16 - Elférad : Je vais vraiment pas bien là

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-Ce doit être assez récent, vu que l'on vient de découvrir pour le poison. Hors, pour quelle raison serait-il venu te voir si vous avez rompu ? Surtout après la dispute que vous avez eu.

Elférad faisait de son mieux pour suivre ce qui était en train de se passer, mais sa vue était de nouveau floue et un garçon pleurait à son oreille. Ce doit être Matior. C'était un vrai pleurnicheur étant petit. C'est difficile de l'imaginer maintenant, mais...

-Elférad ?

-Oui ?

-Tu m'écoutes ?

Le jeune homme se concentra tant qu'il put :

-Tu peux me dire exactement, mot pour mot, ce que Gzadien a dit ?

Il ignorait où l'adolescent avait voulu en venir en révélant tout ça. Il devait savoir que Neghttris comprendrait qu'ils s'étaient parlés récemment. Ou bien, peut-être n'avait-il pas fait attention. Dans tout les cas, Elférad devait savoir s'ils stoppaient leur comédie. Neghttris fronça les sourcils, perplexe devant cette requête, mais s'exécuta sans trop d'efforts :

-Je ne crois pas que tu ais quelque chose à voir avec les notes, finalement. Même si tu avais agi en entente avec quelqu'un d'autre, tu n'aurais pas accepté d'empoisonner ton héritier d'or. Par contre, je suis désolé d'avoir rompu votre entente avec Elférad au point qu'il ait des doutes sur ton innocence. Alors, que je lui ai dit que je ne pensais pas que tu l'avais empoisonné. Je te jure. Tu peux lui dire ce que je viens de te dire, tu verras que je dis la vérité et qu'il ne te croira pas.

Elférad récupéra les éléments du code :

-Et ça, c'est après que tu lui ais dit qu'on tentait de le tuer.

-Ouais. Il n'avait pas l'air franchement surpris.

L'héritier d'or se glaça. Ils s'étaient séparés pour que Gzadien puisse enquêter sans apporter de tort à Elférad et son clan. Cela permettait aussi à celui-ci, de lever les soupçons sur Neghttris. Hors, maintenant qu'il y avait une réelle menace pour l'héritier d'argent, Elférad réalisait qu'il était déjà au courant. Il ne m'a rien dit, évidemment et je n'ai rien vu. Il se demanda depuis quand Gzadien avait senti sa vie réellement menacée. Il sentit les larmes lui monter aux yeux et cria de colère :

-Ah, ça suffit hein !

Neghttris sursauta :

-Ça va ?

Elférad se tourna vers la fenêtre :

-Il est venu me voir tout à l'heure... ou, c'était hier, je sais plus. Je suis sorti de la chambre pour aller vomir et il m'est tombé dessus dans le couloir.

Il revint à Neghttris :

-Je t'avoue que je n'ai pas tout suivi de ce qu'il m'a dit, mais je sais que j'ai répondu, à un moment, que tu pouvais bien ne pas avoir deviné que l'on m'empoisonnait.

Son ami réfléchit avant de demander :

-Pourquoi m'avoir raconté tout ça, à ton avis ? Il aurait pu se contenter de me dire qu'il ne me soupçonnait plus.

Elférad inspira :

-Parce que c'est un connard et qu'il espère sans doute augmenter la discorde entre nous tout en disant s'excuser de l'avoir provoquée.

Neghttris était choqué. Les gros mots n'étaient pas courant dans le langage de son ami, surtout pas pour parler d'une personne directement. Elférad continua :

-Tu sais, j'ai sérieusement repensé à ce que tu as dit et je crois que Gzadien est plus à même d'avoir fait les notes.

Son héritier d'argent s'assit et fit rouler sa chaise jusqu'à lui :

-Je ne crois pas qu'il ait voulu t'empoisonner non plus, tu sais.

(Pourquoi c'est bleu ?)

-Oui, mais réfléchi. Comment il a pu devenir héritier d'argent ? C'est sans doute une récompense pour un service à rendre. De plus, tu l'as fait remarquer toi-même, il n'avait aucune raison de te dire que j'avais des doutes sur ton innocence. Il cherche à foutre la merde. M'isoler pour mieux frapper, sans doute.

Neghttris n'en croyait pas ses oreilles :

-T'es sérieusement en train de supposer que Gzadien essaie de t'assassiner ?

Elférad ouvrit les mains en signe d'impuissance :

-Je n'en sais fichtrement rien, figure-toi.

L'héritier d'argent posa une main sur son front :

-T'as de la fièvre.

Elférad eut l'air blasé :

-Sérieusement ? C'est pas parce que j'ai du poison en moi que je délire tout le temps.

-Non, sérieusement, t'es en sueur et t'as de la fièvre.

-Ah.

Il ne se sentait pourtant pas plus mal que d'habitude. Sa migraine ne s'était pas dissipée, certes, mais au point où il en était, cela ne faisait pas une grosse différence.

