CH04
Le calme revenu dans le cockpit de l’Étoile Cendré avait quelque chose d’irréel. Après la traque, l’affrontement, l’adrénaline gelée dans les veines, Seth Karran s’était laissé retomber dans son fauteuil comme un vieux soldat désarmé. Il avait reverifié la stase de Finn — son souffle toujours suspendu dans un sommeil synthétique — puis fixé, un long moment, le halo noir de l’espace. Aucun triomphe. Juste une fatigue sourde, obstinée.
Le Frelon, arrimé en travers sur le dos du vaisseau comme une excroissance absurde, projetait encore son éclat rouge vif dans les senseurs externes. Une verrue coûteuse. Et inutile.
Un léger cliquetis se fit entendre dans l’habitacle, un signal discret. Charly s’invita dans le canal audio avec cette voix égale qui n’avait pas changé depuis le premier branchement.
— Transmission entrante. Priorité basse, mais insistance élevée. Milo. Tu veux que je l’envoie en différé ou on s’offre le spectacle maintenant ?
Seth grogna quelque chose d’inaudible. Charly interpréta correctement le silence.
L’intercom grésilla.
— Eh bien, Seth, toujours à courir après Finn-la-Poisse, hein ? lança la voix de Milo, goguenarde, saturée d’un plaisir malsain à délivrer de mauvaises nouvelles.
Seth n’eut même pas la force de soupirer.
— Mauvaise nouvelle pour toi : la prime a été réduite de moitié. Merci aux justiciers amateurs qui t’ont coupé l’herbe sous le pied. Et les affaires de Finn ? Démantelées. Les petits malins qu’il couvrait l’ont tous balancés pour réduire leur propre peine. Résultat : plus de réseau à démonter, plus de têtes à couper. Finn est devenu une queue de lézard sans corps. Et toi, tu ramènes un trophée déjà périmé.
— Donc, grogna-t-il, non seulement je me tape une chasse sur trois systèmes, mais en plus je touche des miettes parce que des gosses en armure veulent jouer aux héros.
— Tu as gagné un lot de consolation : on te laisse le Frelon. Bon état relatif. Peut-être que tu pourras le fondre en casseroles.
Milo avait ri. Et coupé la communication.
Un silence s’installa. Lourd. Seth resta là, la mâchoire contractée, les yeux rivés vers la verrue rouge vissée à son vaisseau.
— On a connu de meilleures nouvelles, commenta Charly.
Seth ne répondit pas immédiatement. Il tourna la tête vers la capsule de stase. Le visage de Finn, paisible dans le sommeil forcé, baignait dans une lumière pâle.
Il l’observa longuement. Non plus comme une cible, mais comme un gamin tombé trop tôt dans le grand théâtre des salopards. Un môme déguisé en truand, balancé dans un monde où les rôles étaient distribués sans audition.
— T’as joué à l’adulte, Finn. T’as cru qu’on pouvait négocier avec les grands pendant que t’apprenais encore les règles. T’as trahi les mauvaises personnes, ou peut-être les bonnes, mais trop tard. Et te voilà, là, congelé, comme un gamin puni qui comprend pas pourquoi ça brûle quand on touche au feu.
Il inspira doucement, son regard se perdant un instant.
— Peut-être qu’avec un peu de chance, ils te foutront dans un trou pas trop humide. Peut-être que tu comprendras un truc ou deux là-dedans. Mais bon... c’est plus mon problème.
— Note pour plus tard : ne jamais te demander une lettre de recommandation, intervint Charly, pince-sans-rire.
Seth esquissa un sourire bref. Sans joie.
— Avec ton ton monocorde et ton tact de scalpel, t’aurais fait une IA parfaite pour un mixer domestique. "Souhaitez-vous un smoothie avec vos désillusions ?"
— Je note la reconversion. Tu préfères blender ou hachoir à viande ? Je suis modulable.
Seth haussa un sourcil amusé, sans répondre.
— Allez, en route.
Il entra les coordonnées de Nova-8. Le vaisseau vibra,et l’espace se plia.
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