8 - Annonce
Sarouh sortait de la bibliothèque, les yeux brûlants de fatigue. Ces devoirs étaient un ordre d'Asori, sur lequel il s'était jeté : enfin une pause. Il y avait passé la journée, continuant à se renseigner sur les différentes méthodes d'utilisation du genjutsu et sur les multiples façons de maîtriser son Chakra. C'est ainsi qu'il était tombé sur des enseignements sur le Gyo, le En et le Zetsu.
Le premier permettait de renforcer une partie spécifique de son corps avec du Chakra. Le second, de le structurer en une bulle autour de lui permettant de percevoir les mouvements à l'intérieur. C'était probablement l'exercice de manipulation le plus pointu. Le dernier permettait de d'encaisser les coups en renforçant son corps par le Chakra. La plupart des ninjas finissaient par le faire instinctivement.
Il adorait s'entraîner avec l'équipe, dont il se sentait plus proche chaque jour. La formation était intense, menée par une Mizu qui ne leur laissait aucun répit. Bien qu'aussi exigeante qu'inflexible, elle les regardait toutefois avec une certaine tendresse qui n'échappait pas au Tsumyo. Cela lui suffisait pour endurer les pires entraînements sans se plaindre. Cacaunoy était trop fière pour admettre sa fatigue. En tant que Mizu, Chiraku n'avait tout simplement pas le droit de se plaindre, Unis dans la douleur, les liens entre eux s'étaient resserrés, sans qu'ils s'en rendent compte. La jeune brune avait même sourit au Tsumyo, après qu'il ait pour la première fois réussi à esquiver un enchaînement fulgurant. Aujourd'hui, Asori n'avait gardé que la jeune kunoichi, les éloignant avec des tâches de révision pour l'un, de méditation pour l'autre.
Il ignorait pourquoi elle la prenait à part de la sorte, mais ça n'augurait rien de bon. Il revint chez lui en marchant rêveusement, essayant de se détacher de la Genin qui prenait décidément trop de place dans sa tête. Sarouh était également surpris du peu de missions qu'ils avaient à remplir. Apparemment, la Jounin avait réussi à négocier qu'elle puisse s'adonner uniquement à leur entraînement sans être dérangée, au vu de la situation exceptionnelle. Le jeune homme ignorait totalement de quelle situation exceptionnelle il était question. Cela faisait partie intégrante des révélations que leur ferait leur sensei le soir même.
Ils en étaient à plusieurs semaines d'entraînement et aujourd'hui, ses parents revenaient enfin de mission. Il en avait été informé par serpent, l'animal servant à la communication dans les marécages. Contenant mal sa joie et bien décidé à rentrer au plus vite, il déposa dans sa chambre les bouquins sur le Nanika, l'art de la dissimulation par le genjutsu, avant de foncer vers le point de rendez-vous que leur avait donné Asori.
Traversant le Village comme une fusée, sautant de pont en digues, de digues en toits, il fut vite à l'orée de la forêt marécageuse qui entourait Gensou. Il n'était pas prêt pour ce qui l'attendait sur place. Les deux brunes étaient dans les bras l'une de l'autre, Cacaunoy se laissant consoler par sa professeure sous le choc. Des sillons formés par les larmes creusaient le visage pâle de la Genin, signe qu'elle avait pleuré jusqu'à épuisement. Dès qu'il fut en vue, la gamine éplorée repoussa Asori sans violence mais sans équivoque. Ce moment leur appartenait et il était hors de question de le partager avec les autres. Toujours vêtue de son imperméable et les mains dans les poches, son sensei accueillit Sarouh de son habituel grand sourire, signalant par la même que sa question muette n'aurait pas de réponse.
— Je suppose que Chiraku n'a pas eu ton bon sens et n'est pas à l'heure ?
— Non sensei, admit l'aspirant, l'air gêné.
— Évidemment.
