• Voici le dernier arrivé ! fit Kurimi d’une voix enjouée, Sarouh Tsumyo, je te présente tes deux équipiers : Kana et Dozo. Je vous laisse vous présenter.

  Avant qu’ils n’en aient le temps, le Genin aux cheveux bleus balaya du regard ses camarades du moment. Kana était une jeune femme à peine plus âgée que lui d’apparence. de son mètre soixante cinq, les cheveux blonds,son nez retroussé et d’adorables tâches de rousseurs clairsemaient ses pommettes. Difficile de l’imaginer en combattante. SI elle était armée, Sarouh ne voyait pas de quoi. Seulement la classique bourse contenant l’équipement ninja de base à sa jambe gauche. Ses yeux bleu clair pétillaient et l’adolescente affichait un air ravi. Genin depuis peu supposa avec un cynisme certain le Tsumyo.

  Son camarade était massif en comparaison. Aussi grand que Sarouh mais bien plus large, il avait l’air fort, sa musculature saillante mise en avant par un haut serré noir et sans manche. De la même manière, l’illusionniste ne voyait d’autre équipement que le strict minimum ninja. Il n’écouta ni l’une ni l’autre alors qu’ils se présentaient. Tout cela n’avait aucune espèce d’importance. Sarouh se contenta de masquer son désintérêt autant que son ennui. A quand remontait la dernière fois qu’il s’était senti concerné ? Déjà plusieurs mois. L’air courroucé de sa sensei lui échappa alors qu’il s’empêchait à grand peine de se perdre dans ses pensées.

• Bien, maintenant que vous vous connaissez, j’aimerais rentrer dans le vif du sujet, enchaîna Kurimi avec un faux sourire qui réveilla immédiatement le Genin.
• Comment ça, demanda Kana en enroulant une mèche de cheveux autour de son index.
• On va devoir se battre, soupira Sarouh qui avait un déjà-vu trop marqué à son goût.

  Immédiatement, il s’était éloigné de ses deux camarades et de son professeur du jour, ne connaissant pas la teneur des équipes. Bien mal lui en prit, alors que le sourire de la Jounin s’agrandissait.

• Comme tu es le plus expérimenté Sarouh, je vous propose un deux contre un.

  Evidemment, ne put s’empêcher de râler en son for intérieur le garçon aux cheveux cobalts. Il nota mentalement de mieux feindre l’intérêt à l’avenir. Irumi lui avait pourtant dit de mieux masquer ses émotions, il était temps que ça rentre.

  Ses deux camarades réagissaient de manière beaucoup plus enthousiaste. Grands sourires et kunaïs dans la main, ils étaient ravis d’être en action. Cela devait faire plusieurs semaines qu’ils étaient promus sans avoir rien d’autre à faire que des missions de basse envergure pour le Q.G.

  Sarouh réalisa que cela faisait presque un an et demi qu’il avait ce statut. Il ne ressentait pas l’excitation habituelle du combat. Etait-il déjà blasé ?

• Faites au mieux, glissa la Jounin sans conviction, s’asseuant sur une souche non loin. Si votre synergie est bonne, c’est bien possible que cela impacte vos chances d’obtenir une équipe.

  Le Tsumyo tiqua. C’était donc doublement injuste. Le mettre à l’écart réduisait également ses opportunités d’être inclus dans un trinôme d’aspirants. Kurimi, la tête posée sur son poing dans une moue vaguement ennuyée d’avance leur donna le signal de la main. Le bout d’une mèche brune cachait l’oeil de la responsable au Genin furieux. S’ils voulaient jouer avec lui, ils seraient servis. Une expression glaciale s’empara de son visage alors qu’il dégainait Aura.

  Kana déglutit en voyant la lame couverte de gravures. Deux possibilités : c’était son premier combat, ou c’était une comédie. Avoir l’air fragile et faible était une technique comme une autre. Désormais concentré sur l’affrontement, l’attitude du Tsumyo avait changé du tout au tout et son cerveau embrumé pédalait désormais à toute vitesse, considérant toutes les options. Dozo s’était mis en position. Goken, le poing dur.

