17 - Traqués

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  • On a plus le temps, Mey, murmura Sarouh.

  L’émeraude des yeux de l’illusionniste transperça la Sabishii, la main crispée sur son kunaï. A en croire la femme blonde qu’ils avaient fini par libérer, le second groupe d’otages se trouvaient au bout de ce boyau sombre. Les flammes des torches au loin semblaient indiquer une patrouille qu’ils allaient supprimer. La mission demandait de ne pas recourir à une force létale, mais la présence d’otages les dispensait de ce luxe. Sarouh ne comprenait que trop bien l’angoisse qui agitait l’iris de sa partenaire.

  C’est pour cela qu’il se jeta en avant. Furtif et rapide, Mey-Lynn n’eut pas le temps de l’arrêter. L’illusionniste avait déjà un plan, estimant ses adversaires au nombre de deux; Viser la gorge du premier, se retourner et utiliser un genjutsu ou une lance aqueuse pour réduire au silence le second.

  Mais alors qu’il bondissait dans la pièce, il se figea. Face à lui, deux mannequins tenaient les torches, recouverts de vêtements. Son alarme intérieure hurla et il bondit en arrière.

  • C’est un …

  Le mot piège n’eut pas le temps de s’échapper de ses lèvres. Plusieurs bruits d’explosions mêlés aux hurlements des otages précédèrent un éboulement que le shinobi ne pu esquiver tout à fait. La roche l’écrasa sous son poids. Toute sa force ne lui permit que de sauter un peu plus loin, pour mieux recevoir un débris sur la jambe. Un cri à glacer le sang lui échappa.

  • Sarouh !

  Moins exposée, Mey s’était projetée jusqu'à un coin sûr, rapide comme l’éclair Le tunnel derrière eux s’était complètement effondré et il ne restait que quelques endroits pour respirer. A quelques mètres d’elle, séparé par les éboulis, Sarouh lui jeta un regard désespéré. Il ne pouvait se dégager et son maigre zetsu ne protégeait que de manière très sommaire sa jambe coincée, lentement écrasée par la roche.

  • J’vais te tirer de là !

  La panique dans la voix de la kunoichi céda à l’entraînement des shinobis. Elle souffla profondément et reprit sa contenance. Elle se clona avant d’invoquer une longue tige noire dont Sarouh ne comprenait pas l’origine et les deux Mey s’acharnèrent à délester la roche en se servant du levier ainsi créé.

  Mobilisant toutes ses forces, le Genin parvint à se tirer hors des décombres en un gémissement d’effort. Haletant de douleur et de fatigue, il resta prostré au sol. Le constat était sans appel, impossible de replier la jambe. La kunoichi était déjà penchée sur lui, la clone aidant à tenir le membre partiellement écrasé, alors qu’elle le bandait.

  • Je n’ai pas de compétences en ninjutsu médical, il va falloir te contenter de ça.

  Un craquement retentissant suivit sa déclaration, et Sarouh dut se mordre les lèvres pour retenir la douleur. Puis elle s’assit à côté de lui et lui plaque son invocation en une attelle de fortune. Le temps était compté, l’oxygène manquerait bientôt. Au loin, des cris résonnaient. La panique reflua, laissant la raison reprendre ses droits. Il se redressa et commença à se mordre furieusement le pouce. Blanche comme un linge, Mey interrompit ses réflexions :

  • Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
  • Y’a pas trente six solutions, lui répondit Sarouh avec agacement. On se tire.
  • Et les otages ?
  • C’était un piège depuis le début. On les laisse, on survit et si on a de la chance, on sauve ceux qui restent avec Setsuya.

  La kunoichi voulut répondre puis se tut. Sarouh croisa enfin son regard posé sur la jambe de l’adolescent. La culpabilité, la peur et le doute l’étouffaient. Aucune place ne restait pour ses propres émotions. Il était urgent de la sortir de là, qu’importe ses tourments. Mais comment ? Et qu’est-ce qui les avait trahi ? Les voix se rapprochèrent et une sensation très claire s’inscrivit dans la tête du Genin : Ils venaient finir le travail.

  • Il faut bouger. On va être encerclés bientôt.

  Mey-Lynn commença à s’affairer à le relever, mais Sarouh la repoussa.

  • Tu n’as pas le temps. Toute seule, tu peux aller chercher la cavalerie. Je vais sûrement réussir à me planquer.

  L’espionne ne crut pas cet odieux mensonge et le foudroya du regard.

  • Hors de question. Je t’ai promis que je te protégerai et je compte bien m’exécuter. Je sais très bien que tu n’as plus le Chakra nécessaire, sans compter ta jambe. Je vais te sortir de là.

  Les mots manquèrent au Tsumyo. C’était mauvais. Il ne pouvait pas la laisser se mettre en danger pour lui. Pourtant, la peur de mourir, la culpabilité, la douleur et la reconnaissance le submergèrent. Mutique, il se laissa enfin aller dans les bras de la kunoichi.

  Les bruits autour d’eux s’intensifiaient. Les bandits semblaient sûrs de les trouver ici. Alors que Mey-Lynn cherchait désespérément une autre issue, Sarouh cherchait un moyen de gagner du temps. Concentré, il couvrit les éboulis derrière eux d’autres pierres illusoires. S’il avait plus de Chakra et moins mal, il pourrait sûrement faire diversion… Il cracha face à son impuissance.

  • Tu penses pouvoir les maintenir ?
  • Pas le choix.

