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            Armist passa lui aussi la sélection du seuil de tolérance à la douleur pendant la reconnaissance technologique de son patrimoine génétique, et les deux jeunes hommes furent transportés séance tenante sur l’île artificielle de Para Bellum au milieu de l’océan Atlancifique dans une navette à propulsion ionique. Encore sonnés par ce qu’ils venaient de traverser, ils réalisèrent subitement qu’ils n’avaient pas même eu le temps de faire leurs adieux à leurs familles ou de prendre quelques effets personnels. Tentant de se redresser sur son siège, bien maintenu par son harnais automatique, Andreìs en avisa un des soldats qui les escortait. Ce dernier le regarda avec ce qui semblait être un fond de compassion dans le regard avant de répondre.

             — On est tous passés par cette étape. Ça fait partie du protocole. Oubliez-les. Maintenant, nous sommes votre famille.

            Andreìs encaissa le coup avant d’être saisi d’une illumination.

— Vous êtes un Géno-modifié ?

— Aspirant seulement. Nous sommes en cours de formation et d’amélioration. Je me nomme Gregor.

            Le colosse tendit une main gantée devant lui que le nouveau candidat saisit. L’écart de taille était déjà considérable alors que la Géno-thérapie n’était pas finie, la main du jeune homme semblant telle celle d’un enfant dans celle de son interlocuteur. Andreìs le dévisagea alors pour essayer de voir dans ce corps celui qu’il allait devenir. De type caucasien, le soldat avait une carrure digne des plus puissants lutteurs, et sa masse musculaire se dessinait à travers les tissus tendus de sa tenue militaire comme ceux d’un taureau à travers sa peau. Même sa boîte crânienne et sa mâchoire paraissaient avoir gagné en taille et en résistance, alors que ses yeux semblaient avoir perdu une part de leur humanité. Comprenant ce qu’il se jouait dans l’esprit du jeune homme, Gregor prit la parole.

— N’ais pas peur. On ne devient pas des monstres. On est moins sentimentaux, mais c’est normal. On est plus des armes que des êtres vivants.

— Comment savez-vous que…

            Un sourire triste se dessina sur le visage de l’aspirant quand il répondit.

— J’ai été assis dans ce siège, moi aussi, exactement à la même place que toi. Et moi aussi, j’ai eu peur de ce que je ne lisais plus dans le regard de mon interlocuteur. On prend de la distance à cause des améliorations qui réduisent un peu la partie du cerveau qui gère les émotions… Le cortex mammien, je crois… Et après, l’endoctrinement, les missions… Je vais te dire, n’oublie jamais que tu es un être humain, si tu ne veux pas finir dans le corps des Mechanics…

— les Mechanics ?

            Le sourire triste disparut, et dans les yeux du combattant se lisait un mélange de compassion et de dégoût.

— Ces mecs ont perdu toute trace d’humanité, ce sont littéralement des machines de guerre… D’où ce surnom… Il faut même les nourrir avec des sondes gastriques, sinon ils ne s’alimentent pas… Alors on leur donne de l’équipement d’assaut, et ce sont ceux qu’on envoie charger. Ils n’ont plus peur de mourir, ils n’ont plus réellement conscience d’être vivants… Et on en fait des boucliers humains… De la chair à canon…

— Vraiment ?

— Vraiment… Certains perdent tellement pied qu’il a fallu leur installer des systèmes de sédatition pour quand l’assaut est fini, sinon ils s’entretuent ou attaquent les unités alliées… Alors que ceux qui parviennent à garder le plus d’humanité deviennent officiers, parce qu’ils connaissent toujours le prix d’une vie, surtout quand c’est celle d’un de tes frères d’armes…

— Donc un simple soldat peut devenir officier ?

            Le sourire de Gregor redevint subitement chaleureux.

— Bien sûr. Si tu restes humain, et que tu es bon. De toute façon, si tu n’es pas bon, tu ne survivras pas à la formation…

            Andreìs et Armist digérèrent en silence tout ce qu’ils venaient d’apprendre tandis que la navette continuait son vol supersonique.

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