-Vas au lit, je vais à l'hôpital, demander s'ils peuvent te donner quelque chose.

Ce n'est qu'en se levant qu'Elférad sentit la faiblesse dans ses jambes. Il alla se jeter sur son lit, sans se plaindre. Une fois seul, il repassa le code caché dans les paroles de Gzadien en espérant ne pas s'être trompé. Faut dire que je ne suis pas vraiment en état de jouer à ça. D'après ce qu'avait dit Neghttris, Gzadien avait répété deux fois le mot « entente » faisant référence à leur comédie. Seulement, il l'avait appelé Elférad au lieu d'Elf, par conséquent, ils continuaient à jouer la rupture. Le reste de son discours avait été clair. En faisant semblant de s'excuser tout en insistant sur le fait qu'il ne le croirait pas, il voulait prendre le blâme et écarter définitivement la menace d'Elférad et ses héritiers d'argent. Parce que mon empoisonnement lui a confirmé qu'on voulait s'attaquer à lui. Elférad ferait donc en sorte que ses amis ne veuillent plus s'approcher de Gzadien.

L'adolescent sursauta, les yeux fixant le plafond. Il s'est passé quoi là ? J'ai dormi ? Il regarda autour de lui, mais le temps ne semblait pas s'être particulièrement écoulé. Le jeune homme avait chaud. Il se redressa lentement pour retirer ses habits imbibés de sueur et se recoucha en caleçon. Là, je vais pas bien. Il voulut se rendre aux toilettes, mais se rappela avant de quitter le lit qu'il n'avait plus de salle de bain privée et qu'il devait sortir. Elférad s'invectiva d'avoir encore oublié ce détail, en jetant un regard à ses habits en tas par terre. Ça me saoule, je vais pas me rhabiller. Si ? L'héritier d'or se leva avec difficulté, s'accrocha à la penderie pour ne pas tomber avant de se tourner vers le lit de Neghttris. Il n'était pas là, il y a deux secondes ? Il essaya de se rappeler si son ami lui avait dit qu'il sortait, mais sans succès. Le garçon préféra plutôt chercher tee-shirt et pantalon pour sortir.

Elférad réussit à atteindre et revenir des toilettes en ayant l'air à peu près normal. Du moins, il lui sembla. Il s'écroula sur son lit alors que sa respiration devenait difficile. Je vais vraiment pas bien là. L'héritier d'or se mit sur le dos en espérant que cela irait mieux. Lorsque Neghttris rentra et le trouva ainsi, la respiration sifflante, son air furieux fut effacé par l'inquiétude. Il se précipita vers le lit :

-Elférad ? Qu'est-ce qui va pas ?

L'adolescent réussit à ricaner. Je commence par quoi ? Il réussit juste à articuler :

-Chaud.

Neghttris l'aida à se relever :

-Je vais te retirer tes vêtements.

Quelle bonne idée. Mais je ne l'avais pas déjà fait ? Elférad s'étonna de voir qu'il était effectivement vêtu. Quand il fut de nouveau en caleçon et que Neghttris le glissa sous les draps, il réussit à demander :

-T'étais où ? Tu me l'as dit ?

Son ami retrouva sa mine frustrée :

-J'étais à l'hôpital, mais ils disent que comme c'est un poison qu'ils ne connaissent pas bien, ils préfèrent ne rien donner. On doit juste attendre.

Une fois recouché, Elférad sentit de nouveau sa respiration se compliquer. Il n'arrivait plus à aspirer de l'air à plein poumon et ne pouvait qu'inspirer par à-coup. Neghttris se crispa :

-Non, mais ils vont pas me dire que c'est normal, ça.

Elférad voyait flou. Il lui sembla que l'héritier d'argent avait parlé, mais il n'avait pas saisi le sens de la phrase. Je crois que ça va mieux quand je me redresse. Elférad saisit l'oreiller, mais s'aperçut qu'il n'avait plus de force. Neghttris le vit faire et l'aida à se repositionner. Dès lors, l'adolescent respira plus facilement. On toqua à la porte et Neghttris alla ouvrir. Matior et Lyert entrèrent.

-Comment il va ?

Une grimace de Neghttris leur répondit. Lyert demanda :

-Il vaut peut-être mieux que l'on revienne plus tard, non ?

Elférad articula avec effort :

-J'irais pas mieux plus tard. Vous êtes là pour quoi ?

Les garçons entourèrent le lit et Lyert prit la parole :

-J'ai parlé à Qegh et on s'est dit que le mieux c'était que tu rencontres son héritière d'or pour éclaircir les choses.

Elférad hocha la tête :

-OK. C'était quoi le problème du coup ?

-Apparemment, on leur a dit que le clan Juéllit allait rompre son alliance avec le leur.

Matior ajouta :

-En plus, Qegh a cru qu'il était fiancé à quelqu'un d'autre.

