06 - L'ami de mon amie...

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  Mains furieusement enfoncées dans les poches, Kurimi surveillait les Genins qui progressaient devant elle. Le petit groupe avait quitté les étouffants marais plusieurs heures auparavant, laissant place à un agréable et frais sous-bois en cette fin de journée. Sous les arbres clairsemés, l’escouade s’était relâchée. Même le benjamin de l’équipe, paradoxalement le plus expérimenté, semblait plus détendu. Le regard olive de la Jounin suivait ses mouvements, intriguée. Taillé comme une brindille, la croissance bien trop rapide pour sa morphologie qui n’avait pas suivi malgré des muscles finalement taillés, le regard émeraude pénétrant, son visage encore enfantin et sa pilosité inexistante trahissaient son âge. A côté de Dozo, presque adulte et bien plus massif, Sarouh faisait pâle figure. Il était d'autant plus difficile d’imaginer le rapport de force entre eux.

  Kurimi ne savait pas quoi penser de la situation. Quelques heures avant de chercher ses recrues d'une mission, Asori Mizu s'était présentée à elle. Avec son habituel petit sourire, la redoutable kunoichi lui avait demandé des nouvelles de son enquête. Quelque mois auparavant, au début de l'hiver, la Jounin l'avait prié de lui faire la faveur de s’occuper d’une de ses élèves, soit disant possédée. Experte en fuinjutsu, l’art des sceaux et des invocations, Kurimi avait accepté sans mal et l’avait vite regretté.

  Le cas était ardu et il lui était difficile de comprendre comment le réceptacle avait pu être lentement contaminé par le parasite sans s’en rendre compte. Après des semaines d’enquête, elle avait fourni un semblant de rapport à la Mizu. L’air grave, la Jounin avait simplement hoché la tête. Kurimi détestait cette expression sur son visage. Cela n’augurait rien de bon. il était certain qu’elle allait commettre quelque imprudence. Suite à ça, Asori lui avait uniquement demandé de faire attention avec Sarouh. Une nouvelle fois, Kurimi avait accepté, sans vouloir savoir comment sa comparse était au courant qu'il faisait partie de ses effectifs.

  Il était désormais clair que son ancienne sensei avait largement sous-estimé le problème. Elle l’avait prévenu qu’il était intelligent mais qu’il allait être difficile de créer un lien de confiance avec lui, vu les derniers événements. L’experte en sceaux avait alors soupiré exagérément en lui disant qu’elle allait rapidement épuisé son quota de faveurs si elle continuait ainsi avec ses élèves. Confrontée au problème, elle venait à se demander si ce n'était pas la Mizu qui lui en devait une.

  Le Genin se servait de sa perspicacité pour se cacher derrière un rideau de cynisme. Il ne se sentait pas concerné par les événements. Si sa froideur et son calme apparents lui permettraient sur le papier une longue carrière en tant que shinobi, Kurimi soupçonnait une dynamique bien plus insidieuse de s’être mise en place dans le cerveau déjà névrosé de l’adolescent. Tenir promesse allait s’avérer bien plus compliqué que prévu.

  La Jounin vit Dozo se pencher vers lui, chuchoter quelque chose avant de se faire à nouveau vitrifier du regard. Il n’y avait rien à sauver de cette relation là. Chaque heure qui avait suivi le départ avait transformé l’indifférence de Sarouh en franc mépris. Kana secouait la tête à côté, l’air médusé. La pauvre. Manifestement coincée entre les deux, l’âme du groupe souffrait des va-et-vient entre les deux adolescents. Au moins, le Tsumyo semblait s’adoucir quand elle prenait la parole. C’était le seul vecteur que voyait Kurimi pour atteindre le Genin.

  Soudain, un puissant signal d’alarme interne submergea la kunoichi experte. Quelque chose n’allait pas. Sans prévenir, une masse informe et indistincte s’envola des arbres tout autour d’eux. Un essaim rapide et mortel s’éleva en un terrifiant bourdonnement. Le silence qui précédait ne fut rapidement que chaos.

 La terreur se peignit sur le visage des Genins. Ils étaient pris au piège. Les milliers de petits insectes chargés d’acide fondirent sur eux. En un battement de cil, tout serait fini. Un sourire se dessina sur le visage de Kurimi.