— Hey ! s'écria le jeune Mizu pantelant, vous êtes... mauvaises langues !
Chiraku était venu en courant lui aussi, probablement par peur de se reprendre une punition à la sauce Asori. Si elle était venue à bout de son je-m'en-foutisme, c'était grâce à son incroyable imagination pour la torture. Tous ses écarts étaient immanquablement sanctionnés. Il n'avait vraisemblablement rien vu de la scène dont Sarouh doutait déjà de l'existence, l'attitude des deux jeunes femmes ayant changées du tout au tout avec son arrivée. Sans le savoir, une subtile illusion l'encourageait à oublier ce à quoi il venait d'assister. Une autre les dissuadait de regarder vers l'épéiste. Tant qu'elle se tairait, aucun d'entre eux ne verrait ses yeux rougis. Le sujet de discussion glissa donc tout naturellement vers l'objet initial de la réunion :
— Bon, je dois reconnaître que vous avez bien progressé les enfants. Cependant, il va falloir mettre les bouchées double. Triple même.
— Quoi ?! s'écrièrent les deux jeunes hommes, qui n'avaient pas vraiment l'impression de chômer. Pourquoi ?!
— Chikara a ouvert un événement aux Trois. Et vous allez y participer !
— Un événement ? fit Cacaunoy d'une petite voix.
— Il s'agit de Chikara, le Village des brutasses. Tu te doutes bien que c'est pour se mettre sur la tronche. Et il est hors de question que vous y fassiez pâle figure. C'est la raison principale qui m'a permis de vous éviter les missions de baby-sitting.
— Mais... On vient de passer Genin, on risque pas de se faire exploser ?
— On ne m'a pas dépêchée en urgence vous former pour que vous ne passiez pas le premier tour. Je crois en vous. Vous allez me rendre fière.
Les trois Genins sentaient la sincérité et la force qu'Asori mettait dans son discours. Tout d'un coup, ils étaient invincibles. Aucun aspirants des autres villages ne pouvaient se vanter d'avoir meilleur sensei. Alors, aucun sensei des autres Villages ne pourraient se vanter d'avoir de meilleurs élèves. Même Cacaunoy s'était redressée, gonflée à bloc. Une flamme de défi brûlait au fond des prunelles de Chiraku, alors que Sarouh avait le regard brillant devant le témoignage d'affection de la Mizu.
— Et maintenant... Dispersion ! On reprend demain et croyez moi, vous allez regrettez d'être nés !
Personne ne fut assez fou pour la contredire mais ils avaient hâte d'en découdre. Même le timide Tsumyo commençait à se dire qu'avec un tel encadrement, ils soulèveraient des montagnes. Ils se séparèrent, sans prendre attention à l'état de la jeune Marwais, qui fut ramenée par sa sensei, sans un mot. La sabreuse avait deviné qu'il n'était pas normal que ni Sarouh, d'ordinaire si empathique, ni le si sympathique Chiraku, ne lui jettent un regard. Cacaunoy en remerciait silencieusement la Jounin.
Alors qu'il marchait pour rentrer chez lui, les yeux émeraudes du Genin aux cheveux bleus étaient rivés vers le ciel qui se teignait de couleurs pourpre, et ocre, les derniers rayons du soleil sublimant le plafond naturel. Les bassins disposés un peu partout se paraient de robes oniriques, de petites brumes s'élevant pour parachever l'ambiance mystique qui régnait à Gensou. Contemplatif, son esprit anxieux était pour une fois à la relaxe. Il avait apprit ces dernières semaines qu'il n'était pas seul ici et à compter sur d'autres personnes que ses parents. Cette pensée le rendait fort. Il ne ferait pas figuration au Village du Sable. Même Cacaunoy serait obligée de reconnaître sa valeur. C'est avec un sourire niais qu'il ouvrit la porte de sa maison, se faisant immédiatement surprendre pas sa mère qui l'y attendait de pied ferme.