Lyert corrigea :

-Je ne suis pas fiancé à Qegh non plus, je te signale.

Son ami eut un sourire moqueur :

-Mais non, mais non.

Lyert allait répliquer, mais Neghttris l'interrompit :

-Elle vient quand ?

Le jeune homme se tourna vers lui :

-Je n'ai pas fixé de date. Je voulais avoir l'avis d'Elférad d'abord.

Ils se tournèrent vers l'héritier d'or qui leur jeta un regard fiévreux :

-Vous vous attendez à ce que je prenne une décision là, maintenant ?

Ils haussèrent les épaules avant que Neghttris ne leur dise :

-On va peut-être voir comment il va demain.

Les deux autres acquiescèrent avant de quitter la chambre :

-Courage Elférad. On se voit demain.

Celui-ci sombra soudain. Quand il se réveilla, il faisait nuit et la douleur sur ses yeux lui arracha un cri. Cela en réveilla une autre qui traversa sa colonne vertébrale. Un nouveau cri. Neghttris apparut à son côté, paniqué :

-Qu'est-ce qu'il se passe ? Merde, qu'est-ce qu'il se passe ?

Elférad voulait répondre, mais il dut serrer les dents quand une nouvelle vague de douleur le traversa. Des larmes lui montèrent aux yeux. Son corps se cambra, se crispa, trembla sans qu'il ne puisse contrôler quoique ce soit. Agité dans tous les sens, il garda le regard fixé sur le plafond en priant pour que cela se termine bientôt. Complètement désemparé, Neghttris ne cessait de demander ce qu'il devait faire, sans oser toucher son ami. La crise dura deux bonnes minutes avant que l'héritier d'or ne s'écroule, inconscient. Les yeux plein de larmes d'angoisse, Neghttris le redressa un peu sur son oreiller pour faciliter sa respiration qui redevenait saccadée. Il resta près de lui un bon moment, à attendre de voir si cela allait recommencer avant de retourner se coucher.

Le lendemain, Elférad sentit une main fraîche sur son front et ouvrit les yeux. Il fut étonné de voir Hiloy assise près de son lit. Neghttris s'approcha dès qu'il vit son ami se réveiller :

-Elférad ? Ça va ?

Le garçon eut un sourire :

-J'ai dormi, je crois.

L'héritier d'argent hocha la tête, visiblement soulagé :

-Oui, c'est vrai.

Elférad posa le regard sur Hiloy :

-Pourquoi tu es là ?

Neghttris intervint avant que la Cinquième n'ouvre la bouche :

-Je lui ai demandé de venir. Juste pour voir s'il n'y avait rien qui cloche.

Matior apparut dans son champ de vision :

-Tu as eu une crise cette nuit, apparemment. Neghttris a eu la trouille.

Elférad essaya de s'en souvenir, mais il se rappelait même pas que Matior et Lyert aient quitté la chambre. Comme pour s'excuser, Neghttris ajouta :

-J'ai demandé à Hiloy de venir, au cas où. Je me suis dit qu'iel s'y connaissait un peu mieux...

Ils tournèrent des regards curieux et inquiets dans sa direction. La Cinquième tint à prévenir :

-Je veux d'abord dire que je ne sais que ce que l'on m'a enseigné, des choses qui viennent de témoignage. Je n'ai jamais vu les étapes d'une guérison...

Elférad la coupa :

-J'ai beaucoup dormi.

Il interrogea Neghttris du regard, soudain incertain de ce qu'il disait. Son ami acquiesça :

-Oui, mis à part la crise, il a dormi toute la nuit. Ça, c'est une bonne nouvelle, non ?

Hiloy hocha la tête :

-Oui et la crise, comme tu dis, est normale aussi.

L'héritier d'or demanda :

-Je dois m'attendre à quoi exactement ? Mis à part ce que m'a dit le médecin ?

La Cinquième énuméra en comptant sur ses doigts :

-Hallucinations auditives, trouble de la vision, perte de mémoire...

L'adolescent étendit le bras pour poser la main sur celle de Hiloy :

-Ça, je sais. Quoi d'autre ?

Elle reprit :

-Encore, d'après les témoignages recueillis, ça peut être totalement différent pour toi.

-OK, OK. La suite.

-Pour certains, le sommeil met plus de temps à revenir. Tu pourrais avoir des douleurs dans les os. Des crispations subites et incontrôlables des muscles. Des difficultés à respirer, à parler. Des pertes de force ou des phases d'activité intense. Des tremblements, des crises de larme...

Matior se racla la gorge :

-Désolé, mais, il y a une fin ?

L'adolescente grimaça un sourire :

-Et je ne vous dis que ce dont je me souviens.

Elférad eut un rire brisé :

-La bonne nouvelle, c'est que je pourrais écrire un témoignage dont on pourra être sûr.

Neghttris poursuivit :

-C'est sûr. Je devrais me mettre à prendre des notes.

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