  La montagne de muscles s’élança vers lui de toute sa vitesse, alors que Kana avait pris un peu de retard. Sur la défensive, le Genin aux cheveux bleus esquiva les nombreuses attaques de son vis-à-vis, parfois secondé par sa camarade qui peinait à trouver sa place, alors que Sarouh se contentait de reculer. Tant qu’il maintiendrait cette distance, il ne subirait pas le désavantage du nombre. Un regard vers l’organisatrice la montra désintéressée au possible, poussant même le vice à lire pendant la passe. Ils n’allaient vraiment pas s’entendre.

  Désormais habitué au rythme des attaques, Sarouh commença précautionneusement à riposter. Mêlant acrobaties et mouvements circulaires, il frustrait Dozo et pu l’égratigner plusieurs fois sans réelle conséquence. Néanmoins, le Tsumyo se méfiait. En plus des compétences de l’Académie, il était possible qu’ils maitrisent une aptitude en plus chacun. Au vue de la pression assez faible qu’il ressentait malgré leur avantage numérique, il était peu probable que ces adversaires soient des génies au point d’avoir maîtrisé plusieurs jutsus sans aide.

  Il esquiva un crochet bien trop large en se baissant, avant de frapper de taille, coupant en deux une bûche qui avait servi à la substitution. D’instinct, Sarouh se tourna, lâchant son arme pour prendre les deux poing de la montagne de muscles qui souriait de toutes ses dents, très heureux de son petit tour. Cela ne dura pas. Le chêtif illusionniste utilisa le Gyo et pu l’envoyer d’une torsion des épaules sur sa partenaire qui pensait avoir une ouverture.

  La force brute n’en menait pas large face à maîtrise du Chakra. Impressionné par les mouvements de Cacaunoy au tournoi, soufflé par Irumi lors de son affrontement, Sarouh s’était imposé un entraînement draconien et même s’il peinait à maintenir un zetsu correct, son gyo était au contraire vite devenu performant. Manifestement, ses adversaires n’en étaient pas là, au vu des regards surpris qu’ils s’adressaient.

  Le Tsumyo se baissa nonchalamment pour ramasser Aura, un petit sourire narquois aux lèvres. Cela ne plu pas du tout à Dozo qui lui fonça dessus en criant, kunaï en main et l’air beaucoup moins enjoué. Il dût lâcher son arme, rapidement désarmé dans le duel de lames, avant d’essuyer un coup de poing dans la mâchoire qui le déséquilibra, suivi d’une combinaison de frappes puissantes dans le genou puis la nuque qui le propulsa au sol, tête la première dans la boue.

• On ne crie pas en attaquant, bordel, siffla Sarouh, vaguement agacé, avant d’éviter d’une torsion des épaules plusieurs fines aiguilles de métal.

  En un éclair, son deuxième adversaire était sur lui. Kana était plus souple et précise que son camarade au sol, elle enchaînait les frappes avec fluidité et ne laissait que peu d’ouvertures. Le Tsumyo se lassa cependant bien vite de son nouveau jouet et composa à toute vitesse des mudras après un prodigieux saut dans les airs. Paniquée, la Genin lui jeta plusieurs parchemins explosifs attachés aux lames de fer. Une succession d’explosions lui arrachèrent un sourire, qui se termina bien vite en grimace de souffrance alors que Sarouh lui tordait le bras, Aura posée sur sa jugulaire.

• Sérieux, ça vous arrive de réfléchir ?

  Il la poussa sans ménagement, avant de regarder d’un air furieux Kurimi qui arborait une moue illisible. Ce combat n’avait aucun intérêt. Le Tournoi avait été plus compliqué à tous les niveaux. Même son premier duel contre Chiraku avait été plus stimulant. C’était quoi ces nazes ? Tant au niveau de la planification que de l’exécution, il n’y avait rien à garder. Sarouh bouillait d’une colère qu’il comprenait mal. Après tout, il ne les reverrait sûrement pas après cette mission.

• Tu pourrais être plus doux, fit Kana en se massant l’épaule, avant de se tourner vers lui avec un grand sourire. Merci pour la leçon.

  Elle ne semblait pas spécialement surprise ou énervée du résultat. Cela tira un regard interrogateur au vainqueur.

