qu’un 500 Smith et Wesson mais il avait nettement plus de classe !

  Jimmy baisse cette musique de sauvage ! La voix de harpie de sa mère montait péniblement les escalier pour se frayer un passage entre les notes dissonantes et les rythmes ultra rapides de Bad Blood. Il articula un « ta gueule pauv’conne ! » entre ses dents. Il en avait assez de cette bonne femme qui n’était bonne qu’à lui seriner des remarques sur sa musique, ses fringues, sa bouffe, sa chambre… C’était sa vie après tout, pas de sa faute à lui si son père l’avait larguée pour une plus jeune, plus mince, plus… Plus tout et moins pouf surtout ! Depuis elle ne le lâchait plus, elle était tout le temps sur lui, il devait lui dire où il allait, avec qui, à quelle heure il rentrait, et comment s’était passé le lycée, et c’était qui ce garçon avec qui il traînait et qu’elle ne voulait plus qu’il le revoit et… Mais de quoi se mêlait-elle ? Il faisait ce qu’il voulait après tout. Et cette morue n’avait rien à dire. Il voulait bien faire le gentil et le mielleux au quotidien pour qu’elle lui foute la paix mais il ne fallait pas non plus qu’elle se croit tout permis. De toute façon, à partir de maintenant tout allait changer et si elle ne se calmait pas vite fait il le lui ferait comprendre.


  La porte s’ouvrit d’un coup. Il se retourna brusquement, il ne s’attendait pas à voir apparaître dans sa chambre sa mère habillée pour l’occasion d’un magnifique jogging fuschia et d’un bandeau serre-tête jaune. Manifestement elle était en pleine séance de gym tonique et c’est en transpirant à grosses gouttes qu’elle le lui confirma.

  - Jimmy baisse ta musique ! Je te l’ai déjà dit des centaines de fois ! Pendant ma séance de gym tu baisses ta musique sinon je n’entends rien ! De toute façon je ne te demande pas ton avis !

  Aussi surprenant que cela puisse paraître, elle avait réussi à couvrir la musique et c’est d’un pas décidé qu’elle se dirigea vers la chaîne bien décidée à éteindre ce poste du diable.

  - T’avise pas de toucher à ça !

  - Mais Jimmy ! Comment c’est que tu me parles ? Elle baissa soudainement les yeux sur le bureau. Et… C’est quoi… Tout ce merdier ? Dit-elle dans un murmure. Jimmy ? Dans quoi tu t’es fourré espèce de petit con ? Elle essayait de reprendre un ton fâché.

  Il lui sauta alors dessus. En moins d’une seconde il était devant elle et elle eut le sentiment que tous les démons de l’Enfer venaient de se donner rendez-vous dans son fils. Il se mit à hurler sur elle, lui postillonnant au visage :

  - Ta gueule ! Tu m’entends ? Ta gueule ! Tu vas fermer ta gueule ! Te mêle pas de mes affaires ! Et ne t’avise jamais de me traiter de nouveau de petit con ! Espèce de pétasse !

  La gifle vola si fort qu’il tomba à la renverse, la joue en feu.

  - Non mais comment que tu me causes ! T’as de la chance que ce ne soit qu’une gifle, si j’avais parlé comme ça à ma mère, je finissais au ceinturon. Tu ne quittes pas ta chambre pendant un mois, c’est compris ?

  Il fut rapidement sur pied et sauta sur son lit, il glissa la main sous son oreiller et lorsqu’il la ressortit… Sa mère blêmit de surprise,

  - Jimmy ? Mais qu’est-ce que tu fais bon dieu ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Lâcha-t-elle en suffoquant.

  Elle ne quittait pas des yeux la bouche du canon du Beretta .92FS qui lui faisait face. Selon elle, le canon pouvait au moins contenir deux voire trois autobus dans le sens de la longueur. Elle n’avait jamais vu d’arme d’aussi près, et elle lui paraissait gigantesque.

  - Pour qui tu te prends ? Qui te permet de me toucher ?

  Il était dans un parfait état second, il hurlait à s’en décrocher la mâchoire. Sa voix montait dans les aiguës sans qu’il s’en rende compte. Il agitait le flingue dans tous les sens, non sans cesser de le pointer sous le nez de sa mère. Celle-ci tomba à la renverse, et se mit à ramper sur le sol. Son fils était au-dessus d’elle. On aurait dit un fou, ou un monstre. Il postillonnait tant qu’il pouvait et ses yeux étaient injectés de sang. Un peu de bave coulait le long de ses lèvres et tachait son T-Shirt. Sa mère rampait sur le dos et se dirigeait lentement mais sûrement vers la porte et par delà l’escalier.

  Quand elle fut en haut de l’escalier elle se redressa et s’apprêta à descendre mais un violent coup de poing dans le dos la fit basculer vers l’avant et elle dévala les marches en roulant sur elle-même pour finalement s’étaler inerte au pied.

