17 - Elferad : Je suis peut-être un peu agité
Lyert s'inquiéta :
-Je ne veux pas paraître pessimiste, mais ça a l'air douloureux. Il n'y a pas quelque chose pour que ça se passe plus doucement ?
La Cinquième secoua la tête :
-Non. C'est risqué. En fait, il semblerait que chaque fois que l'on a tenté de donner un médicament pour aider à la guérison, cela n'a fait qu'aggraver la situation.
Elférad soupira tandis que la migraine revenait au grand galop :
-Et la fièvre ?
Il avait une vision encore assez claire pour voir la jeune fille froncer le nez :
-Si tu as de la chance, ça s'arrête là. Sinon, elle peut revenir et tu risques d'avoir aussi des hallucinations visuelles.
Il y eut un silence qu'Hiloy finit par rompre :
-Je suis désolé de n'avoir rien de mieux à annoncer.
Elférad voulut dire quelque chose, mais sa gorge se serra et il y renonça. Quand il rouvrit les yeux, la pièce était vide. Je me suis endormi ? Il soupira encore. S'endormir comme ça, d'une certaine manière, était plus fatiguant que de ne pas dormir du tout. L'adolescent n'arrivait pas à savoir si Hiloy était venue la veille ou le jour-même. A cet instant, il réalisa qu'il se sentait mieux. Elférad se leva donc, tout joyeux. A peine debout, les os de ses pieds semblèrent imploser. Le garçon grimaça en chutant en arrière, son crâne frappant violemment contre le mur. Les mains pressées contre sa tête, il se recroquevilla sur le lit en geignant :
-J'en ai marre. J'en ai marre. J'en ai marre...
-Elférad ? Qu'est-ce qu'il y a ?
Il se tourna pour apercevoir Neghttris :
-Ramène Reni.
Son ami dû prendre une seconde pour comprendre ce qu'on lui disait :
-L'héritière d'or de Qegh ?
Elférad se rassit :
-Oui ! Maintenant ! Tant que j'arrive à me souvenir que deux et deux font cinq.
-Quatre.
-Prouve-le.
Neghttris le fixait sans savoir s'il plaisantait ou s'il avait perdu l'esprit :
-Deux et deux font quatre. C'est comme ça.
Elférad secoua la tête :
-Qui l'a décidé ?
-Je sais pas. C'est comme ça.
L'héritier d'or fronça les sourcils :
-C'est quoi le rapport avec Redi ?
Neghttris tentait de suivre :
-Aucun, je pense. C'est toi qui a dit deux et deux font cinq.
-Non, ça fait quatre.
L'héritier d'argent considéra son ami avant de répondre avec précaution :
-En effet.
Elférad se leva, ouvrit son armoire, balançant ses vêtements les uns après les autres. Neghttris commença à s'inquiéter de nouveau :
-T'es sûr que ça va ?
L'adolescent s'arrêta soudainement pour lui faire face :
-Je crois que j'ai eu mal aux pieds... il n'y a pas longtemps.
Neghttris hocha doucement la tête :
-D'ac...cord.
Elférad sourit puis retourna à ses vêtements. L'héritier d'argent tenta :
-Je crois que l'on devrait attendre que tu sois complètement remis avant d'aller parler à Reni.
-Je suis remis. Je pensais que ça prendrait plus de temps.
Il extirpa un pantalon et une chemise. Neghttris lui fit doucement remarquer :
-Tu ne voudrais pas prendre une douche d'abord ?
Elférad se dirigea vers le mur avant de s'arrêter :
-Pas de douche ici, pas de douche ici.
Il alla vers la porte et Neghttris l'arrêta de nouveau :
-Tu vas sortir en caleçon ?
Sans répondre, l'héritier d'or ouvrait déjà la porte, mais son ami la referma d'autorité :
-Je pense que tu devrais te recoucher.
Elférad le dévisagea :
-Tu es allé chercher Reni ? On est quel jour ?
Neghttris parla doucement :
-Je crois que tu as une autre crise.
-J'ai pas mal.
-Pas le même genre, mais quand même.
Elférad ne comprenait pas le problème. Il ne s'était jamais senti aussi bien.
-Fais venir Redi. Il faut que l'on règle ce problème de suite. Je vais m'habiller pour être présentable.
