Chapitre 3
Quand je me réveille, la première chose que je sens sont les cheveux de Zed contre mes lèvres. Nous avons dû bouger dans notre sommeil, car c’est à présent lui qui se trouve dans mes bras.
Et il est à moitié nu bordel !
Nate a l’habitude de dire que je suis une bouillote humaine. Il faut croire qu’il n’est pas le seul à être de cet avis. J’imagine déjà Zed s’extirpant du lit pour enlever l’épaisseur de son t-shirt puis pesant le pour et le contre de me laisser pour retourner dans l'autre chambre.
Apparemment, il a décidé de rester. Cette idée me fait sourire. Il a été tellement gentil et prévenant avec moi la nuit dernière. Je ne sais pas si j’aurais été capable de dormir s’il n’avait pas été là.
Quelques rayons de soleil filtrent sous les rideaux et viennent éclairer son visage. Je me tords le cou pour le regarder.
Il a l’air tellement innocent.
Sa tête est calée entre mon cou et ma poitrine. Il dort paisiblement.
Il est beau à tomber. Il porte les stigmates de son passage en Crète et arbore un bronzage sexy à souhait. Je soupire. Zed sera probablement mon plus grand péché à vie.
Mais en le voyant comme ça si vulnérable, je n’éprouve que de la tendresse. Toute la reconnaissance et l’affection que j’éprouve pour lui remontent d’un coup. Ce jeune homme emplit de tristesse a su éloigner la mienne le temps de quelques heures. Sans réfléchir, je le serre fort contre moi et embrasse le sommet de son crâne.
Merci d’avoir été là pour moi.
Il remue sous moi.
Merde, mais quelle idiote ! Tu vas encore le réveiller !
Je me fige, les mains toujours dans ses cheveux. Zed referme son bras dans mon dos et se blottit encore plus contre moi.
- Je ne sais pas quelle heure il est, mais je suis sûr qu’il est trop tôt pour se lever, marmonne-t-il dans mes seins.
- Euh… Je ne sais pas l’heure qu’il est. Je pense que j’ai fini ma nuit, mais si tu veux dormir, je peux te laisser le lit, je bredouille.
Zed se tortille entre mes bras puis se dégage.
- Non, non, je vais sûrement me lever aussi, dit-il en se redressant sur un coude. Enfin… D’ici quelques minutes, reprend-il en se laissant retomber doucement sur le lit.
Son visage est à hauteur du mien. Très près du mien.
- Euh… Ça a été ta nuit ? je lui demande pour dissimuler ma gêne.
- Ouais… ça aurait probablement été mieux si tu ne t’étais pas mise complètement en travers du lit durant la nuit, me taquine-t-il.
Je soupire intérieurement. Le côté « lui et moi dans un lit au réveil » n’est pas aussi gênant que je l’avais craint. Pour une fois, il me sourit. Un vrai sourire. Il est toujours sérieux, derrière son masque de désinvolture et d’indifférence. Lorsqu’il sourit, cela ne contamine jamais totalement ses yeux. Mais ce matin c’est son vrai visage qu’il me montre. Trop heureuse de le voir s’ouvrir, je décide de rentrer dans son jeu.
- Quoi ? Moi ? Attend, qui m'écrasait il y a encore deux minutes ? je plaisante à mon tour.
- Moi ? objecte-t-il faussement blessé, une main sur le cœur. Je ne me permettrais pas.
- Oooh mais si monsieur. C’est tout à fait ton genre. Et tu as de la chance que je n’ai pas profité de ta faiblesse pour t’embêter au passage.
Je le chambre et le chatouille pour appuyer mon propos. Il se recroqueville et tente de bloquer mes mains sans succès.
- Si tu lances les hostilités, je vais répondre !
Alors que je poursuis mes assauts, il s’empare de mes poignets d’une seule main.
- Qui te dit que je vais me laisser faire ? je plaisante. Mes mains sont presque contre toi, j’ai totalement moyen de te chatouiller encore. Et comme tu n’oseras pas me serrer trop fort de peur de me faire mal, je serai toujours en position de force.
- Ah oui ?
Son mouvement suivant me surprend au plus haut point. Tout en me maintenant les poignets, il nous fait basculer adroitement. Le voilà désormais au-dessus de moi, entre mes jambes, en appui sur un coude, maintenant mes bras au-dessus de ma tête.
- Et maintenant, qui est en position de force ?
Putain de merde !
Mon t-shirt s’est retrouvé un peu relevé par le mouvement, dévoilant mon ventre et le renflement de mes seins.
- Tu ne peux plus m’échapper, murmure-t-il en me regardant droit dans les yeux.
C’est… incroyablement chaud ! Il est incroyablement chaud.
Le contact interdit de son souffle sur mes lèvres détraque mon coeur. Le poids de son corps contre le mien est une délicieuse torture. Sa proximité fait exploser mes perceptions, comme si mes sens étaient décuplés. La chaleur de sa peau contre la mienne et celle de son sexe dur contre le mien, son parfum qui emplit l’air… Ce flot de sensations, mêlées d'émotions, me fait tourner la tête.
Je suis surprise de ma propre audace quand je ressers mes jambes autour de lui et que je m’entends dire :
- Je n'ai aucune envie de t'échapper. C'est toi qui me fuis. Pourquoi tu tiens tant à rester hors de portée ?
Zed écarquille les yeux face à mon affirmation. Un éclair de lucidité et de panique traverse ses iris dorés. Il me lâche aussitôt et se redresse précipitamment.
