Chapitre 5 - Partie 3
Nous restons ainsi dans les bras l’un de l’autre pendant quelques minutes, le silence entre nous étant aussi confortable que notre étreinte.
- Et si je te lavais, toi aussi ? me demande Zed.
- Moui, ça pourrait être utile, je réponds en levant les yeux vers lui.
Toujours souriant, Zed tend un bras vers le savon. Je ne crois pas l’avoir déjà vu sourire aussi longtemps.
- Tu préfères ça plutôt que le gel douche, pas vrai ?
J’acquiesce, une moue espiègle sur les lèvres. Il me colle contre lui et commence à me frotter le dos avec le savon, mais aussi avec ses mains, comme une caresse subtile.
- Je ne promets pas de ne pas avoir les mains baladeuses, rigole-t-il.
- Je ne suis pas contre, je réplique en riant à mon tour.
Ses mains glissent sur mon dos, douces et fermes. Ses gestes sont à la fois doux et assurés, comme s’il connaissait chaque courbe de mon corps. Quand il atteint le creux de mes reins, il m’embrasse dans le cou avant de glisser ses mains, à la fois respectueuses et insistantes, sur mes fesses. Il les frotte doucement, avec une attention particulière, chaque mouvement me faisant frissonner. Puis, il se faufile dans ma raie et me savonne avec une délicatesse infinie. Ses gestes sont empreints d’une sensualité calme, presque méditative.
Il descend ensuite le long de mes jambes jusqu’à mes pieds avant de remonter le long de mes cuisses, avec la même application, son regard toujours ancré dans le mien. Plus encore que ses mains, ses yeux me captivent. Noisette, or et ambre. Des couleurs chaudes comme lui. Comme sa lumière, celle qu’il ne voit pas mais qui est bien là. Cette lumière qui fait écho à la mienne. Il est mon double. Mon miroir. Mon esprit divague alors que je suis perdue dans ses iris, transportée par la sensation de ses doigts contre ma peau, par l’évidence de notre cohésion.
Il nous fait à nouveau échanger nos places. Adossée au mur, je sens ses mains contre mon ventre. Ses doigts se promènent le long de mes bras avant de se refermer doucement sur mes seins. Ses caresses sont tellement intimes, tellement tendres… Il y a tant de respect dans sa manière de me toucher que je n’arrive pas à déterminer si ses caresses sont sensuelles ou chastes. Dans tous les cas, elles me font tourner la tête. Fermant les yeux, je m’accroche à lui pour ne pas perdre pied, le laissant me laver et découvrir mon corps à son tour.
- Je ne me lasserai jamais de tes mains sur moi, je souffle.
- Il faudra bien sortir à un moment pourtant, plaisante-t-il.
Je le sens ensuite passer le jet d’eau sur mon corps. Une fois rincée, Zed dépose un petit baiser sur mes lèvres avant de sortir de la douche. Je reste sous l’eau quelques secondes de plus, la chaleur m’enveloppant comme une couverture protectrice. Au fond de moi, une petite voix me nargue que c’est trop beau pour être vrai.
Lorsque je sors à mon tour, Zed m’attend, une serviette enroulée autour de sa taille, une autre tendue entre les bras, comme une nouvelle invitation. Malgré tout ce qui s’est passé ces dernières heures, je ne peux empêcher mon cœur de battre la chamade. Je serre mes bras autour de moi, cherchant à garder un peu de la chaleur de la douche, avant de me glisser contre lui, et qu’il referme la serviette sur moi.
- Tu as pris tes affaires ? me demande-t-il en me frictionnant.
Blottie contre lui, j’acquiesce.
- Les miennes sont restées dans ma valise, dans la chambre de Tom. Je vais les chercher et j’arrive.
Il s’écarte de moi en déposant un baiser sur mon front. Lorsqu’il ouvre la porte, le changement brutal de température me fait frissonner. Je ne le quitte pas des yeux, soudain prise de l'envie de ne jamais quitter cette pièce. Ce cocon chaud et doux, rien que pour nous deux. Son regard croise le mien, intense, avant qu’il ne me murmure :
- Je reviens vite.
Il s’éloigne doucement et referme la porte derrière lui.
J’attache la serviette autour de ma poitrine et attrape ma brosse à cheveux. Je me sèche, enfile mes sous-vêtements et commence à me coiffer silencieusement. Mes pensées dérivent, revisitant chaque instant de cette journée, chaque minute de cet après-midi, chaque seconde de cette douche.
Les lèvres de Zed sont exactement telles que je les imaginais. Pleines, douces, chaudes. Le souvenir de ses baisers fait s’emballer mon cœur. Ses mains, si avides et tendres à la fois, me hantent encore, éveillant un tourbillon de sensations au creux de mon ventre. Le rouge me monte aux joues lorsque je me rappelle mon audace et le plaisir que j’ai eu à le goûter.
Mes propres réactions me tirent un rire nerveux. Jamais je ne pourrais me lasser de lui : il suffit d’une pensée fugace pour que tout mon être s’embrase à nouveau.
