21 - Retrouvailles

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  • Dozo ?

  La silhouette de la montagne de muscles se dessinait à travers les feuillages, présage de mauvais moments à venir. Sarouh avait reçu l’ordre écrit de se rendre dans le sous bois pour recevoir de nouvelles instructions, sans plus d’informations. Le géant se retourna, laissant apparaître une grimace contrariée. Les mauvaises nouvelles n’arrivent jamais seules. Fort de ses récentes expériences, le Genin chercha qui allait illustrer le proverbe.

  • Salut, Sarouh.

  Mey-Lynn le salue d’un petit geste de la main, un grand sourire aux lèvres, après avoir dépassé le géant qui la cachait jusque-là. L’or de son regard s’anima brièvement, illusion passagère sous le soleil automnal. L’adolescent lui répondit mécaniquement de la tête, masquant sa surprise. Il ne pensait pas revoir la Sabishii avant l’examen. Des feuilles ambrées et ocres, chassées par le vent, passèrent devant son visage ; leurs pointes carmines dissimulant la chaleur illusoire qu’il croyait y percevoir. La lumière s’échappa du regard de la kunoichi, comme elle n’avait jamais existé. Il ne put s'attarder davantage, une tape brutale derrière la tête le ramenant à la réalité.

  • C’est comme ça que tu salues ton responsable ?
  • Kurimi, murmura le garçon en s’inclinant avec raideur, mâchoire serrée.
  • Il y a encore du travail, mais c’est déjà mieux. Plus que notre petite retardataire et l’équipe sera complète.
  • Kana, je suppose ?

  L’espoir de ne plus croiser tous ces soldats avant d’avoir redorer son blason définitivement anéanti, Sarouh se retourna, prêt à apercevoir la dernière des mauvaises nouvelles. La jeune femme blonde surgit derrière lui, son visage totalement inexpressif.

  • Elle-même. Akimishi, au rapport.

  Sarouh se souvenait de son attitude, alors qu’il l’entraînait, avant leur dernière mission. Puis l’image de l’enfant parasité le hanta à nouveau. Désormais, rien ne subsistait de la gaieté de Kana. Il secoua la tête, avant de s’écarter pour recevoir les instructions. La stupeur née de l’étrange situation le rendait inespérément docile et la maîtresse des sceaux ne se fit pas prier :

  • Asahi Kurimi, se présenta à nouveau la Juunin, appuyant son nom en une remontrance directe envers l’impertinent jeune homme. Vous êtes ici pour une simple mission d’échange avec le hameau d’Ahagashi.

  Le peu de couleurs qui restaient aux visages de Kana et Sarouh désertèrent en même temps.

  • C’est une mauvaise blague ? interrogea Hiwari Dozo, manifestement outré.
  • Je sais que ça doit vous sembler cruel, mais pourtant, c’est une fleur qui vous est faite.

  Un silence furieux s’étendit parmi les adolescents, alors que Kurimi se passait la main dans les cheveux, espérant apaiser l’agacement qui pointait déjà le bout de son nez. Si seulement elle pouvait repartir en mission avec des adultes pour changer. Se pinçant l’arrête du nez, elle poursuivit :

  • On y va pour mettre en place les contre-mesures au problème de la dernière fois. Sarouh, des remarques bien senties, ou je peux finir mon débrief sans t’envoyer à l’hôpital cette fois ?

  C’est un regard inanimé qui soutint celui de la Juunin. En quelques mois, l’adolescent avait beaucoup changé. Déjà préparée à un combat de coqs, trouver le garçon aussi affligé la déstabilisait. Elle exposa longuement la situation pour Mey-Lynn, évoquant de manière succincte les différents éléments qui les amenait à retourner au hameau. La Juunin eu la bonté d’âme d’expédier ce qu’ils avaient fait des victimes, avant de finir avec un grand sourire carnassier.

  • Dois-je vous expliquer la suite ?

  Sarouh et Kana bondirent en arrière, rapidement imités par Mey-Lynn puis Dozo. Sans perdre de temps, il dégaina Aura. Ils formaient désormais un cercle, dans lequel il était entouré par Dozo et la retardataire, l’héritière face à lui. La situation ne semblait pas idéale. Si Kurimi était aussi mesquine qu’il le pensait…

  • Je suis sûre que vous vous souvenez de votre premier affrontement. Hiwari, Akimishi, je propose que vous illustriez l’étendue de vos progrès en faisant équipe. Sabishii, tu n’as pas d’équipe, tu gagnes si tu restes debout.
  • Vous ne voulez pas me mettre un handicap en plus ? Je pourrais encore avoir une petite chance de gagner, râla Sarouh.
  • Ne me tente pas.