- Je… je…, balbutie-t-il. Je vais… prendre une douche, souffle-t-il, avant de quitter la pièce sans même m’adresser un regard.
Quelques secondes plus tard, j’entends l’eau de la douche couler et me décide enfin à sortir du lit à mon tour.
Mais qu’est-ce qui m’a pris ? Qu’est-ce qu’il vient de se passer ?
Je m'habille mécaniquement, essayant de comprendre ce qui a bien pu me passer par la tête. Je m’oblige à rassembler mes idées avant de sortir de la chambre, mais tout reste flou, confus. Arrivée dans la cuisine, je jette un coup d’œil à l’horloge. Un peu plus de midi.
Je ne sais pas trop quand mes beaux-parents vont arriver alors je me lance dans l’élaboration d’un petit déjeuner frugal en attendant que Zed sorte de la salle de bain. Cela me permet de refaire le cours des évènements, de réfléchir à comment aborder ce qu’il s’est passé.
Lorsque Zed entre dans la cuisine, il semble surpris de m’y trouver. L’espace qui nous sépare est minime, à peine une longueur de bras. Une distance infime et immense à la fois.
Ses cheveux sont encore mouillés de sa douche et il ne porte qu’un pantalon. J’ai dit qu’il était beau à tomber ? Je ne peux m’empêcher de scruter son corps : de larges épaules, des pectoraux finement dessinés, une peau hâlée par le soleil, des lèvres presque trop pulpeuse pour un homme. Je me rappelle alors notre réveil côte à côte, de son corps contre le mien…
Son regard croise le mien, un courant invisible passe entre nous et mon ventre se contracte. Je lâche malgré moi un petit gémissement. Je pense qu’il n’a pas échappé à Zed car ses yeux brillent d’une intensité que je ne lui avait jamais vu. Il me regarde comme je le regardais quelques secondes plus tôt : une friandise.
Il fait un pas dans ma direction, réduisant quasi à néant l’espace qui nous séparait. Il prend mon visage dans l’une de ses mains et soupire. J’en fais tout autant en pressant ma joue contre sa paume.
Ses mains sont douces, son odeur m’enivre, et tout comme ce matin, mon corps semble agir de lui-même. J’esquisse un mouvement vers lui…
- C’EST NOUS !
Sauvée par le gong. Mes beaux-parents et mon fiancé viennent d’ouvrir la porte de l’entrée. Je tourne la tête vers eux et m’écarte de Zed.
- Tu peux venir nous donner un coup de main ? crie ma belle-mère.
Je me dirige précipitamment vers la porte d’entrée. Sur le trajet, je me mets des gifles mentalement.
Je ne peux pas lui résister. Pourquoi est-ce qu’il me fait ça ?
- On en a profité pour faire les courses, me précise-t-elle. Tu veux bien ranger ça dans le frigo et mettre de l’eau à chauffer ? On va bientôt manger.
J’opine, l’esprit encore embrouillé et confus, puis retourne dans la cuisine, talonnée par ma belle-mère. Nous y retrouvons Zed, à présent habillé. Sa joie de retrouver son fils est palpable avec ses embrassades, touchante de part ses intonations, adorable en tout point. Le genre d’attentions à la fois banales et chaleureuses, qu’on est en droit d’attendre d’une mère et que j’aurais aimé recevoir de la mienne. Nate et son père nous rejoignent rapidement. La complicité du père dans la présence surprise de Zed est révélée. Tout le monde semble de bonne humeur. Je me sens presque étrangère à ce moment normal, et comme si je me voyais dans un miroir, un regard vers Zed m’indique qu’il joue, lui aussi, la comédie.
Le déjeuner se déroule dans une sorte de routine familière. Zed semble enjoué et nous raconte son travail en Grèce. Moi seule sait qu’il reste perturbé : une imperceptible contraction de la mâchoire, des intonations légèrement trop marquées... Je suis tout aussi troublée que lui. Bien que je lutte, mon esprit vagabonde sur notre épisode de ce matin. Je rêve éveillée de mes mains se promenant sur son corps, des siennes sur le mien. De toutes les choses délicieuses que je ne peux lui permettre de me faire dans la réalité. De toutes celles que j’aimerais lui faire.
- Maud ? m’appelle Nate.
Honteuse, je sors de ma rêverie.
- Oui ?
- Tu as bientôt fini ? Il va falloir qu’on y aille, me dit-il inconscient de se qui se joue autour de la table et dans ma tête.
- Vous allez où ? s’enquiert Zed.
- On a peut-être trouvé un traiteur pour le mariage. On va voir ce qu’il nous propose.
- Oh. Ok.
Zed se rembrunit aussitôt. Mon fiancé ne semble pas s’en apercevoir.
- Hey, Ceddy, toi qui t'y connais un peu en cuisine et vu que tu es là, tu peux peut-être venir avec nous ? lui propose-t-il.
Zed me regarde intensément.
- Il vaut mieux que je vous laisse tous les deux. J’ai pas vraiment mon mot à dire.
Il est calme, mais je sens une fissure dans son blindage. J’entends toute l’amertume dans sa voix et savoir que j’en porte certainement une part de responsabilité me blesse profondément. Nate, lui, ne remarque rien et hausse les épaules avant de se retourner vers moi.
- Du coup, dès que tu as fini on y va.
- Ok, bah je mets un pantalon et je suis prête alors, dis-je en me levant.
Je sens le regard de Zed me transpercer alors que nous quittons la pièce.
J’avais dit que notre prochaine entrevue serait tendue. Parfois, avoir raison est une vraie calamité.
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