  - Non mais où tu vas comme ça ? Tu ne croyais tout de même pas m’échapper ? Tu n’as pas encore compris que c’était moi qui commandais dorénavant ?

  Il dévala les marches et tourna autour d’elle après avoir rapidement fermé à clef la porte d’entrée. Le Beretta toujours à la main il continuait sa harangue :

  - Tu vas faire ce que je te dis sale raclure ! Debout ! Allez debout !

  Au prix d’un effort violent, elle se releva. Elle avait mal partout et il était probable qu’une cheville et un poignet soient cassés, ou foulés pour le moins. Elle se traîna dans le salon et s’assit sur un fauteuil. Maintenant qu’elle faisait ce qu’il lui demandait, Jimmy semblait plus calme. Et elle se dit qu’elle arriverait peut-être à lui faire entendre raison.

  - Je suis désolée Jimmy, tu as raison je n’aurais pas dû te gifler. J’étais en colère et… Tu sais quand j’avais ton âge mes parents me fouettaient, et je m’étais promis de ne jamais lever la main sur mon enfant mais je n’ai pas tenu ma promesse. Je suis désolée. Mais il n’est pas trop tard pour…

  - Pour quoi ? Pour avoir une vraie vie de famille remplie de joies, de rires et de promenades en forêt ? On va peut-être arrêter de se raconter des cracs ? Hein, môman ? Il dit ce dernier mot avec une ironie froide et cinglante. J’aime cette arme. C’est un .92Fs Fusion. Il existe en bleu, j’aimerais bien l’avoir mais c’est un modèle limité. Celle-ci est déjà pas mal. Elle est belle non ? Et tu sais pourquoi elle est belle ? Parce qu’en plus d’être jolie, elle détient un pouvoir magique. Toi tu n’es qu’une simple mortelle… Moi… Je suis un dieu ! Je décide qui doit vivre ou mourir. Je dispense la vie et la mort. Et c’est à vous, simples mortels d’en appeler à ma clémence. Alors écoute-moi bien, les règles sont simples. Tu vas me lâcher la grappe. A partir de maintenant je fais ce que je veux, je vis ce que je veux et je rentre ou je sors comme je veux. Et toi… Eh bien tu t’occupes de la bouffe, du ménage, du linge… Et surtout… Tu-la-fermes !

  - D’accord, Jimmy. Tout ce que tu veux, c’est vrai que j’ai été beaucoup sur ton dos ces temps-ci, mais c’est parce que je m’inquiète. Je suis ta mère après tout. Tu sais ce n’est pas facile pour moi de t’élever toute seule, je fais des erreurs.

  Il dévisagea cette grosse femme en sueur, dans son jogging fuschia trop moulant et au bandeau fluo…

  - Tu es grosse. Moche et conne. Et tu t’étonnes que mon père se soit barré avec une autre. Je l’ai vue une fois. Gros seins, mince et plutôt bien foutue. Et surtout dix ans de moins. C’est de ta faute s’il est parti alors tu n’as rien à dire. Et ne me dis pas que tu es « ma mère ». Une mère ça ne cogne pas sur son fils. Et ça ne l’insulte pas à tout bout de champ. Tout bien réfléchi, j’en ai marre de toi. Je ne veux plus te voir alors… C’est quoi ça ? Donne-moi ça tout de suite !

  Pendant qu’il parlait, sa mère en avait profité pour saisir le téléphone portable qui était tombé entre les deux coussins du fauteuil pendant sa séance de gym. Elle avait prévu de le récupérer après l’émission mais la situation avait changé entre temps. Et pendant qu’il était en train de faire son monologue elle avait essayé de composer discrètement le numéro de la police espérant gagner du temps et donner quelques indices leur permettant d’intervenir rapidement avant que la situation ne tourne mal. Malheureusement, bien que parti dans son délire, Jimmy restait attentif.

  - Tss tss… Tu me déçois. J’étais prêt à juste t’engueuler un bon coup mais après ce que tu viens de me faire… Je vais devoir te punir…

  Le Beretta sembla doté d’une volonté propre et vola à la rencontre du visage de sa mère. La mâchoire fit un écœurant bruit de craquement avant qu’un filet de sang ne s’écoule des commissures des lèvres.

  - En fait, je crois que tu ne mérites pas ma confiance. Alors, debout. Debout ! Hurla-t-il. Il attrapa ses cheveux et tira fort jusqu’à ce qu’elle se lève. Maintenant tu descends à la cave. Allez ! Passe devant !


  Lorsqu’il remonta, il était plus calme. A partir de maintenant sa mère ne le dérangerait plus. Elle avait compris où était sa place et il serait tranquille. Elle a la cave, lui en haut. Il pourrait agir à sa guise.

  Rasséréné, il alla se chercher un en-cas dans la cuisine et s’installa devant la télé.

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