Chapitre 9 - Partie 4

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Je ferme les yeux un instant, le temps de laisser passer cette sensation sourde et irrationnelle que je ne veux pas nommer. Lorsque je suis à nouveau maîtresse de mes émotions, je me penche sur mon ordinateur, balayant mes emails. Un en particulier, de Théo, mon chef de projet attitré, attire mon attention : “Tu es une rock star de la traduction”.

Salut Maud,

Tu vas halluciner, mais on a reçu un manuscrit à traduire, et l’auteur a spécifiquement demandé que ce soit toi qui t’en occupes. Il a vu ton travail dans d’autres livres traduits et il adore ce que tu fais. C’est une super opportunité, je suis sûr que tu vas cartonner !

T’es une rock star !

Théo

Je relis le message plusieurs fois, comme pour vérifier qu’il est bien réel. Une chaleur inattendue me monte aux joues : cette reconnaissance, cette validation, ça n’a rien d’anodin à mes yeux.

Spécifiquement demandé…

Les mots me réchauffent, me réconfortent. Mais très vite, d’autre questions s’imposent : quel est ce manuscrit ? Qui est cet auteur ?

Je compose rapidement un message sur Teams :

  • Salut Théo, je viens de voir ton mail. Whaou ! Je suis super intéressée évidemment. Mais… Tu as plus de détails ? C'est quel genre de trad ? Tu connais le thème ? Le nom de l’auteur ?

Quelques secondes plus tard, la réponse arrive. Théo est aussi détendu que d’habitude, mais ses mots, cette fois, je décèle une pointe d’embarras dans ses mots :

  • Désolé, je ne sais pas grand-chose. Paul m'a juste dit qu'il te voulait, toi. Mais t’inquiète, je vais voir s’il a plus d’info. Je te tiens au courant. En tout cas, c’est du lourd !

Je souris, à la fois excitée et un peu frustrée. Paul, notre boss, est du genre à mettre trois semaines à lire un mail, alors pour une info de fond, autant attendre la prochaine comète. Je secoue la tête et tape ma réponse en riant doucement :

  • Ok, merci pour ta réponse ! Tiens-moi au courant dès que tu en sais plus !

Je me renfonce dans mon siège, attrape ma tasse de chocolat viennois, et prends une longue gorgée, appréciant la chaleur qui se répand dans ma gorge. Je ferme un instant les yeux, profitant de cette douceur. Mais rapidement, mes pensées reviennent au message de Théo, à cet auteur mystérieux…

Qui est cet auteur ? Que me réserve ce nouveau projet ? Pourquoi moi ? Est-ce que je serai à la hauteur de ses attentes ?

Une vague d'incertitudes m’envahit, et je me force à repousser cette pensée. Ce sera peut-être juste un autre livre, un autre projet, mais une part de moi n’arrive pas à chasser cette étrange sensation : si tout se passe bien, ça pourrait être bien plus qu’une simple traduction. Quelqu'un a vu mon travail et m’a choisie. Un frisson d'anticipation me traverse. Si tout se passe comme je l'espère, ce pourrait être le début de quelque chose de grand.

Je secoue la tête pour me recentrer, pour me ramener à ce travail que j’aime tant et dans lequel il semblerait que je commence à me faire un nom. J’ouvre mon projet en cours : un roman historique complexe, mêlant récits personnels et événements marquants, offrant une réflexion profonde sur les luttes de classe et l’évolution des mentalités.

C’est ce que j’adore dans mon métier : je ne travaille qu’avec des pépites. Des textes qui ont déjà été filtrés par d’autres collègues et que je découvre, admirative et attentive. Mon rôle est presque un art en soi, une danse entre les langues et les cultures. Ne me lancez jamais sur mon amour des langues, je pourrais faire mille et une conférences sur le sujet. Traduire, c’est comme naviguer sans carte exacte, en cherchant le meilleur chemin pour rendre un texte fidèle tout en l’adaptant à un nouveau contexte culturel. C’est une traversée incertaine, où chaque choix pourrait changer la direction de la route. Je ne suis pas juste une traductrice : je suis un pont entre l’auteur et le reste du monde, entre une langue et une autre.

Je prends une longue gorgée de chocolat viennois, sa douceur me réchauffant tandis que je m’interroge : est-ce que là, tout de suite, je suis fidèle à sa voix ? Je finis ma boisson et mon gâteau en vitesse, puis me replonge dans le travail. Je veux être à la hauteur, je veux prouver que cet auteur qui m’a réclamée n’était pas un accident, que ce petit bout de lumière qu’on m’a accordé mérite d’être nourri, cultivé.

Les phrases s’alignent, se suivent, dans un rythme presque hypnotique. Je me perds dans ce flux, oubliant le reste du monde. Les ambiguïtés de Zed, son regard fuyant, s’éloignent comme des souvenirs d’un autre temps.

Je frappe à nouveau sur le clavier, avec une confiance nouvelle. Les mots prennent vie et je les accompagne, à travers chaque virgule, chaque phrase, chaque rebondissement de ce roman. C’est comme une danse silencieuse, fluide, où tout s’imbrique, où je trouve enfin un sens, un équilibre et la notion même de temps s'efface au profit de la quiétude des mots.

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