 Une puissante bourrasque balaya les insectes au loin, en écrasant la plupart sur des arbres avec une violence telle que les écorces éclatèrent sous l’impact. Les nuisibles indemnes se réunirent immédiatement en attendant de nouveaux camarades. Instinctivement les Genins se positionnèrent derrière la Jounin, alors que le bourdonnement reprenait partout autour d’eux.

  • Baissez vous.

  Kurimi puisa en elle son Chakra alors que la deuxième vague arrivait. La Nuée était un essaim à la conscience collective particulièrement vicieuse et agressive. Ces saloperies se nourrissaient autant de l’énergie spirituel que de la chair, ce qui en faisait une des nombreuses bestioles assez dangereuses et folle pour s’attaquer aux shinobis.

  C’est exactement ce genre de danger qui avait justifié l’existence des ninjas à l’origine. Des crépitements commencèrent à se faire entendre alors que de toute part les insectes fondaient vers eux. Ils étaient difficiles à discerner, leurs écailles réfléchissant la lumière pour se fondre dans l’environnement. Par adaptation et par leur capacité à s’emparer des aptitudes de ce qu’ils dévoraient, la Nuée était composée de plusieurs essaims spécialisés dans ce genre d’embuscade.

  Les Genins eurent à peine le temps de toucher sol qu’une multitude d’arcs électriques d’un bleu éblouissant se dégagèrent de Kurimi. Chacun d’entre eux se redivisèrent et se propagèrent telle une maladie dans les rangs de l’ennemi. Un orage magnifique, terrifiant et mortel qui ne laissa aucune de ces créatures en vie.

  Plusieurs petits feux prirent, alors que les insectes chutaient au sol. Le silence tomba d’un coup sur le groupe. Les adolescents comprenaient lentement ce qui venait de se produire. La trentenaire venait de les sauver deux fois en moins de quelques secondes d’une mort certaine.

  • Eteignez-moi ça, articula-t-elle d’une voix qui ne laissait place à aucune contestation.

  Il fallait continuer à bouger ensuite. Ils n’avaient pas le temps de se laisser intimider. Le Yuukan contenait des espèces bien plus dangereuses. Le premier à se reprendre fut Sarouh qui utilisa astucieusement une lance d’eau pour couper les départs d’incendie, avant de tendre une main vers Kana.

  Kurimi intercepta le regard qu’il lança à Dozo. Jamais elle n’avait vu un tel “Je te l’avais bien dit”. Ce dernier était pâle. C’était la première fois qu’il voyait sa fin d’aussi près. Aucun entraînement ne peut préparer des enfants à cette éventualité. C’était aussi le rôle de ces missions. Les mettre au centre de l’action pour leur permettre de comprendre de manière empirique que s’ils ne progressaient pas vite, ils mourraient.

  La brutalité de l’exercice ne dérangeait pas la Jounin. Ces jeunes gens verraient peut être une nouvelle guerre un jour. Ceci n’était qu’un échauffement comparé aux atrocités qui s’y passaient. Il était important de faire le tri rapidement entre les navets et les autres.

  • On bouge.

  Seule l’experte en sceaux s’exprimait. Il n’y avait plus trace de jovialité, seulement la glaciale expérience du terrain. Les adolescents obéirent immédiatement. Une telle menace démontrait l’importance de la chaîne de commandement. Ils n’étaient pas à l’abri : le cluster de la Nuée de la forêt savait ce qui s’était passé. Ces saloperies ne connaissaient pas que l’attaque frontale. Embuscade, piège, voire coopération animale étaient de multiples éventualités auxquelles il fallait désormais se préparer lorsque des imprudents croisaient le chemin de la Nuée. Pour l'heure, mettre de la distance entre eux et les cadavres était primordial.

  Les Genins jetèrent un dernier regard dégoûté aux restes calcinés des insectes avant de s'élancer. La poche dégoulinante d’acide et leurs mandibules acérées continuaient à inspirer la peur, même dans la mort. Sautant d’arbres en arbres, les ninjas suivaient leur chef conscient que leur vie en dépendait.

