Le loup et le faucon - partie 3

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 Dès le lendemain, il se replongea dans le groupe. Habitué à vivre en communauté, il se mêla aisément aux autres. La différence d’âge qu’il pouvait avoir avec les autres membres ne fut pas un frein, bien au contraire. Grâce, entre autres, à son caractère affable, il devint vite celui qu’on protégeait, qu’on aidait volontiers. Si bien, qu’au bout de huit jours, ce fut un déchirement pour lui de reprendre son sac à dos pour retourner chez lui. «Tu reviens quand tu veux», lui avait dit Jo. Celui-ci ne s’était pas attardé au moment du départ mais il lui avait dit qu’il était persuadé qu’il se reverrait bientôt. Puis, il s’était éloigné prétextant quelques affaires à régler. Dan avait beaucoup appris durant son séjour. Mais il brûlait maintenant d’en apprendre encore plus sur le chamanisme. Il n’attendait qu’une chose : pouvoir se plonger dans les nombreuses références que lui avait données Jo dès qu’il serait rentré.

 Dans l'avion, installé près du hublot, il observa une dernière fois les forêts, les arbres qui avaient constitué son quotidien pendant huit jours. Huit jours qui lui avaient semblé être une éternité... Il avait l'impression d'avoir conquis un nouveau territoire qui lui manquait déjà. Puis il s'assoupit et se réveilla quand l'avion se posa. Il descendit, passager parmi les autres, seul dans la foule. Après avoir récupéré son sac à dos, unique vestige de ses vacances, il attrapa un RER et rejoignit Paris. Quand il entra dans sa petite chambre d'étudiant, il faisait déjà nuit. Il posa son sac près de son lit et repartit immédiatement en direction de la bibliothèque.

 Il commença par se promener dans les rayons puis il s'arrêta au milieu de l'un d'eux et déplia avec fébrilité une feuille sur laquelle était inscrit plusieurs titres de livres. Il s'attela à trouver le premier dans le rayon consacré au chamanisme et autres rituels tribaux. Dès qu’il eut trouvé le bon, il s'assit à la table la plus proche de lui et se plongea avidement dans sa lecture. Une heure avant la fermeture, il décida de se mettre à la recherche du plus grand nombre possible de titres de la liste. Il en emprunta cinq, le maximum autorisé pour un élève de première année.

 Il passa sa nuit à lire, à découvrir les arcanes du chamanisme, à s'imprégner de cette pratique, de son histoire et de son art. Heureux, presque euphorique, dès le lendemain, il voulut rendre compte à Jo de toutes ses découvertes en lui envoyant une longue lettre. Malheureusement,celle-ci lui revint avec la pourtant simple mais douloureuse mention «Adresse erronée» Encore une fois, on l'avait laissé tomber...

 Pourtant lui-même ne lâcha pas le chamanisme. Bien au contraire, il s’acharna à apprendre encore et encore. Il voulait tout savoir. Pourquoi s’obstiner à étudier et à explorer toute les arcanes de cette science alors qu’il n’était même pas sûr de revoir un jour Jo et le Pérou, se demanda-t-il un jour ? Peut-être, songea-t-il, parce qu’il s'était promis de ne jamais rien abandonner. Ni personne. Jamais. Il savait à quel point il avait dû s'accrocher pour en arriver là où il était. Il connaissait la valeur des choses de la vie, l’importance du moindre sentiment, du moindre attachement, de la plus infime sensation.

 Ainsi, chaque soir, après les cours, il se lançait à corps perdu dans la lecture de ses livres. Ce qui lui permettait de se vider la tête, d'oublier les trahisons. Tard dans la nuit, il essayait les expériences, les recettes ou les formules découvertes au gré de ses lectures. Fatigué puis épuisé par ses nuits blanches, il ne se rendit plus à l'université et, trois mois après son retour du Pérou, obnubilé par sa nouvelle passion, il finit par lâcher complètement ses études. Par contre, il devint un expert ès chamanisme : cette science n'eut plus aucun secret pour lui.

