6 - Natures profondes

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  Flexions, extensions. Petits sauts et on recommence. Le Genin aux cheveux bleus était arrivé en avance, bravant le froid hivernal pour se remettre en forme. Rien ne l'attendait chez lui. Il avait retrouvé sa petite maison vide alors que ses parents étaient partis en mission en catastrophe. Ce n'était pas la première fois qu'une mésaventure de ce genre se produisait. Il avait poussé un long soupir, avant de se ressaisir, déterminé à ne pas se laisser miner le moral. Après tout, il avait une équipe ! Il avait donc pris des vêtements chauds mais adaptés au combat, ainsi que son équipement habituel avant de partir se balader dans le Village.

  Ses muscles lui semblaient si faibles. Chaque mouvement trop ample arrachait une petite grimace à l'adolescent, plus de gêne que de réelle douleur. Comme ces picotements lorsque l'on reste trop longtemps assis sur ses mains et cette sensation d'avoir des membres de paille. Son sang se remit à circuler de nouveau, stimulé par la lente marche et le froid. Finalement, il était arrivé au lieu de rendez-vous fixé par Asori.

  Pendant l'échauffement, ses pensées se dirigèrent rêveusement vers la belle Jounin. Elle dégageait une élégance féline difficile à ignorer. Et l'instinct du jeune garçon lui criait qu'elle était aussi redoutable que belle. Ses tatouages et son titre l'attestaient. Il aurait pu avoir bien pire professeur.

  Perdu dans ces considérations, il ne vit pas arriver l'intéressée. Celle-ci afficha un petit sourire attendri en voyant Sarouh. En voilà un qui était enthousiaste et à l'heure, choses qu'elle appréciait au plus haut point. Et qui n'était pas le cas de tout le monde. Chiraku, cet handicapé de la discipline, était sans surprise aux abonnés absents. La sensei en herbes aurait apprécié de voir l'héritière des Marwais plus ponctuelle. Tant pis. Après tout elle n'avait pas signé pour les materner, ça en ferait plus pour le Tsumyo.

— Je suis contente de voir qu'il y en a un qui a envie de recevoir mon enseignement.

  Il sursauta, surpris, avant de rire d'un air gêné en passant sa main dans les cheveux.

— Puisque tu es là, on va pouvoir commencer ! À l'issue de cette session, nous allons savoir de quelle affinité tu es ! Une idée de celle que tu possèdes ?
— Je crois que mon clan était très axé sur le Suiton, répondit Sarouh après un temps d'hésitation. Mes deux parents maitrisent uniquement cet élément. Logiquement, ça devrait être ça pour moi aussi.
— N'oublie pas que quelque soient les attributs génétiques, la personnalité joue un grand rôle dans l'élément que la Nature nous donne.
— Je pense que l'eau me va bien aussi pour ça, sensei.
— Nous sommes d'accord affirma Asori, pensive, tout en sortant un petit papier de sa veste. Et maintenant le test. Est-ce que tu reconnais ceci ?

  Ebahi, il hocha la tête sans quitter la petite feuille des yeux. Il savait déjà de quoi il s'agissait, ses nombreuses lectures ayant déjà mentionné la petite plante qui réagissait au Chakra de la personne, pour indiquer l'affinité de son utilisateur. Le fait qu'elle n'y survive pas et sa rareté naturelle la rendaient pourtant très difficile d'accès. La Jounin avait dû déployer des trésors de persuasion pour en récupérer. Le Village, jugeant sûrement que le personnel qualifié manquait plus que les feuilles, avait cédé.

— Tu dois être capable de visualiser ton Chakra se répandre dans la feuille, suivant les petites veines que tu y percevras. Comme tu es probablement le plus doué de l'équipe à ce petit jeu là, tu vas sûrement être capable d'y arriver dans les heures qui viennent. Un influx trop important et la feuille se meurt. Pas assez, rien ne se passe. La vitesse de propagation est également importante. Concentre toi d'abord sur toi, puis imagine que tu déverses ton énergie dedans. Allez, essaie !

  Sur ces entrefaites, les deux autres membres du quatuor arrivèrent. Chiraku marchait les mains derrière la tête alors que Cacaunoy était visiblement gênée. Asori les prit à part pour les engueuler proprement mais loin du Genin qui avait besoin de concentration. Il entendit juste "boulets pareils" "Et toi là, tu vas en baver ma petite", alors que Sarouh s'essayait à l'exercice. Comme prévu, ce n'était vraiment pas simple. Cependant, son entraînement aux genjutsus mentaux avait un peu les mêmes caractéristiques que cet exercice. Calant sa respiration, il trouva rapidement ses marques. C'est seulement une heure plus tard que la feuille réagit. Les yeux fermés pendant toute la durée de l'exercice, il ne vit pas l'air interloqué des autres membres de son équipe.