Je finis de me coiffer lorsque j’entends Zed toquer à la porte.
- Entre ! Tu ne verras rien que tu n’aies déjà vu ! lui dis-je malicieusement.
- C’est sûr mais je ne tiens pas particulièrement à en faire profiter tout le monde, me répond une voix autre que celle de mon amant.
Je me retourne brusquement.
Nate. Le choc me glace sur place.
Oh merde.
Tellement absorbée dans mon émerveillement, j’en ai oublié où j’étais. Qui j’étais. Mon fiancé me regarde, la tête passée dans l’entrebâillement de la porte.
- Tu as fini de te laver ? me demande-t-il.
- Oui, je souffle, encore interloquée. J’allais m’habiller.
- Parfait.
Il entre dans la pièce, me prend doucement par les épaules et dépose un baiser chaste sur mes lèvres.
Non !
Mon corps hurle en silence, perdu dans une contradiction absurde. Je l’aime. Je vais l’épouser dans quelques mois. Mon âme le réclame, mon cœur le réclame, mon corps le réclame. Malgré tout, quelque chose en moi se crispe, révolté de ce baiser, incapable d’oublier d’autres lèvres, d’autres mains, un autre souffle.
Je suis un monstre.
Le besoin de le serrer contre moi et celui de le repousser s’entrechoquent violemment.
Totalement inconscient de ma détresse émotionnelle, Nate me regarde avec bienveillance et tendresse.
- Je t’attends dans la chambre, me dit-il.
- D’accord, je souffle, la gorge nouée.
Il referme délicatement la porte derrière lui et me laisse seule dans la chaleur soudain étouffante de salle de bain. Mon reflet dans le miroir me renvoie une image que je ne reconnais plus : des joues rouges, des yeux brillants et perdus, des lèvres légèrement tremblantes.
Nom de Dieu… Qu’est-ce que je fais ?
Je me force à bouger. J’attrape ma robe, mais mes doigts glissent maladroitement sur le tissu, comme s’ils refusaient de collaborer. Mon regard se pose sur ma trousse à maquillage, abandonnée sur le rebord de l’évier. C’est l’anniversaire de ma belle-mère en devenir, et Nate m’a dit que ça leur ferait plaisir si je faisais un effort. Le souci étant que je n'ai pas l'habitude de me maquiller. Ça me semble tellement artificiel, que rien que l’idée de cet "effort" m’épuise d’avance. Je range la trousse et le reste de mes affaires avec un soupir d’agacement.
Je suis suffisamment perdue sans avoir à me faire passer pour ce que je ne suis pas.
Dès que j’attrape la poignée, elle s’ouvre brusquement, et je me fige instantanément. Zed est là, à quelques centimètres à peine, son regard planté dans le mien. Il porte un jean noir, fidèle à son style habituel. Par-dessus, une chemise blanche légèrement déboutonnée, révélant juste assez de peau pour me rappeler chaque centimètre que j’ai exploré, chaque souffle que j’ai volé sur son corps. Mon regard dérive, presque malgré moi. Une onde familière me traverse, ce frisson irrépressible qui surgit chaque fois qu’il est là, qu’il parle, qu’il respire. C’est comme si sa simple présence me réassemblait. Tout en lui semble avoir été fait pour moi, pour me compléter.
Je me sens rougir derrière mon sourire.
- Hey, je murmure pour dissimuler mon embarras.
- Hey toi-même, rétorque-t-il sur le même ton.
Un sourire contrit s’étire sur son visage. Il faut qu’on parle, c’est évident. Zed n’aime pas les discussions à coeur ouvert, mais il devra faire une exception pour celle-là. C’est trop important. Il y a tant de choses en jeu que je ne sais même pas comment entamer cette conversation. Tout est flou, tout se mélange dans ma tête.
- Zed… Il faudra… Quand tu pourras… Plus tard dans la soirée…
Les mots se bousculent dans ma bouche et sortent, totalement incohérents.
Sujet, verbe, complément, Maud !
- Tu auras un moment à m’accorder un peu plus tard ? je reprends. Il y a… des éléments dont on n’a pas eu l’occasion de discuter…, je grimace en lançant un coup d’œil furtif dans le couloir.
Comme le fait que je suis un cas désespéré et que je vais vous faire du mal et que je ne veux pas et que je suis perdue.
- Bien sûr. Je me suis dit la même chose, confie-t-il en me caressant la joue du bout des doigts.
Je presse ma joue contre sa main, la prends doucement dans la mienne et dépose un baiser sur sa paume.
- A tout à l’heure alors, je souffle.
Il me contourne pour entrer dans la salle de bain. De mon côté, je me dirige vers la chambre de Nate où ce dernier m’attend.
Je dois avoir une conversation avec Zed. Je dois avoir une conversation avec Nate. Je ne sais pas laquelle me rend le plus nerveuse, mais je n’ai pas d’autre choix que d’affronter l’une et l’autre. Pour le moment, je ne peux rien faire d’autre qu’attendre, alors j’avance le long du couloir, le coeur battant, prête à faire face à mon fiancé.
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