• Tu es un sale con, déclara Kana, tirant un grognement satisfait à son camarade. Mais tu m’as appris deux trois trucs. Le prochain coup, j’espère que je pourrais te faire bouffer ton air prétentieux, expliqua la jeune femme sans se départir de son sourire.
• Aucune chance, ne pu s’empêcher de répondre Sarouh, sans lui jeter un regard.

  Il ne se sentait pas spécialement fort, mais trouvait leurs efforts particulièrement déprimants.

• Ta posture n’est pas bonne détailla-t-il d’une voix morne. Ton bassin est trop avancé donc tu manques de tonus. Tu n’as aucun plan lorsque tu combats. Et manifestement aucune solution dans le combat à mi-distance.
• En voilà de bonnes remarques, le félicita ironiquement la Jounin, soudainement apparue dans son dos. Tu veux essayer de montrer à quel point tu maîtrises contre moi ?
• A titre personnel, cela serait sûrement plus intéressant, soutint le Tsumyo, faisant volte face pour l’affronter du regard. Vous vouliez m’agacer pour le combat et c’est chose faite, bravo.

  Une seconde blanche passa, alors que les deux vaincus regardaient l’échange sans le comprendre. Kurimi ne changea pas d’expression, scrutant son pupille du jour.

• Vous avez volontairement monté ce simulacre de combat en sachant que ça allait m’énerver, précisa Sarouh. La mention de l’éventuelle équipe n’était là que pour ça.
• Et pourquoi aurais-je fait une chose pareille, demanda avec une naïveté mal dosée la Jounin.
• Vous me rappelez quelqu’un que je déteste, soupira le Genin sans répondre, avant de s’asseoir en tailleur, regardant obstinément le sol.

  Un silence s’abattit sur l’équipe. Kurimi n’avait pas vu les événements se dérouler ainsi. Elle avait été avertie de l’aspect parfois non coopératif du Genin, mais il n’était fait état nulle part qu’il était irrévérencieux. Peut-être que s’il n’avait pas été laissé à l’abandon plusieurs mois, elle aurait eu moins de mal à le gérer. Il ne voulait se lier ni à elle, ni aux autres. A sa grande surprise, le Genin les méprisait ouvertement.

• Qu’est-ce que vous avez appris de ce combat ? demanda finalement la Jounin sans se laisser démonter.

  Le Tsumyo releva la tête et fut déçu de ne pas entendre au moins une réponse fuser. Sérieusement ? se dit-il encore, avant de replonger son regard dans l’étendue boueuse.

• Ne soyez pas timide, encouragea la kunoichi experte.
• Notre travail d’équipe est mauvais, répondit Kana. Vu comme il s’y est pris, nous aurions pu livrer deux duels et arriver au même résultat.
• Je l’ai sous-estimé, grogna Dozo.
• C’est à dire ? poussa la professeure.

  L’air de déjà-vu se renforça. Tout ça était basique. Le regard de Sarouh se voilait alors qu’il n’écoutait déjà plus. Il se moquait de tout ça.

• Et toi, Tsumyo, qu’est-ce que tu as appris ? fit la voix de la trentenaire après un peu moins d’une minute, le poussant à relever la tête.
• Vous êtes tous les mêmes, cracha froidement le Genin. On peut passer à la mission ? Tout ça n’a pas le moindre intérêt.

  Deux sensations le frappèrent simultanément. Une douleur dans la mâchoire et le goût du sang dans la bouche alors que sa tête heurtait le sol boueux.

• Tu n’as rien compris à l’exercice, siffla la Jounin finalement ostensiblement exaspérée.
• Eux non plus et ça n’a pas la moindre importance, grogna Sarouh en se relevant sur les bras.

  Il fut pris d’un vertige alors que la la lumière l’étourdissait. Commotion légère, le coup avait été très brutal. L’énervement de la Jounin n’était pas feint.

• Le but, c’était de former l’esprit d’équipe, articula-t-elle, furieuse. Tu aurais pu les aider, grâce à ton expérience. Tu as compris immédiatement tout ça et tu as tout de même saboté l’exercice. Pourquoi ?
• Je n’en ai pas envie. Je déteste que l’on se serve de moi. Le prochain coup, dites “s’il te plait”.
• J’y penserai.