Neghttris n'était pas rassuré :
-On devrait...
-Non. Maintenant. On ne peut pas laisser traîner.
L'héritier d'argent rechignait, mais Elférad ajouta :
-Sinon, je peux allez la voir, moi. Je t'assomme et je passe.
Neghttris le connaissait assez pour savoir qu'il en était capable. Il se souvenait qu'il avait mis Matior KO à l'école parce qu'il avait refusé de prêter un livre à Gzadien. Ne voyant pas d'autre moyen de se sortir de cette situation, l'héritier d'argent dit :
-D'accord. Tu restes là, je vais la chercher.
Elférad retourna sagement au centre de la chambre, le laissant sortir tranquillement. A peine la porte fermée, il s'habilla, secoua la tête, se déshabilla, fit trois pas, changea de tenue, repartit, rangea les vêtements en vrac dans l'armoire, avant de choisir d'autres habits. Bon, à bien y réfléchir... je suis peut-être un peu agité.
Il alla s'asseoir sur son lit, se rongeant les ongles et se balançant pour se retenir de se balader dans la chambre. Le jeune homme finit par craquer. C'est pas bon. Si je me disperse comme ça, Reni va dire que je suis taré. Il se figea. Est-ce que Hiloy va dire que je suis taré ? Neghttris revint :
-C'est bon. Elle arrive.
Elférad fit volte-face :
-Qui ?
Son ami pâlit :
-Je peux encore lui dire de repartir, ce serait...
L'héritier d'or s'exclama :
-Hiloy ! Non, Reni ! Ça va aller.
-Pas sûr. Au moins, t'es habillé.
Elférad s'assit à son bureau.
-Qu'est-ce que tu fais ?
-Je note ce que je dois dire, au cas où je me disperse.
Neghttris approuva :
-C'est une bonne idée, mais elle arrive.
On toqua. Elférad resta concentré sur sa feuille. L'héritier d'argent soupira en ouvrant la porte. Matior et Lyert précédèrent Reni et Qegh.
-Elférad ? Neghttris me dit que tu voulais que l'on parle.
L'héritier d'or fit tourner sa chaise, ouvrit la bouche, la referma. Non, il faut que tu te calmes. Si tu dis n'importe quoi, c'est foutu.
-On a entendu que vous aviez eu une preuve de rupture entre nos clans.
Doucement, c'est bien. C'est elle qui avait une histoire de rupture entre nos deux clans ? Reni le dévisagea :
-Il y a ton blason sur la feuille que l'on nous a montré.
Elférad se retint de parler de suite, essayant d'abord de se rappeler de quelle feuille elle parlait. Il jeta un regard suppliant à Neghttris qui intervint :
-Nous pensons que c'est un faux. Vous n'êtes pas les seules à avoir eu une preuve du genre.
Reni s'étonna que l'héritier d'or laisse ainsi celui d'argent reprendre la discussion. Elle ne fit aucun commentaire et se tourna vers Neghttris :
-Avez-vous une preuve de ce que vous dites ?
Matior répliqua :
-Et vous ?
Elférad s'était détourné pour jeter un coup d'œil à sa feuille. Les phrases qu'il y avait écrite lui parurent être un charabia incompréhensible. Un mot lui sauta aux yeux et lui rappela quelque chose, aussi, il s'exclama soudain :
-Mariage !
Il fit pivoter son siège vers le groupe avec une certaine fierté. Tous le dévisageait avec incompréhension et inquiétude. Elférad se rendit compte de ce qu'il venait de faire et ajouta lentement :
-Pas... de mariage.
Un regard vers Neghttris pour qu'il prenne la relève :
-Oui, je ne sais pas où vous avez entendu ça, mais Lyert n'est fiancé à personne.
Tandis qu'il écoutait son ami qui tentait de convaincre la jeune fille, l'héritier d'or se sentit saisi d'une immense fatigue. Pourquoi Neghttris les a-t-il fait venir ? Il sait bien que ce n'est pas prudent vu mon état. Il grimaça en se disant qu'il oubliait quelque chose, quelque chose, justement, lié à son ami. Quand l'adolescent fit mine de vouloir se lever, Lyert se précipita. Elférad s'appuya sur son épaule en lui murmurant à l'oreille :
-Fais les partir.
