11 - Convalescence difficile
Le Genin aux cheveux bleus faisait le point les yeux clos et en tailleur dans sa petite chambre. Il méditait dans l’espoir de remettre de l’ordre dans ses pensées. Dans quelques temps, il partirait vers Chikara avec les autres, après avoir plus ou moins été mis à l'écart de son équipe les derniers jours. Personne n'était venu le voir depuis l'incident. S'il savait bien qu'il était important que ses camarades s'entraînent le plus possible en vue de l'événement, Sarouh en était un peu triste. Ils lui manquaient, surtout Cacaunoy. Tout ce qu'il voulait maintenant, c'était explorer ce qu’il ressentait en sa compagnie.
A cette première frustration s'ajoutait celle du manque d'exercice. Il se sentait raide et mal en point. La douleur ne passait pas. Ayant suivi méticuleusement les préconisations de l'hôpital, le Tsumyo aurait aimé se remettre plus rapidement en forme. Il avait l'impression d'avoir perdu tous les bienfaits des échanges avec sa camarade et le Genin en était abattu.
Il mis fin à sa méditation pour aller chercher à boire, traversant la petite maison complètement vide et silencieuse. Son regard se perdit sur les chaises vides autour de la table et retint un pincement au cœur. Pourtant, l’adolescent avait bien du mal à se connecter à ses émotions.
Les visites régulières de la kunoichi médecin, chargée de surveiller ses crises d'angoisse, laissaient le Genin dans un état de flottement. Il avait du mal à se concentrer, spectateur de son propre corps. Sa mémoire était fonctionnelle, mais se concentrer sur un événement particulier l'épuisait. Après une semaine de ce traitement, il était enfin temps de revenir parmi les vivants.
Malgré sa convalescence, Sarouh n'avait pas totalement chômé. Le Genin s'entraînait au en et commençait à maîtriser la base du nanika, l'art de la dissimulation. Il s'était émerveillé lorsqu'il avait enfin réussi à faire disparaître le bout d'Aura. Inutilisable en combat pour le moment, l’exercice et ses progressions demeuraient excellents pour la suite du programme.
Sarouh fit tourner son verre d’eau dans ses doigts, avant d’en faire disparaître les rebords. Le Genin soupira bruyamment. C’était insuffisant, comme tous les autres exercices auxquels il s'adonnait. Privé d’entraînements plus intenses, il ne pouvait pas améliorer sa maîtrise de Suisei yari, ni finir de mettre au point son attaque mentale, cruciaux pour l'événement à venir.
L’adolescent s’était tourné vers le en par dépit. L’échec n’en était que plus insupportable. Il n'arrivait pour le moment à rien, incapable de franchir le premier mur que lui opposait l'exercice. Percevoir par le Chakra aurait pourtant son intérêt, s'il se révélait doué pour ça. Dans le pire des cas, un exercice de maîtrise de l'énergie spirituelle lui serait toujours utile pour lancer ses genjutsus.
Sarouh étouffait, prisonnier de sa propre demeure. Le tournoi approchait et son impatience tourbillonnait en maelströms bouillonnants dans sa poitrine. A l’excitation, se mêlait la peur, insidieuse et froide, qui tombait en un voile glacé sur son échine aux moments où il s’y attendait le moins. La dernière injection de Chakra anxiolytique ne faisant plus effet. Jeter toute son énergie dans l'entraînement ne suffisait plus à juguler le stress et l'impatience.
Il sursauta en entendant taper à sa porte. Les yeux agrandis par l’effroi, il déglutit. Déjà ? Le froid dévora son corps. Son cœur accéléra. Sa vue se brouilla. Haletant, Sarouh ouvrit la porte, mobilisant toute sa volonté pour ne pas tourner les talons.
Sur le seuil, un personnage atypique l’attendait. A peine plus grand que lui, mais bien plus âgé, un jeune adulte imberbe et aux yeux bandés se trouvait devant lui. Son blouson était couvert de motifs étranges et un corbeau était posé sur son épaule. Ses cheveux noirs et raides étaient cachés sous sa capuche. Impossible d’apaiser sa peur face à un personnage si étrange.
—Hykao Kezashi, Chuunin. Instructeur du tournoi auquel vous êtes participant. Tsumyo Sarouh, veuillez être prêt dans 10 minutes, à l'entrée Ouest du Village.
Comme il était coutume de le faire chez les ninjas, il disparut. Le soulagement manqua de submerger le jeune homme. Il n’était pas en danger. Puis vint le stress. Sarouh s'empara de son équipement, son bandeau et de sa tenue, avant de foncer à la porte principale, ignorant de son mieux la panique que lui inspirait le monde extérieur.
Il trouva sur place une vingtaine de Genins attroupés. Certains étaient assis sur les toits, d'autres sur les bancs qui servaient normalement aux files d'attente en cas de contrôle des longues processions de marchands itinérants arrivant à Gensou. Par trinôme, le bruit des conversations excitées emplissait l’air frais et matinal. Naturellement, les shinobis s’étaient rassemblés par équipe. Les derniers discutaient sous le symbole de l'Eau gravé dans le bois du portail d'entrée.