  Kurimi masquait sa surprise. Normalement la Nuée se trouvait enfoncée plus profondément dans les bois. Il était convenu qu’elle leur fasse un peu peur sur le trajet, mais rien d’aussi brutal. Était-ce la raison pour laquelle des personnes avaient disparu au village ? Si ces saloperies s’étaient tant rapprochées, le nombre de victimes à déplorer serait bien plus important.

  Avec la force de l’expérience et la connaissance des lieux, elle sut immédiatement quoi faire. La fin de journée ne fut qu’une succession de course, dissimulation dans la boue et la végétation et utilisation d’autres subterfuges pour multiplier les mauvaises pistes. La Jounin se donna même la peine d’envoyer deux clones dans des directions opposées.

  C’est un groupe sale, épuisé et maussade qui posa finalement le camp, non loin du village Ahagashi. Sur une colline herbue à la vue dégagée, ils pouvaient enfin se détendre. La Jounin s’adressa enfin à eux, toute sourire.

  • Alors ce petit voyage, amusant n’est-ce pas ?

  Elle se fit immédiatement fusiller du regard par Sarouh et Dozo. Au moins ils s’entendaient enfin sur quelque chose. Kana s’affala de tout son long, tête la première dans l’herbe, exagérément fatiguée.

  • Je suis naze. Les mecs, le campement c’est pour vous.
  • Tu nous as pris pour qui là, bouge ton cul Kana, rétorqua Dozo avec un petit sourire
  • Je gère la bouffe, mais laissez-moi deux minutes.

  Le franc-parler de la jeune femme fit disparaître les tensions, et le petit groupe se mit tranquillement à préparer l’endroit pour la nuit dans la bonne humeur. Les adolescents avaient été à la hauteur des attentes de la Jounin. Aucune plainte, aucune remise en question de l’ordre. Ils avaient suivi le rythme efficacement. L’Académie était encore capable de faire son travail. Ceux-ci seraient des membres capables avec suffisamment de bagage, à condition de survivre jusque-là.

  La nuit tombée recouvrait la région de son manteau étoilé. Une brise fraîche bienvenue secouait les cheveux de la fine équipe, regroupée autour d’un feu où cuisait les lapins capturés sans difficulté par la Jounin. Kana avait effectivement prit en main la cuisine, dépeçant les bêtes d’une main experte.

  • En tout cas cette attaque était impressionnante, convint Sarouhau détour de la conversation, en s’emparant de sa brochette. Le ninjutsu est votre spécialité ?

  Kurimi se contenta de sourire, satisfaite. L’adolescent respectait ses aptitudes, c’était déjà ça. La double affinité qu’elle possédait lui avait sauvé la mise de nombreuses fois et permettaient de nombreuses attaques combinées. Pour autant, ce n’était pas son atout principal. Une lumière d’intérêt s’alluma dans le regard émeraude du Genin. Elle pouvait presque l’entendre penser.

  • Je ne serais jamais capable de réussir une performance pareille, soupira Kana.
  • Aucune espèce d’importance rétorqua immédiatement l’adolescent aux cheveux cobalts, bouche à moitié pleine.
  • Qu’est-ce que tu essaies de dire, fit Dozo d’un air soupçonneux.

  La Jounin appréciait ce qu’elle était en train de voir, posant son visage sur son poing, en attendant la cuisson de sa nourriture.

  • Il existe de multitudes de façon d’utiliser le Chakra. L’ouverture des portes, les invocations, l’utilisation de l’énergie pure, le genjutsu… La liste est longue. Un Jounin compétent ne se résume pas à la maîtrise des éléments.
  • Et qu’est-ce que tu en sais exactement ? Siffla Dozo
  • Connaissance empirique. Je ne me souviens pas avoir eu besoin du Suiton pour te battre, fit Sarouh, un peu agacé par le manque de perspicacité de son collègue.