  Il ne vit pas son sourire s’étendre, alors que son kunaï s’enfonçait dans le sol meuble entre eux, marque du début de l’affrontement. D’un seul homme, Kana et Dozo fondirent sur lui, ignorant l’héritière. Il esquiva un enchaînement particulièrement nerveux de frappes des poings de la jeune femme. Sans possibilité de riposter, Sarouh dû sauter pour esquiver un puissant balayage de la montagne de muscles. Des liens Doton manquèrent de le saisir aux chevilles, la boue s’animant pour ne laisser aucun répit à leur proie.

  S’échappant d’un salto, il para instinctivement Mey-lynn qui l’avait tranquillement attendu au point d’impact. Aura croisa son kunaï dans une gerbe d’étincelles.

  • Bien aimable à toi de me rejoindre.

  Sarouh peinait à réfléchir à un plan. A part une humiliation en bonne et due forme, cet échauffement n’avait aucun sens. Mey-Lynn le propulsa d’un puissant coup de pied vers le duo revanchard. Apercevant une souche au loin, il s’y substitua juste à temps pour éviter un coup des deux poings joints de Dozo qui pulvérisa le bois.

  • Je ne savais pas que tu avais tant peur de moi à ce point, murmura une voix derrière lui.

  Sarouh dû à nouveau bloquer l’héritière. Elle n’utilisait même pas son sabre. Sans avoir le temps de comprendre comment elle l’avait pousuivi, il jeta sa lame vers elle, qu’elle esquiva d’un mouvement de tête avant de se fermer la distance entre eux. Glissant sur le côté, il évita le genou de Mey qui visait son visage, d’une frappe sautée. Il lui envoya son poing renforcé au gyo dans les côtes.

  • Tu me l’as déjà fait celui-ci.

  Elle ne put se protéger et vola sur plusieurs mètres. Après une glissade dans la boue, elle se redressa pourtant sans mal, s’époussetant avec une grâce insolente, sourire aux lèvres. La situation était catastrophique. En l’espace d’une minute, Mey avait déjà manqué à deux reprises de le mettre hors jeu. Trois clones aqueux l’entourèrent, alors que l’équipe Kana mesurait précautionneusement la distance, respiration bienvenue dans leurs assauts.

  • Je suppose que vous ne voulez pas changer de cible ? C’est elle la menace.
  • Je ne pense pas qu’ils font ça pour gagner, Sarouh.

  Pourtant, la démonstration de force de l’héritière faisait clairement hésiter le duo. Maintenant qu’ils l’avaient vu dominer le Tsumyo à deux reprises, l’idée de se débarrasser du premier avant de s’attaquer à elle était beaucoup moins attractive. Mey continua, se moquant clairement de Kana et Dozo, d’une moue exagérée, tapotant ses lèvres de l’index :

  • Je me demande, vous pensez réellement pouvoir le battre sans moi ?

  La provocation sembla fonctionner. C’était pourtant pas le genre de la Genin, ni dans son intérêt. Kana s’agaça la première et fonça sur la Sabishii. Dozo estima qu’il valait mieux la protéger de Sarouh et s’interposa.

  • Mauvaise réponse, glissa l’illusionniste alors que ses clones se jetaient sur le puissant Genin.
  • La ferme.
  • Vous avez bien progressé, le nargua l’illusionniste. Vous êtes dans la même équipe désormais ?

  Le puissant géant ne lui répondit pas, se débattant contre les deux copies. Il était trop lent pour s’en débarrasser, mais il semblait ignorer les coups encaissés qui s’accumulaient. Kana glissa bientôt à ses côtés, repoussée par une frappe de Mey. C’était le duo qui était désormais encerclé. Un clone en moins à ses côtés, Sarouh avait désormais les informations dont il avait besoin.

  • Kana, grogna Dozo, alors qu’une nouvelle pause s’initiait dans le combat.
  • Je sais, répondit-elle en se redressant.
  • Quelle synergie, se moqua l’’illusionniste d’un grand sourire, en leur faisant signe de s’approcher.

  En composant des mudras le géant tapa le sol du pied. Trois impressionnantes roches en sortirent, avant de foncer vers lui. Il esquiva sans mal, mais son clone ne pu en dire autant. Kana avait profité de la diversion pour s’attaquer à son flanc. Il eut tout juste le temps nécessaire pour la bloquer. D’une rotation, il s’empara de son poignet et lui tordit avant de la tirer vers lui, pour lui mettre un puissant coup de boule qui la propulsa au sol.