Sarouh chercha impatiemment ses partenaires, avant de se souvenir qu'elle comptait Chiraku et serait par conséquent en retard. Il tritura ses doigts de malaise, le temps s’égrainant en de longues minutes. Alors que l'appel avait déjà commencé, Cacaunoy apparut au détour de la rue en traînant le Mizu par le poignet d'un pas décidé. Heureusement, les Chuunins en charge de leur petite escapade à Chikara n'étaient pas à cheval sur la ponctualité et ils purent se joindre au groupe sans problème. La demoiselle salua Sarouh d'un grand sourire et son comparse d'un clin d'œil, alors que Kezashi finissait d'égréner l'interminable liste de noms. Les retardataires s’annoncèrent et ignorèrent les remontrances avant de rejoindre leur comparse aux cheveux bleus.
— Ca fait du bien de te revoir, lui chuchota la jolie brune.
— Moi aussi, je suis content de te voir, bafouilla l'adolescent.
— Hé, j'existe moi aussi ! S'agirait de pas me laisser tenir la chandelle tout le trajet.
Le Tsumyo piqua un fard, alors que l'épéiste détournait farouchement la tête, le jeune Mizu éclata de rire, satisfait de son effet. Le stress de l'événement disparut rapidement. Si tension il y avait, c'était uniquement dans les œillades que s'envoyaient les jeunes adolescents. Sarouh secoua doucement la tête pour reprendre ses esprits, recentrant la conversation sur ce qui le préoccupait :
— Et Asori ? Vous l'avez revue ?
— Je crois que je ne suis pas trop supposé vous en parler, mais bon. Je l'ai vu passer comme une tornade, après son passage chez le Kage. Aucune idée de comment ça s'est passé, mais mettre Asori en colère est rarement une bonne idée.
— Elle est carrément allée voir le Gensoukage...
Sarouh assimilait lentement ce que son ainé venait de lui dire. Il ne pensait pas que ça irait jusque là. Et le fait que ça ait pu mal se passer était étrange. Comment était-il seulement possible que le Kage soit en désaccord avec elle ? Le coupable était déjà trouvé. Le clan Arabara ne pouvait tout de même pas le protéger, malgré tous les Genins qui pouvaient attester de l'affrontement avec Masiku ? Il ressentait une légère fierté à l'idée que son sensei soit en train de faire des pieds et des mains pour lui faire justice, mais une boule d'anxiété ressuscita soudainement au creux de son estomac. La main de Cacaunoy se posa sur son épaule. Elle lui adressa un sourire radieux, balayant ses appréhensions :
— C'est Asori. Ne t'en fais pas, je ne vois personne s'opposer à elle. Si elle est furax, vaut mieux que ça ne soit pas contre nous à l'entraînement.
— T'as raison, je crois que je sens encore le dernier coup de genou qu'elle m'a mis...
— T'es vraiment une chochotte, Chi'.
Le Tsumyo avait un peu de mal à reconnaître sa flamboyante amie. Depuis son passage à l'hôpital, la jolie brune s'était transformée. Elle avait envoyé son masque de glace aux orties et avait finalement accepté de se montrer telle qu'elle était, en une absence de demi-mesure aussi déconcertante que caractéristique.
Elle bouscula Chiraku qui persistait à lui envoyer des piques, tirant un sourire à Sarouh. Il aimait beaucoup cette nouvelle version. La jeune femme le couvait de regards discrets, veillant en permanence sur lui. Une chaleur inconnue se diffusa dans le corps de l’adolescent. Il ne réalisait que maintenant à quel point il avait besoin d’eux.
— Magnez-vous, de vous mettre en formation, aboya Kezashi devant la porte. On ne va pas y passer l'hiver sur ce trajet ! Marche commando jusqu'à Chikara, on s'arrête uniquement pour dormir. Ce n'est pas une colonie de vacances, aussi je vous suggère de vous tenir à carreaux. Vous aurez un jour de repos sur place.
Soupirs généralisés. Les Chuunins encadrants n’avaient sûrement pas eu le choix, et par conséquent, se vengeaient sur eux. Un classique déprimant mais bien connu des aspirants qui gardèrent un silence studieux. La plupart d'entre eux supportaient un entraînement bien pire que le marathon qui les attendait. Au moins, Sarouh pourrait récupérer une partie de sa forme physique, s'il ne mourrait pas en chemin.
— Le dernier à Chikara a un gage ! lui cria Cacaunoy en s'élançant.
La demoiselle lui fit un clin d'oeil et rejoignit rapidement les premiers. Le Tsumyo resta pensif une seconde, avant de partir à sa suite avec un grand sourire, talonné par un Chiraku qui n'en finissait plus de soupirer. Finalement, Sarouh le sentait bien, ce tournoi.
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