 Thomas, qui voyait son ami revenir de la bibliothèque avec toujours plus de livres et s’enfermer toutes les nuits puis passer ses journées à dormir, fut le premier à s’inquiéter. Il commença par l’interroger sur ce qu’il étudiait avec tellement de passion. Alors, Dan lui expliqua qu’il avait décidé de changer d’orientation. d’étudier la nature, les sciences de la terre, les animaux pour devenir un jour chaman.

«Chaman, répéta Thomas, incrédule. Bien sûr… Et tes études de droit ? Tu abandonnes tout alors ?

— Oui, tout ! Bon, en fait, je vais quand même avoir besoin d’une bourse pour vivre l’année prochaine alors je m’inscrirai à la fac, en sciences de la vie et de la terre. J’y apprendrai toujours des choses plus intéressantes que les textes de loi… Surtout pour devenir chaman…

— Mais, tu lui as dit , tout ça, à Mathilde ?

— Euh, non. Pas tout de suite. Pas encore. J’attends d’être inscrit dans la nouvelle université, l’année prochaine, pour lui dire. Surtout, tu te tais, tu dis rien. Pas maintenant, en tout cas ! Tu la connais, elle va pas arrêter de me casser les pieds, si je lui en parle. Tu comprends ?

— Oui… Enfin, je comprends surtout que tu es en train de foutre en l’air ton avenir. C’est pas possible, Dan tu peux pas faire ça. Au moins pour Mathilde !

— Je crois que tu comprends pas vraiment, Thomas. En fait, je ne veux plus de ma vie d’avant. Je veux vivre avec la nature ! J’ai découvert un autre monde, Thomas, un monde que j’aime et qui m’aime. La nature ne m’a pas déçu. Je me sens en osmose avec elle. Je la comprends et elle m’invite à la découvrir. J’ai découvert les arbres, les oiseaux, l’eau. La vie, quoi !

— C’est ce mec, Jo qui t’as retourné la tête comme ça ?

— Non, ce n’est pas que lui. J’avais tout ça en moi. Je l’ai juste compris en allant là-bas. Mais, toi, je pense que tu ne peux pas comprendre ce que j’ai ressenti là-bas. Alors, s’il te plait, ne dis rien à Mathilde et contente-toi de rester mon ami, je t’en supplie. Ne me trahis pas.»

 Thomas fit ce que son ami lui demandait. Il hésita beaucoup quant à prévenir Mathilde de ce qu’il se passait avec Dan. Mais il savait à quel point la loyauté comptait pour Dan. S’il la prévenait, il savait qu’il risquait de perdre son ami de toujours. Il se contenta donc de surveiller les allées et venues de son ami entre la bibliothèque et sa chambre en espérant que toute cette histoire n’aille pas trop loin.

 Jusqu'au jour où il reçut une carte. Trois mois s’étaient écoulés depuis sa conversation avec Thomas et Dan n’était jamais retourné à l’université de droit. Il continuait, inlassablement, à ramener des livres de la bibliothèque, à consulter des forums de discussions ou des sites Internet liés à l’histoire et à l’art du chamanisme. Lorsque Dan découvrit la carte à l’intérieur de la boîte aux lettres, il sut immédiatement que c’était Jo. Sur celle-ci était écrit : "Alors, tu en es où? Le dessin d’un rapace, dessiné au stylo, illustrait le texte. Il regarda frénétiquement le tampon et vit qu’il vivait toujours au Pérou. Le faucon n'avait pas migré très loin : l'automne n'était pas encore là. Malheureusement, ça ne l'avançait pas beaucoup... Il prit alors la carte dans ses mains et, en fermant les yeux, il huma son odeur. Il se rappela les forêts et les fleuves, la terre et les étoiles. Comment oublier. Comment le retrouver? Juste un prénom. Où cela pouvait-il le mener? Il avait bougé. Un peu. Il fallait retrouver la trace, l'empreinte du faucon.

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