Sarouh se réveilla en sursaut, hurlant pour échapper à l'abysse menaçant de le noyer. Il était dans un lit d'hôpital pour la première fois de sa carrière de shinobi. Un passage obligé pour tous les Genins qui ignoraient leurs limites, rajoutant une charge de travail malvenue aux bien trop peu nombreux ninjas maîtrisant le ninjutsu médical. Une partie d'entre eux accueillaient cependant avec un certain plaisir les jeunes épuisés, y trouvant un peu de réconfort entre deux blessés graves plus éprouvants.

  Autour du jeune Tsumyo, trois personnes étaient déjà présentes. Son regard hagard se posa sur une jeune femme assise dans le fauteuil réservé aux visiteurs, la tête posée juste en dessous de la grande fenêtre qui laissait passer les rayons du soleil. Les jambes sur les accoudoirs, elle lisait négligemment un livre dont il ne pu lire le titre. Vêtue d'un long imperméable marron et d'une tenue de combat, la jeune femme devait avoir légèrement moins de la trentaine. Ses longs cheveux noirs étaient arrangées en une longue tresse qui serpentait jusqu'à son ventre. Dernier détail important que Sarouh nota : un long tatouage parcourait ses jambes dessinant des vagues tribales régulières. Elle ne sembla pas prendre conscience du cri du Genin, absorbée dans son bouquin.

— Ca va pas de gueuler comme ça au réveil...

  Face à lui, de l'autre côté de la pièce, Chiraku le regardait. Bien mieux réveillé, il était néanmoins toujours dans le lit d'hôpital qu'on lui avait préparé. Il soupira et continua à grommeler un peu. Son vis-à-vis ne l'écoutait plus, interloqué par l'identité de la dernière personne présente. Marwais Cacaunoy. Celle-ci le dévisageait avec une expression partagée entre la froideur apparente et la curiosité. Ses longs cheveux noirs détachés lui tombaient au niveau des hanches sur lesquels ses poings étaient posés, dans une attitude de défi qu'elle ne quittait manifestement jamais. Son long katana n'était pas ici. Jamais l'illusionniste en herbe n'aurait deviné que c'était elle, le dernier membre de l'équipe. La future maître en kenjutsu avait totalement éclipsé la pourtant très jolie kunoichi qui s'occuperait d'eux.

— ...Et du coup cette personne qui est là, c'est notre instructeur. Si vous voulez bien... entendit Sarouh de Chiraku, qui avait continué de parler pendant son absence.
— Asori Mizu. Enchantée, déclara la concernée en fermant son bouquin et en s'asseyant d'une manière plus décente. Je suppose que tu sais pourquoi je suis là ? Les deux là ont déjà été briefés, pendant que tu tapais la sieste de ta vie.
— Ca fait combien de temps ?
— Deux jours, répondit froidement Cacaunoy à sa place. J'ai donc raté deux fois l'entraînement par ta faute. Donc tu sors du pieu et fissa. La première fois que je te croise, je dois t'aider face à l'autre naze et la seconde tu tapes un coma par manque de Chakra. Je suppose que tu es le génie du groupe, Tsumyo.

  La remarque acerbe ajouta à la confusion de Sarouh. Qu'elle se souvienne de son nom lui apportait une certaine joie. Un peu honteux, il baissa la tête. Asori notait déjà l'ambiance fabuleuse qui se dégageait du petit groupe. Pourtant, elle y décela un potentiel : celui d'une synergie qui ne demandait qu'un coup de pouce pour devenir une formidable camaraderie. La nostalgie et son instinct lui dictaient que dans cette chambre se jouait quelque chose d'important. Elle finit de se présenter :

— Tu dois connaître notre clan. Nous sommes généralement des experts en Suiton et Je n'échappe pas à cette règle. Même parmi les miens, je suis considérée comme excellente en ninjutsu. Je me bats au sabre courbe, j'aurais quelques trucs à t'apprendre miss. Et comme tout Jounin de Gensou, je m'y connais un peu en genjutsu... Même si c'est probablement l'art ninja dans lequel je suis la moins douée. A ton tour. Tout ce que je sais, c'est que tu as un niveau en taijutsu moyen, que tu compenses par un très bon contrôle du Chakra. Tu peux m'en dire un peu plus ? Tes points fort, tes points faibles ? Tes rêves éventuellement ?

  Le Genin hésita. Il était partagé entre l'envie de révéler ses progrès, la peur d'être ridicule face à ses deux camarades déjà bien plus forts que lui et le fait qu'il se devait d'être honnête avec son nouveau sensei, qu'il trouvait plutôt sympathique par ailleurs. Elle ne le brusquait pas. Sa voix était douce, ses manières posées. Quand elle s'était relevée, ses déplacements étaient lents et parfaitement maîtrisés, comme si elle savait Sarouh terrifié. Le gamin ignorait que ses cauchemars l'avaient déjà bien aiguillée.

— Je suis Tsumyo Sarouh, du clan Tsumyo. J'ai une petite réserve de Chakra, mais j'ai un bon niveau de maîtrise de ce qu'on m'a dit ! Je crois qu'apprendre des trucs est ce à quoi je suis le meilleur. Je lis énormément. Je voudrais tout savoir sur le genjutsu, cet art me fascine. Mes points faibles, c'est surtout tout ce qui a trait au corps à corps. Je suis ni fort, ni vraiment rapide ou souple et comme je suis grand ça joue un peu contre moi. Mais je me débrouille avec des armes ! Et ...

