Chapitre 6 - Partie 1

6 minutes de lecture

Comme je m’y attendais, Nate est allongé sur le lit, détendu, paisible. Ma stupeur passée, je prends enfin le temps de détailler sa tenue. Sa chemise bleu marine enveloppe sa silhouette avec douceur et son jean noir accentue l’impression de calme et de solidité qu’il dégage. Nos tenues semblent se répondre, sans effort, comme une sorte de symétrie discrète, pleine de sens.

À ma vue, il se redresse, un sourire éclairant son visage.

  • Tu es magnifique ! s’exclame-t-il en me prenant dans ses bras. Heureusement que tu es déjà à moi ! plaisante-t-il. J’aurais probablement eu du mal à te mettre le grappin dessus.

Je lève les yeux au ciel pour masquer l’éclat de culpabilité qui monte en moi. Quand il pose son front contre le mien, son contact est chaud, familier, et pourtant… il me brûle.

Il se redresse. Ses grands yeux verts me dévisagent. Vert et or. Presque comme son frère. Et ce simple détail me ramène à lui, malgré moi. Un flash de ce qu’il s’est passé plus tôt me traverse, fugace, avant que je ne le chasse. Je contemple mon homme, fascinée par l’assurance qu’il m’inspire, la tendresse qu’il me témoigne et l’amour que je lui porte. Il est l’amour de ma vie. Je ferai tout pour lui. Je donnerai tout pour le rendre heureux, pour qu’il soit comblé. Et je l’ai trahi de la pire manière qui soit.

Je souris, mais c’est un sourire maladroit, forcé, presque douloureux, comme si chaque muscle de mon visage me résistait. Je pose un baiser sur sa joue, comme si ce simple geste pouvait effacer la honte qui me ronge..

  • Vous êtes déjà prêt ? je demande pour cacher ma honte.
  • Oui, on s’est douché avant d’aller chez le traiteur, Ceddy ne t’a pas dit ?
  • J’ai dû oublié… Il va être l’heure d’y aller, non ?
  • Ouais, les parents chargent la voiture avec les derniers éléments. Toto doit être déjà sur place pour accueillir le traiteur. On attendait plus que vous.
  • Oh… Vous êtes rentrés depuis longtemps ? je grimace.
  • Non, non quelques minutes. Tu devais être sous la douche. J’ai croisé Ceddy qui sortait de sa chambre.
  • Oh. Okay. Bon, allez ! Ne faisons pas attendre tes parents trop longtemps.

Je me force à lui sourire une dernière fois avant de me détourner. Nous sortons de la chambre, prêts à retrouver les autres et à chercher nos manteaux pour rejoindre les parents. Arrivés dans l’entrée, nous enfilons nos manteaux respectifs en vitesse avant de sortir sur le trottoir. Nate verrouille la porte et je me dirige vers la voiture où tout le monde est déjà installé.

Au fur et à mesure du voyage, l’ironie de la situation me frappe. Les parents de Nate sont assis à l’avant. Nate, Zed et moi nous partageons la banquette arrière, et bien sûr, je suis entre eux deux.

Une main sur ma cuisse, Nate est tout sourire, parlant avec ses parents, riant de leurs blagues. Zed, lui, semble totalement ailleurs : renfrogné, il garde les yeux fixés sur la fenêtre, comme s’il ne voulait rien voir ni entendre autour de lui. Je suis prise au piège entre mes deux univers. D’un côté, Nate, léger et naturel, et de l’autre, Zed, enfermé dans la cage invisible qu’il a dressée autour de lui.

Il n’a pas prononcé un mot depuis notre échange devant la salle de bain, et une lourde distance s’est installée entre nous. Je voudrais pouvoir recréer la proximité que l’on a partagé, mais ce n’est ni le lieu ni le moment. Alors je me contente de ce que je peux faire. Subtilement, je fais glisser ma cuisse contre la sienne, sans un mot, comme un petit signe de ma part, un contact furtif mais chargé d’intention.

La réaction de Zed est immédiate. Ses yeux se posent sur nos cuisses, puis vers moi, son regard une fraction de seconde trop intense.