— Et voilà ! Suiton comme je vous l'avais...

  Et à ce moment précis, la feuille imbibée d'eau se coupa net. Ainsi, Sarouh possédait deux affinités fortes : l'eau et le vent. Deux éléments qui allaient très bien ensemble et qui le révélaient sous un tout nouveau jour. Son air choqué fut vite balayé par un large sourire. Intériorisant l'information, Asori ne réagit pas de suite. Elle finit par féliciter le Genin, vite rejointe par un Chiraku qui semblait très heureux de la performance de son vis-à-vis.

  Pas une once de jalousie, il était simplement heureux de son choix. A coup sûr, le Tsumyo serait un bien meilleur rival qu'il ne le pensait de prime abord et leur équipe allait être invincible. De son côté Cacaunoy s'énervait sur l'exercice. Sa maîtrise encore approximative du Chakra ne lui permettrait pas de réussir, elle s'en était convaincue. La professeure eu alors une idée :

— Sarouh, Cacaunoy, approchez. Vous allez dès à présent voir les vertus du travail d'équipe. Tsumyo, tu lui expliques un peu comment s'y prendre. En échange, tu me remuscles ce gringalet ! Musculation, ce que tu veux, mais je veux que ça vous profite à tous les deux.
— Sensei, c'est pas votre rôle ça ? Demanda Cacaunoy, un peu agacée.
— Là, c'est une question de temps, pas de pédagogie. De plus, vous devez apprendre à compter les uns sur les autres. Et je ne peux pas vous faire passer l'examen que j'avais prévu, parce que deux guignols ont décidé de se baigner dans la Cascade. Toi, Chiraku ! Hors de question que tu flemmardes. On va les bosser, ces aiguilles. Ca manque de punch, l'exécution est trop lente et ton Chaka se disperse trop. On reprend les bases !

  Les deux garçons baissèrent la tête, alors que le plus âgé suivait son aînée. Cacaunoy se tourna vers l'autre. Au vu de son énervement, le jeune homme ne s'attendait pas vraiment à pouvoir communiquer, seulement à essuyer des remarques acides et à devoir supporter une ambiance glaciale dans un entraînement gratiné.

— A nous deux, Tsumyo.

  Il fixa la belle brune longiligne. Les deux mains dans les poches de son sweater crème, sa peau pâle faisait ressortir le marron intense de ses yeux. A sa grande surprise, il n'entendit pas de mépris dans sa voix. A la place, comme beaucoup d'artistes martiaux, il n'y avait que l'humilité de constater la supériorité d'un adversaire. L'intérêt que lui portait Cacaunoy relevait déjà du traitement de faveur. Sarouh l'ignorait mais se sentit moins tendu.

— On commence par quoi ? demanda-t-il
— Je veux connaître mon affinité. Si tu me donnes des bons conseils, je t'aide avec... ça.
— Tu viens de me désigner tout entier là.
— Exactement.

  Soupir. Il reprit avec elle la base du malaxage du Chakra, lui glissant des conseils de méditation, d'imagerie mentale et de comparaison en adéquation avec la personnalité de la demoiselle. Il se surprit à être étonnamment pédagogue encore une fois, tandis qu'elle s'étonnait de sa propre assiduité. Plusieurs heures plus tard, alors que le jour tombait déjà, sa frustration et sa colère furent finalement canalisées, embrasant la feuille sans appel.

— Katon !

  Evidemment, se dit le Genin. Ca n'aurait pas pu être autrement. Il ne put s'empêcher de se dire qu'ils allaient bien ensemble.

— Et maintenant, à ton tour, Tsumyo !

  Elle se mit en garde et attendait qu'il en fasse de même. Ses espoirs qu'elle le ménage s'évaporèrent instantanément. Il la copia.

  Un peu plus loin, deux Mizus les regardaient, intéressés. L'entraînement avait été rude pour Chiraku qui avait subi une formation adaptée. La spécialiste du ninjutsu avait poussé ses limites, mais force était de constater que la méthode était efficace. II était déjà plus rapide et fluide. Son talent naturel et son assiduité en autodidacte avait été sublimé par une assistance redoutable. C'est donc un Genin trempé et une Jounin satisfaite qui regardèrent Cacaunoy infliger une séance de torture au frêle illusionniste en devenir.

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