Chapitre 7 - Partie 3

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  • Κυρίες και κύριοι, αυτός είναι ο καπετάνιος σας που σας μιλάει. Πλησιάζουμε τώρα στο αεροδρόμιο του Ηρακλείου. Είναι τοπική ώρα μισή και μισή νύχτα και η θερμοκρασία είναι 18 βαθμοί… Ladies and Gentlemen, this is your captain speaking. We are now approaching Heraklion Airport. It’s half past midnight, local time, and the temperature is 18 degrees…

L’annonce me tire brusquement de mon sommeil. Clignant des yeux, je jette un regard par le hublot : les lumières de la ville s’étirent en un réseau scintillant sous nos ailes, comme une immense fresque de Noël avant l’heure. Je trépigne d’impatience sur mon siège tandis que nous amorçons la descente finale.

Lorsque je franchis les portes de l’aéroport, une vague de chaleur m’enveloppe, dense et rassurante. Je suis arrivée, mais pas encore au bout de mon périple. Saisissant mon téléphone, je vérifie une fois de plus l’adresse du bar, déjà affichée à l’écran, et me dirige vers les taxis, ma valise roulant docilement derrière moi. Après une courte recherche, je trouve un chauffeur. Son anglais est approximatif, mais suffisant pour comprendre ma destination.

Dernière ligne droite.

Le chauffeur reste silencieux tout au long du trajet, et je lui en suis reconnaissante. J’aurais du mal à expliquer pourquoi je suis ici sans m’embrouiller dans mes pensées.

De temps à autre, je capte son regard dans le rétroviseur. Il semble curieux, presque scrutateur, mais je détourne vite les yeux, préférant me laisser envoûter par le spectacle qui défile de l’autre côté de la vitre. Les rues m’offrent un étrange ballet de contrastes : d’un côté, les façades élégantes de bâtiments anciens, témoins silencieux d’une histoire qui me fascine ; de l’autre, les néons éclatants qui éclaboussent les bars et discothèques, comme une invitation à l’effervescence nocturne. La ville semble hésiter entre deux mondes : son passé majestueux, figé, et son présent, vibrant d’une énergie presque débridée.

Lorsque nous longeons le port, l’air chaud s’infiltre par la fenêtre entrouverte, chargé de sel et de parfums inconnus, enveloppant mes sens d’une étrange mélancolie. Les silhouettes des bateaux amarrés, leurs mâts oscillant doucement, se reflètent sur l’eau noire, paisible et insondable. Ce calme, presque irréel, tranche avec l’agitation de la ville.

Au bout d’une petite demi-heure, le taxi ralentit avant de s’immobiliser.

  • Here. I can’t go, m’annonce le chauffeur d’un ton neutre en désignant une petite rue piétonne bondée.

J’aperçois le bar au bout de la rue qu’il m’indique. J’acquiesce, lui tendant quelques billets en silence. Béni soit l’inventeur de l’euro. Cette monnaie m’a épargné la nécessité de m’inquiéter de tomber à court d’argent ou de chercher en permanence des bureaux de change. Une complication de moins dans ce périple déjà bien assez complexe. Je descends avec ma valise, répétant intérieurement le discours que j’ai préparé pour me calmer.

Les sons d’éclats de rire, de conversations animées et de musique s’entremêlent à mesure que je m’avance. Mon souffle se bloque un instant. Je prends une grande inspiration et resserre mes doigts autour de la poignée de ma valise pour franchir les derniers mètres qui me séparent de mon destin.

J’y suis. Plus question de te dégonfler, ma vieille.

Après une dernière auto-motivation, j’entre dans le local. Les enceintes crachent une musique assourdissante, à mi chemin entre la techno et le rock, couverte par les discussions de quelques fumeurs à l’extérieur. J’aperçois le bar en arrière-plan, éclairé par intermittence, en rythme avec les spots.

Je me fraye un chemin parmi les corps en mouvement sur la piste de danse improvisée par les clients et arrive enfin au comptoir. Deux hommes se tiennent derrière, essuyant des verres et servant des shots au mètre. Aucune trace de Zed. Je n’ai pas le temps d’être déçue que le premier barman pose son torchon sur son épaule, se penche sur le bar et me lance par dessus la musique :

  • Καλησπέρα, τι να σας φέρω ?

Oula... Le grec et moi, c’est pas la joie. On va le tenter en Anglais…

  • Hi, I’m looking for a French guy working here. His name is Cedric. Do you know where I could find him ?

Il se tend tout à coup et plisse les yeux.

  • He’s not working tonight, dit-il.

Je soupire de soulagement. Son accent est à couper au couteau mais au moins on va pouvoir se comprendre.

  • Alright. Do you have any idea where he is now ? je continue.
  • Probably home.

L’homme se retourne et attrape ce que j’imagine être une énième bouteille d’alcool.

Crache le morceau ô barman-kenobi, tu es mon seul espoir !

La musique s’arrête lorsque je crie :

  • Could you be more precise ?

Oups.

Je me ratatine dans mes épaules et me mords la lèvre dans une grimace contrite. La musique reprend comme si de rien n’était, mais je sais que je me suis faite remarquée quand j’entends les clients autour de moi rire. Le second barman s’approche. Trapu et brun, il m’avise avant de se tourner vers son collègue.

  • Hey Jona. Va bene ? Cosa sta succedendo ? lui demande-t-il.

De l’Italien ? En Grèce… De mieux en mieux... Pourquoi pas du bon vieux français nom de Dieu ?

  • Questa ragazza sta cercando Cedric.
  • Chi è ?
  • Non lo so. Forse una ragazza che ha visto in spiaggia. Probabilmente l'ha scopato e ora è già fissata con lui. Che donnaiolo!

Sur ces belles paroles, les deux se lâchent dans un rire gras. Je me sens honteuse, prise en étau entre leur mépris et leurs insinuations. Ma main se crispe autour de la poignée de ma valise, mais je ravale ma rage. Je ne suis pas venue jusqu’ici pour me faire humilier par ces deux idiots : il me faut l’adresse de Zed. Je prends une grande inspiration et me redresse.

  • Giusto per farvelo sapere, ho capito tutto quello che avete detto, je grince.

Leurs rires s’arrêtent nets.

  • Now, would you please tell me where I can find my man ? je reprends.
  • Who are you ? me demande le dénommé Jona.
  • I’m not some kind of stalker if that’s what you think. He left his mom’s birthday party yesterday and we need to talk.
  • Hey, are you the girl he talked about ? The one he keeps calling everyday ?
  • Yep, that would probably be me, je réponds.

Il siffle en me toisant de haut en bas et se tourne vers son collègue.

  • Non c'è da stupirsi che abbia una cotta !

Ils se tapent sur l’épaule et le brun retourne gérer les commandes des autres clients. Je me retrouve seule avec Jona. Je n’ai pas aimé ses réflexions, ni la façon dont il m’a reluquée, mais pour le moment, que ça me plaise ou pas, j’ai besoin de son aide.

  • Quite so... Anyway, could you please help me find him ? je l’interroge une fois encore.
  • Sure…

Il marque une pause, me scrute un instant, puis un léger sourire complice se dessine sur ses lèvres.

  • The flat is just across the street. Second floor, flat number 3.
  • Fabulous. Thank you so much !

Alors que je m’apprête à tourner les talons, soulagée, il pose une main sur la mienne.

  • Relax, you did the right thing coming here, conclut-il avec un sourire et un clin d’œil rapide avant de retourner à son travail.

Je récupère ma main, sa dernière phrase flottant dans les airs, comme un message crypté. Je secoue la tête et quitte le bar, impatiente de retrouver Zed.

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