  • T’es toujours ronchon toi, hein ? je blague.
  • Naaaaan, c’est mon air habituel, rétorque-t-il en souriant.
  • Aaah bah voilà !
  • Quoi ?
  • Tu souris, j’explique en lui enfonçant doucement un doigt dans la joue. Tu devrais sourire plus souvent, ça te va bien, je conclus en lui caressant le visage.

Je vois un léger rouge colorer ses joues avant qu’il ne détourne les yeux, un peu plus nerveux cette fois. Il marmonne, comme pour se justifier :

  • Ouais, non... Vous risqueriez de vous habituer à ce que je sois de bonne humeur.
  • Ça voudrait dire que tu es heureux. Est-ce que ça serait une si mauvaise chose ? je demande, un peu plus sérieusement, tout en essayant de capter à nouveau son regard.

Il sourit de plus belle, mais il secoue la tête, comme pour se débarrasser de ce petit moment de faiblesse. Puis, sans un mot de plus, il se replonge dans l’extérieur, comme si rien n’avait eu lieu.

Dix minutes plus tard, nous arrivons à la salle. Nate et moi descendons les premiers. Comme prévu, Thomas, l’autre frère de Nate, est déjà arrivé et nous attend sur le seuil. C’est le frère que j’aurais aimé avoir étant petite. Il a toujours l’air de bonne humeur, est passionné par les causes qu’il défend et a une curiosité sans limite. Son visage se fend d’un large sourire dès qu’il me voit.

  • Hey Maud ! m'apostrophe-t-il en m’enlaçant. Alors, la forme ?
  • Ouais, ça peut aller, je souris.

Il fait la bise à son frère et continue :

  • Ça avance les préparatifs du mariage ?

Je dois me marier.

Les mots résonnent dans ma tête comme un écho. Je sens mon coeur se serrer et un frisson me parcourir, mais je me force à rester calme.

  • Oui, oui… On a vu le traiteur tout à l’heure. Il propose exactement ce que je voulais, confirme mon fiancé.
  • C’est cool ça ! Hey fréro ! crie Thomas derrière nous.

Je me retourne et j’aperçois Zed quelques mètres plus loin. Il porte une caisse de boissons dans les bras, et il semble encore plus sombre que d’habitude.

  • Salut Tom, bougonne-t-il. T’es dehors depuis longtemps ?
  • Non, non à peine 5 minutes.
  • Okay, tant mieux. Bon allez, on va gérer l’apéro ? Elle pèse cette caisse…

Nous entrons donc et constatons que le traiteur a déjà dressé la table pour l’apéritif. Il ne nous reste qu’à confier les dernières bouteilles aux serveurs.

Du coin de l’œil, j’aperçois Zed et Thomas se diriger vers les cuisines, leurs silhouettes se découpant dans la lumière tamisée. Nate et moi allons poser nos affaires aux vestiaires. Thomas reparaît en même temps que nous dans la salle et nous nous postons tous les trois à l’entrée pour attendre les éventuels retardataires.

  • Il est bizarre Ceddy, non ? lance tout à coup Thomas. Je veux dire… plus que d’habitude.
  • Comment ça ? je demande, sur mes gardes.
  • Je sais pas… Dans la cuisine y avait une nana qui le connaissait apparemment mais il a pas voulu parler avec elle quand j’étais là.
  • Peut-être une ex ? se risque mon fiancé.
  • Non, je crois pas. Mais c’était super bizarre. Il était tout bougon, enfin comme d’hab’ quoi et quand elle est venu le voir il est devenu encore plus bizarre, tu vois ? Genre « Attends, on parlera plus tard. Où est-ce que je peux mettre les boissons ? ». Mais apparemment de ce qu’elle a dit ils s’étaient pas vu depuis 3 ans… C’est bizarre qu’il ait réagit comme ça, non ? Peut-être qu’ils ont bossé ensembles et ça s’est mal passé ?
  • Moui, peut-être.

Ma seule contribution à cette conversation se limite à hausser les épaules face à cette éventualité. Malgré mon détachement apparent, une pointe de tension s’insinue en moi, une inquiétude diffuse que je n’arrive pas à chasser. Zed a toujours été mystérieux, mais cette fois, il y a quelque chose de plus sérieux, de plus profond.

Nate met fin à mes réflexions d’un revers de la main :

  • Ça doit pas être hyper important. Tu te prends la tête pour rien si tu veux mon avis, conclut-il.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire YumiZi ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0