  Il se retourna, prêt à voir le géant sur lui. Celui-ci était immobile, la lame de Mey sous la gorge. Sarouh envoya un kunai à côté de l’oreille de Kana, mettant fin à sa participation. Les actions de l’espionne manquaient de sens. Finir en duel contre lui n’était pas le scénario idéal.

  • On arrête là, ordonna Kurimi en tapant dans ses mains, à la grande surprise de Sarouh.
  • Pourquoi ? demanda Kana, agenouillée en se massant le front. Le gagnant n’est pas encore désigné.
  • Parce que ça ne l’amuse plus, grogna le Tsumyo.
  • Quelle vilaine image de moi. Qu’avez-vous retenu ?

  Les adolescents se réunirent, pantelants, autour de la Juunin. L’adolescent garda le silence, plus occupé à comprendre le comportement de Mey que d’établir un lien de groupe. C’était peine perdue, de toute façon.

  • Qu’est-ce que vous voulez qu’on dise, grogna Dozo. Nous sommes moins forts que la Sabishii, heureuse de votre démonstration ?

  Le ton venimeux du combattant surpris un instant Sarouh. Les paroles de Mey lui revinrent. L’illusionniste avait oublié, l’espace de l’affrontement, l’inimitié qui opposait les petites familles aux clans prestigieux. De la perspective des vaincus, ils n’avaient servi qu’à la mettre en valeur. Kurimi lui répondit doucement, d’une voix glaciale, en s'appesantissant sur nom :

  • Tu penses sérieusement que c’était l’objectif, Hiwari ?

  Il détourna le regard, alors que Kana claquait la langue, agacée. Mey conservait son impassibilité. La force de l’habitude comprit Sarouh. Il choisit de les libérer du silence menaçant de la Juunin :

  • Dozo a appris le Doton et se forme au Migite, là où Kana commence à prendre des habitudes du Neko. Ils sont en équipe en dehors de cette mission.
  • C’est tout ?
  • je doute que vous ayiez atteint votre objectif, répondit-il simplement.

  Kurimi le jaugea avec intensité pendant une seconde. La fatigue s’abattit sur le Tsumyo. Tout le monde était sur la défensive avec lui, comme s’il était pour quelque chose dans la formation de cette équipe. S’il y avait une responsable, c’était elle, inutile de lui mettre la pression ainsi.

  • Et toi ? Rien à ajouter ? demanda la trentenaire à l’héritière
  • Je ne suis pas douée en analyse. Je vous présente mes excuses.

  Mey se fendit même d’une salutation du buste. Si jusque-là Sarouh avait un doute, c’était désormais très clair : l’héritière se montrait ouvertement hostile envers le reste de sa petite équipe. Un tic agacé secoua les lèvres de Kurimi. Le comportement de la Sabishii ne collait pas à ce qu’elle avait imaginé, devina l’illusionniste. C’est Kana qui compléta l’interrogatoire :

  • Sarouh est devenu plus fort. Il n’a pas hésité à se cloner juste pour évaluer la situation. Au corps-à-corps également, il a progressé. Nous n’étions pas de taille même à deux. Et je pense qu’il s’entraîne régulièrement avec elle.
  • Très bien Kana, merci de ton analyse. Vous pensez réellement que c’est un problème de compétences individuelles ?
  • Vous m’avez ignorée, leur répondit Mey-Lynn, glaciale, persuadée que j’allais soit éliminer Sarouh immédiatement, soit attendre que vous vous épuisiez mutuellement.
  • C’était le comportement optimal, répondit la blonde, glaciale.
  • Vraiment ? siffla l’espionne. Est-ce que vous avez pris ce test au sérieux au moins ?

  Kurimi tapa dans ses mains, reprenant l’attention de tous. L’hostilité des jeunes femmes était contre-productive, et Dozo s’était muré dans le silence. Sarouh n’allait pas l’aider plus que ça.

  • Concentrez-vous sur l’aspect martial. C’est la coordination et la certitude de l’échec qui vous a miné. La tête froide, vous aviez les aptitudes pour dépasser Sarouh. Fin de la discussion. Rentrez chez vous. Départ dans deux heures. Mey-Lynn, deux minutes s’il te plait.

  Le Tsumyo jeta un regard d’incompréhension à l’héritière qui lui sourit douloureusement. Une discussion s’imposait. Pourtant c’est une autre main sur son épaule qui le surprit. Celle de Dozo :

  • Faut qu’on discute, tous les trois.

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