— Maman ! Lâche moi tu m'étouffes !
— Mais ça fait tellement longtemps mon chéri, je suis tellement contente de te revoir...
— Ca sera de courte durée si tu continues comme ça...
— Lâche le Taka'.
— Merci... Bonsoir papa.
Sarouh s'inclina respectueusement. Leurs missions étaient de plus en plus dangereuses et il était très heureux de les voir tous les deux en pleine forme. Ils échangèrent les politesses de base avant de se mettre à manger, bientôt rejoint par le patriarche des Tsumyo, Akira. Empreint d'une vitalité inhabituelle, le jeune Genin leur raconta tout ce qu'ils avaient raté avec un grand sourire. Ses parents échangèrent un regard entendu : il avait trouvé sa place. Tous leurs sacrifices en valaient la peine : leur jeune garçon était enfin heureux et allait devenir un shinobi d'exception, à n'en pas douter. Le vieillard ne se permit pas d'intervenir.
A la fin du repas, Takaneiki amena son fils devant le bassin derrière la modeste maison du clan. Naniki les suivi silencieusement. A la lisière des bas-quartiers, ils étaient très excentrés et n'appartenaient qu'à peine au Village. Paradoxalement, cela arrangeait désormais bien le jeune Genin, qui pouvait vite rallier la zone d'entraînement privilégiée par Asori. Qui s'avérait également ne pas être loin de la forge des Marwais. Le hasard faisait si bien les choses.
— Tu nous as appris que tu étais Suiton mon chéri, n'est-ce pas ? s'enquit Takaneiki.
— Et Fuuton !
— Regarde bien ta mère, lui montra du doigt Naniki.
Celle-ci avait composé des mudras à une vitesse saisissante et une impressionnante colonne d'eau forma une lance de plusieurs mètres de long s'élevant lentement du bassin. Elle lévita ainsi un moment, avant de perdre sa consistance et s'affaissa dans un vacarme assourdissant, telle une cascade miniature.
— Voici Suisei yari , l'un des Jutsus de base de notre clan. Il n'est pas si éloigné du Mizuppoi hari des Mizu. Je t'entraînerai personnellement les soirs où Asori ne t'aura pas totalement vampirisé.
— Dis maman, tu la connais bien ?
— Oui. On s'est mutuellement sauvés la vie, plus d'une fois. Elle est incroyable. C'est probablement la meilleure utilisatrice du Suiton que j'ai vu de ma vie. Comment est-elle, comme sensei ?
Le Genin lui raconta ses émotions confuses , avec le test où il l'avait d'abord détesté, avant de lui vouer un respect profond et l'amour caractéristique du disciple. Il la trouvait dure mais juste. Et incroyablement forte. Takaneiki, lisait entre les lignes. Finalement, la Mizu avait embrassé l'enseignement à bras le corps, elle qui refusait pourtant cette tâche. La jeune femme avait besoin de cette expérience, les trop difficiles événements des dernières années ayant entamé le mental d'acier de la Jounin. Sarouh était exactement le type d'élève qu'il lui fallait, pensa sa mère.
— Mon fils, commença Naniki, voici Aura, la lame qui t'est destinée. Tu auras droit de t'en servir dés lors que tu maîtriseras ton premier Jutsu Suiton. C'est un peu le rituel de passage à l'âge adulte des Tsumyo. J'ai hâte de te l'offrir.
En disant cela, il avait découvert devant lui une petite pièce de tissu, révélant un fourreau d'un long katana. Sur le fourreau, un lion doré rugissant était gravé d'un côté, là où un serpent d'argent aux crochets ouverts dominait l'autre. Même le nom subjuguait l'adolescent dont les yeux brillaient. Il apprendrait ce ninjutsu en un rien de temps et s'en servirait pour le Tournoi. Il aurait alors la belle Aura en sa possession. L'avenir s'annonçait radieux.
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