  Kurimi prenait des notes. Le jeune Hiwari doutait de lui, il prenait les accents de certitudes du jeune ninja pour des attaques personnelles. A l’inverse, celui-ci ne prenait en compte que son avis, le Tsumyo cachait toute sa peine derrière ses raisonnements et son orgueil. Contrôler ses pensées signifiait contrôler sa réalité. Kana se sentait mieux à chaque fois qu’il prenait la parole. Elle avait gagné son respect donc le benjamin du groupe la défendait instinctivement. La Jounin voyait bien que le concept de limitations intrinsèques insupportait Sarouh, ce qui lui attirait l’amour de l’un et la haine de l’autre. Combien de temps le jeune homme s’était-il entraîné pour refuser ainsi que l’on décide à sa place ? Se rendait-il seulement compte qu’il était doué ?

  • Tu t’es contenté d’utiliser Aura et un peu de genjutsu. Si je devais parier une pièce, je dirais que tu es un illusionniste, fit d’une voix basse la jeune femme. Franchement, ça ne me rassure pas.

  Effectivement, il venait de démontrer à quel point il s’était retenu face aux deux Genins. Pour les deux aspirants amateurs, le fossé semblait désormais insurmontable. Magnifique exemple de contre productivité se dit Kurimi en soupirant.

  • Vous n’étiez pas de taille, mais l’affrontement était beaucoup moins simple pour lui que vous l’imaginez, expliqua-t-elle en plantant son regard dans celui de Sarouh.

  Il baissa les yeux une fraction de seconde avant de le soutenir. Le Genin n’aimait pas ce vers quoi la conversation se dirigeait.

  • Comment ça ? Demanda naïvement la jeune femme
  • Je le laisse vous le dire fit Kurimi toute sourire en s’emparant de sa nourriture enfin cuite.
  • Une connaissance m’a dit que je ferais mieux de garder ce genre de choses pour moi, grinça des dents l’adolescent.

  C’était sage en effet. Il ne leur faisait pas confiance une seconde, malgré les événements récents. La Jounin haussa les épaules. Veiller sur lui ne voulait pas dire le soigner de ses traumas. C’était à sa mère de faire ça. Cependant elle était curieuse de savoir qui lui avait prodigué ce conseil. C'était bien le genre de la Mizu, mais Kurimi soupçonnait que l'adolescent était en rejet de ses enseignement

   Les Genins continuèrent à se chamailler gentiment autour du feu, les estomacs se remplirent vite et bientôt tout ce petit monde ne pensa plus qu’à aller dormir. Kurimi les envoya au lit, prenant le premier tour de garde. Elle s’installa en haut de la colline, le petit promontoire lui permettant d’avoir les jambes dans le vide en contemplant la Lune et ses amies les étoiles.

  • C’est pas un cadeau que tu me fais là, Asori, lâcha-t-elle après une longue heure

  La complainte se perdit dans le vent, remuant les mèches brunes de la ninja. Cette mission aurait dû être une promenade de santé et voilà qu’une promesse innocente la rendait infiniment plus pénible. Si la Mizu avait été là, elle lui aurait rétorqué avec un grand sourire de cesser de se plaindre. Elle détestait autant qu’elle l’appréciait pour ça. La Jounin tourna la tête en percevant une présence sur sa droite et vit Sarouh se diriger vers elle, vêtu d’un haut trop large afin de dormir.

  • Asahi Kurimi, j’aimerais vous demander quelque chose.
  • Tellement solennel, qu’est-ce qu’il t’arrive ? ironisa la Jounin, intriguée.
  • Vous êtes aussi Fuuton. Je n’ai pas eu la chance d’être entraîné à maîtriser cet élément. J’espérais que vous pourriez m’aider avec un jutsu de base.

  Il avait fini sa phrase en baissant la tête, presque honteux d'avoir formulé sa demande. Le Genin ne vit pas le sourire de requin de Kurimi, alors qu’elle jubilait intérieurement.

  • Je suis sûre que je vais savoir t’aiguiller quelque peu. Retourne te coucher, tu auras besoin de tes forces.

  La Jounin avait enfin un levier sur l’adolescent. Au fond d’elle, la kunoichi brûlait d’envie de voir les capacités de l’ancien étudiant d’Asori. Kurimi ne se départit pas de son sourire alors que Sarouh se dirigeait vers le campement. Elle trouverait peut-être un intérêt à ce voyage finalement.ge finalement.

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