  La kunoichi ne remit pas sa parole en doute. A son tour, elle invoqua plusieurs souris, manifestement faites d’encre qui se répandirent immédiatement dans les tunnels devant eux. La souffrance et la peur sourdes masquèrent son admiration. La jeune femme ne fléchissait pas.

  • Par là. Tiens bon.

  Sans un regard vers lui, Mey-Lynn dégagea un éboulis devant eux et se mis à ramper, avant de se synchroniser à son clone pour tirer Sarouh à sa suite. Il se mordit la lèvre pour ne pas laisser échapper de bruit. S’en suivit une progression lente et déchirante. Dans le noir quasi complet, entouré par les échos des brigands qui semblaient venir partout autour d’eux, les ninjas perdirent la notion du temps. Respirer devenait difficile et la kunoichi avait de plus en plus de mal à se faufiler à travers la roche qu’elle devait bouger à coup de gyo. Le renforcement par le Chakra commençait à montrer ses limites et la fatigue rendait ses mouvements lourds. Impuissant, Sarouh serrait les dents et rampait en silence, maudissant sa faiblesse.

  Alors qu’ils pensaient enfin faire des progrès, une autre explosion les surprit en une nouvelle averse de rochers, la lumière envahissant soudain la galerie qui s'effondrait sur elle même. Agile et rapide, Mey-Lynn sauta avec Sarouh dans les bras, leur évitant l’essentiel des dégâts, se servant des plus gros éboulis pour se lancer dans une chorégraphie aérienne de rebonds impeccables. La situation venait de se compliquer.

  Désormais à l’air libre, les Genins étaient encerclés par une dizaine d’hommes armés. Le tunnel s’était transformé en fosse mortuaire. Un quarantenaire se pencha autour de la fosse, le visage barré de cicatrices et son sourire de requin réfléchissant la lumière des torches comme seuls éléments visibles dans la nuit.

  • Comme prévu, voilà les rats qui grouillent dans notre campement. Bonne pioche, on va pouvoir vous éliminer tranquillement. L’adulte doit être écrasé sous les décombres. Finissez le travail !

  Les sbires autour obéirent, arcs déjà bandés. La jeune femme esquiva une première salve, d'un bond, puis posa Sarouh au sol contre une pierre, avant de dégainer son katana, décidée à faire bouclier de son corps et de sa lame. Une minute, puis deux passèrent en un vacarme d’acier et de cris. Le blessé était impuissant. S’il tentait de bouger, il ne ferait qu’augmenter l’angle mort de la Sabishii qui se battait de toutes ses forces pour les sauver tous les deux. Réfléchissant à toute vitesse, il proposa finalement d’une voix déterminée :

  • Mey. Tire toi. Fais tout péter et enfuis toi loin d’ici.

  Elle fit mine de ne pas l’entendre, concentrée à sa danse macabre. Le rythme des assauts ne lui permettaient pas de riposter, sa position était trop exposée. Si seulement elle était moins épuisée !

  Ses gestes se faisaient toujours plus lents, chaque seconde s’étirait en une brûlure infernale pour son corps épuisé. Pourtant Mey-Lynn continuait à ignorer les suppliques de Sarouh. Une flèche se ficha dans son bras, lui arrachant un gémissement de douleur, sans réussir à la mettre hors-jeu, le regard embrasé par le désir de vivre. L’archer responsable resta immobile une seconde de trop et finit avec un shuriken dans la trachée, s’écroulant dans un gargouillement pathétique victime de l’ire impitoyable de la jeune femme.

  • Le jeu a assez duré, descendez finir cette peste !

  Couverts par quelques hommes restés en retrait, une poignée de brigands bien équipés descendit dans la fosse. Encerclés, les shinobis ne feraient pas long feu dans cet état.

  • Mey…
  • Je sais ! La ferme !

  Le désespoir dans sa voix disait à Sarouh tout ce qu’il avait besoin de savoir. A demi-conscient, il dégaina Aura, se levant douloureusement.

  • Je suis fier d’être ton coéquipier..
  • Fais en sorte de pouvoir me le répéter demain, dit la kunoichi, masquant ses larmes.
  • Je compte bien te faire honneur.

  Il se redressa et se positionna dos-à-dos avec sa partenaire. Ils parèrent quelques projectiles de plus et se préparèrent au choc final. Mey-Lynn luttait avec trois bandits tandis que deux hommes s’approchaient de Sarouh. Lames courtes à la main, ses adversaires étaient prudents. Il pouvait à peine tenir debout et garder connaissance et pourtant, ils ne se précipitaient pas. Ces salauds avaient l’expérience, la maîtrise du terrain et tout le temps du monde. La rage et la peur manquaient d’étouffer le shinobi à bout de souffle. Aura à la main, il comptait bien vendre chèrement sa peau. Il n’en eu guère l’occasion. Un reflet dans la nuit attira son regard, la lumière des torches fit briller plusieurs éclats inconnus dans le ciel.

  Soudain, une pluie d’aiguilles d’eau s’abattit sur la galerie enfoncée en un orage brutal,pilonnant le sol qui s’affaissa encore plus plongeant finalement la scène dans le silence. Hagard, debout dans ce chaos, Sarouh jeta un oeil désemparé à sa partenaire, haletante et couverte de boue. Elle lui répondit d’un sourire solaire :

  • La cavalerie est arrivée. On a réussi.

  Le soulagement l’envahit et ses jambes se dérobèrent sous lui, alors que le visage de Mey devenait flou. Il glissa dans un trou noir réconfortant.

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