  Le Genin réfléchit une seconde comme si la réponse à la dernière question de sa sensei était d'une importance capitale.

— Je crois que j'aimerais juste avoir des amis et avoir la force de les protéger.

  Il avait longuement médité les paroles de sa mère avant d'en faire sa vérité. Maintenant qu'il la tenait, toute son énergie était dirigée dans le but unique de transformer le rêve en réalité. Une petite seconde passa, le temps que chaque membre de son équipe intègre ce qu'il venait de dire. Si Chiraku ne pensait pas une seule seconde que le Tsumyo se sentait si seul, Cacaunoy avait senti une part d'elle même vibrer en accord avec sa détresse. Emotion étrange à laquelle elle réagit par la seule chose qu'elle connaissait : la violence. Elle cracha de mépris et détourna le regard, comme dégoûtée. La Jounin sentit une vague de compassion pour la petite équipe. Comme toujours, les jeunes portaient en eux les stigmates de la génération précédente et devraient évoluer et grandir en s'affranchissant d'erreurs qui n'étaient pas les leurs. Et l'adolescent aux cheveux bleus devait en plus affronter un ostracisme insensé. Asori avait eu le loisir de faire des missions avec ses parents et avait bien compris qu'ils ne seraient jamais des menaces pour Gensou.

  Elle soupira en secouant la tête doucement. Il n'avait même pas essayé de donner ses plus grandes qualités, se limitant à dire que ses défauts n'étaient pas si handicapants. Révélant que sa pire faiblesse n'était pas le taijutsu, mais son manque de confiance. Elle enchaîna rapidement pour éviter que le Tsumyo ne se sente encore plus mal à cause de la réaction de la peste.

— A part Chiraku, qui se sait déjà Suiton, vous connaissez vos affinités élémentaires ?
— Nos quoi ? releva Cacaunoy
— Vas-y, explique lui Sarouh. Tu viens bien de me dire que tu savais plein de choses, tu dois bien en connaître une ou deux en ninjutsu ?
— Euh, bredouilla le Genin, les shinobis peuvent utiliser leur Chakra pour lancer des sorts. C'est la base du ninjutsu : utiliser son Chakra pour interagir de manière physique avec le monde. Mais ça ne s'arrête pas là. Selon notre personnalité et nos gênes, chacun a des affinités avec l'un des cinq éléments. Katon, le feu, Futon, le vent, Raiton, la foudre, Doton, la terre, Suiton, l'eau.

  L'air de rien, Cacaunoy écoutait attentivement ce qu'il disait. De son côté, le timide adolescent essayait de garder son aplomb et de s'exprimer envers tout le monde pour ne pas mettre mal à l'aise la sabreuse. Si l'intention lui échappa totalement, Asori nota la prévenance dont il faisait preuve. Sarouh supposait à raison que Chiraku avait dû être bien assez bassiné sur la nature du Chakra pour déjà maîtriser si bien une nature élémentaire.

— Une dernière chose à savoir pour en finir avec les bases : les éléments suivent une hiérarchie.
— Donc un élément est meilleur que les autres ? Lequel ?
— Pas exactement, c'est pas une chaîne mais un cercle que dessine ce rapport de force. Je l'ai donné dans l'ordre tout à l'heure. Le feu bat le vent qui l'amplifie par son souffle, lui même chassant les éclairs. Du moins c'est la théorie. J'ai bon sensei ?
— Presque. Tu as oublié un détail important : il est possible, même si cela est très rare d'avoir plusieurs affinités. La maîtrise d'un élément est très longue à obtenir, demande talent et efforts. Mais je constate que tu t'es bien renseigné ! Il faudra que je vous donne les derniers détails un de ces quatre, pour l'heure, fini la théorie ! Vous sortez de l'hôpital cette après-midi ! Rendez vous aux abords de la forêt Nord, vous allez découvrir votre affinité et faire un premier pas de géant dans le ninjutsu ! Venez équipés !

  Elle se leva d'un bond félin et s'étira, un peu ankylosée par les heures de lecture. Elle avait du pain sur la planche. Un instant plus tard, Asori avait disparu, comme si elle n'avait jamais été présente. Cacaunoy sortit sans rien dire, rêveuse quant aux nouvelles possibilités que lui offriraient la maîtrise de son Chakra. Chiraku, qui surprit sans problème le regard que lançait Sarouh à la Genin sur le départ, ne put s'empêcher de le chambrer gentiment :

— Elle est jolie hein ?
— Je..., bégaya-t-il, je la regardais pas comme ça...
— Dit celui qui rougit de toutes ses forces. Allez, préparons nous. L'aprèm' va être difficile. J'ai déjà pu me balader hier donc je suis pas trop gêné. Toi, fais attention. Tes muscles risquent de ne pas répondre normalement. Ménage toi aujourd'hui et demain. Etire toi et échauffe toi avant et après chaque effort.
— Merci Chiraku.
— Y'a pas de quoi. Maintenant, on est frères d'armes.

  Le Mizu lui adressa un clin d'œil qui réchauffa son cœur gelé par le blizzard Cacaunoy. Il avait une équipe ! Il ne serait plus jamais seul ! Bientôt, le Village reconnaitrait sa valeur !