  Après sa dernière réponse, la Jounin avait renvoyé au sol le Genin, un peu moins brutalement. Elle comprenait enfin le tableau. Kurimi sanctionnait son insubordination mais sans colère cette fois. L’irritant adolescent avait juste peur de s’investir dans une nouvelle équipe. Il ne s’en rendait même pas compte, déplora la kunoichi en son for intérieur.

• Sarouh, démerde toi pour faire en sorte de réparer ta connerie. On reprend demain. S'il te plaît.

  La formule de politesse avait tous les aspects d'une insulte dans la bouche de la Jounin ulcérée. Couvert de boue, Sarouh n'avait pas que son égo à réparer. Tout son corps lui faisait mal. Il portait encore les souffrances de son entraînement matinal et de son combat précédent. Le ninja supérieur s'était à peine retenu dans ses coups et une forte nausée le poussa à vomir, se déplaçant à peine pour ne pas se souiller davantage.

• Elle y va trop fort, grinça Kana en s'agenouillant à côté de lui, avant d'ajouter d'un ton adouci. Ça va Tsumyo ?
• Légère commotion, fit Dozo, bras croisés à ses côtés. Faudrait l'amener à l'hôpital. Il ira pas bien loin demain sans ça.
• Si vous faites ça, je risque pire qu'une commotion, râla Sarouh, enfin capable de s'exprimer.
• Qu'est-ce que tu proposes alors, monsieur le génie ? demanda Kana, aussi exaspérée qu'inquiète.
• Je vous explique deux trois trucs, soupira Sarouh.

  Il leur donna plusieurs réponses manquantes à la question de Kurimi, sur le plan technique comme sur le plan tactique. À sa grande surprise, les deux aspirants l'écoutèrent avec attention. Le Tsumyo culpabilisa un peu de les avoir tant méprisé. Ils n’y étaient pour rien.

  Après un vertige plus intense que les autres, Dozo parti chercher une kunoichi médecin, alors que Kana adossait le Genin à une souche d'arbre. L'odeur de la vase et du sol mouillé aidait curieusement Sarouh à se concentrer. Kana s'assit contre lui pour l'aider à se stabiliser. Le jeune homme fut surpris de trouver ça agréable.

• Je ne te connais pas, commença -t-elle après un silence, mais nous ne sommes pas ta précédente équipe. Pas besoin d'être un sale con avec nous. T'es doué mais ça n'excuse pas tout.

  Le Tsumyo ne comprenait pas que l'on puisse associer ce terme avec lui. Ia regarda sans comprendre, l’air dubitatif. Un silence gêné passa avant que le jeune homme ne reprenne la parole..

• Je m'excuse. Je déteste que l'on tente de me manipuler au lieu de me dire les choses.
• Tu aurais vraiment préféré qu'elle dise simplement s'il te plaît en fait répondit Kana, plantant son regard dans le sien.

  Sarouh hocha la tête, se sentant un peu stupide. Kana le détaillait comme une nouvelle curiosité. Apparemment, son intérêt l'emportait de loin sur l'animosité.

• On fait un marché ? reprit-elle d’un ton enjoué, Je te demande toujours directement ce que je veux de toi, en échange tu me considères comme une coéquipière pour la mission.
• Vendu, capitula bien trop vite à son goût Sarouh.
• Où est l’arnaque ? Demanda finalement la débutante.
• Tu me donnes quelque chose sans limite de temps contre quelque chose de bientôt déjà passé. Et ta demande va déjà dans le sens des ordres que je viens de recevoir fit le Genin, mimant d’être gêné par son manque de perspicacité.
• C’est pas ma meilleure négociation vu comme ça.

  Elle fronça exagérément les sourcils, l’air faussement déçue, faisant sourire doucement le Genin qui en oubliait presque la douleur qui pulsait dans son crâne. C’était agréable de lui parler finalement.

• Dozo arrive, releva la jeune femme.
• Je pensais pas dire ça un jour, mais je suis heureux qu’il soit de retour.

  Alors qu’elle réprimait un sourire, une kunoichi médecin arriva, passant un savon à l’aspirant en soignant ses blessures. Toute relation est transactionnelle se rappela Sarouh. Et il était bien déterminé à remplir sa part du marché.