L'héritier d'agent hocha la tête :
-Je suis désolé, mais je pense que l'on devra remettre cette discussion à plus tard, finalement.
Reni était vraiment étonnée du comportement des garçons. Cependant, alors qu'elle croisait de nouveau le regard d'Elférad, elle devina :
-Il n'a pas l'air bien. Il est malade ?
Neghttris en profita :
-Oui, je suis désolé. Il voulait régler vos différents au plus vite, mais je crois que cela lui a fait plus de mal que de bien.
Le jeune homme pria pour qu'elle ne se sente pas offensée d'être ainsi appelée, puis jetée, mais l'adolescente se dirigea vers la sortie :
-Dites-moi quand il ira mieux que l'on finisse cette discussion. Si cela peut vous consoler, sachez que je suspends le changement de classe de Qegh. De toute évidence, Lyert l'a déjà convaincu, elle.
Reni embrassa une dernière fois la pièce du regard avant de refermer la porte. Elférad se souvint alors que Neghttris avait insisté pour qu'il ne reçoive pas les filles maintenant. Il grogna de frustration :
-C'était ça !
Ses trois amis l'interrogèrent du regard, mais il répondit en secouant la tête :
-Faut que je dorme. J'ai un énorme coup de barre d'un coup.
Lyert l'aida à aller se coucher. L'héritier d'or fut soulagé de voir que même à plat sur son lit, il pouvait respirer normalement. Il se mit sur le dos pour demander :
-Est-ce que j'ai mangé ?
Neghttris retrouva le sourire :
-Je vais te chercher un truc.
Il sortit, le laissant avec Lyert et Matior.
-Comment se passent vos entraînements pour le tournoi des foulards ? Il n'est pas passé, si ?
Matior sauta sur le lit :
-Pas encore. Mais j'ai une question.
Lyert lâcha avec fermeté :
-Matior, non.
Celui-ci l'ignora, les yeux fixés sur son héritier d'or :
-Comment ça se fait que tu sois dans la même équipe que Neghttris ? Il y a un problème que l'on ignore ?
Elférad était de nouveau lucide et ne voyait pas pourquoi cacher les événements aux deux garçons. La seule raison pour laquelle ils n'étaient pas encore au courant, c'était parce qu'il n'avait pas eu le temps de leur expliquer, d'abord, puis, les choses s'étant bousculées, il avait fini par oublier. Lyert jeta un regard de reproche à Matior :
-Tu pourras nous parler plus tard, si t'es trop fatigué pour l'instant.
L'héritier d'or s'appuya sur un coude :
-Non, c'est bon.
Il raconta comment, à cause de Gzadien, il avait soupçonné que Neghttris avait été menacé pour livrer les notes. Matior l'interrompit pour s'exclamer :
-Tu crois que c'est lui qui a fait ça ?
-Alors, non, maintenant, ça a évolué.
Lyert interrogea :
-Dans quel sens ?
Elférad raconta comment Neghttris avait renvoyé les accusations contre Gzadien et comment celui-ci, après avoir eu connaissance du poison, avait retiré les siennes. Matior était perdu :
-Je ne suis plus là. C'est qui qu'on accuse, alors ?
L'héritier d'or répondit :
-Quelqu'un qui veut assassiner Gzadien. Donc, ça ne nous regarde plus.
Lyert s'étonna :
-Ah bon ?
-Les lettres lui étaient adressées après tout. Je ne vois pas pourquoi on continuerait à s'en mêler, surtout qu'on a assez de problème en ce moment.
Matior devint soupçonneux :
-Tu ne vas pas aider Gzadien ?
Elférad le fixa avec le regard le plus courroucé qu'il put :
-Il m'a largué, je te signale. Je ne vois pas en quoi ses affaires me regarde.
Lyert dit doucement :
-Ouais, mais quand même, de là à le laisser crever.
L'héritier d'or se laissa retomber sur son oreiller :
-Il sait que sa vie est en danger. A partir de là, on ne peut pas faire grand chose de plus.
Lyert répéta :
-Ouais, mais quand même...
Elférad ferma les yeux pour leur faire comprendre que la discussion était terminée :
-Oh, t'as qu'à faire ce que tu veux. Moi, je m'en fous.
Il rouvrit les yeux en les entendant sortir. Son corps commença à trembler et il serra les dents pour ne pas finir par se mordre la langue.

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