Chapitre 11 - Partie 1
Arrivée à l’appartement, je décide de prendre une longue douche chaude, espérant que la chaleur de l’eau pourra apaiser l’agitation qui me traverse. Le seul savon à disposition étant celui de Zed, je suis rapidement entourée par son odeur, familière, douce, envoûtante. Chaque parcelle de ma peau semble s’éveiller sous cette fragrance, et je n’arrive pas à ignorer l'effet qu'elle me fait. Malgré tous mes efforts pour repousser ce souvenir, je me retrouve à penser à cette autre douche, celle que nous avons partagée, et je sens la magie de ce moment me rattraper.
Mon esprit dérive alors, échappant à ma volonté, plongeant dans un flot de fantasmes qu’il m’est difficile de contrôler. La douche dans laquelle je me trouve est plus petite que celle de ses parents, mais tout de même assez spacieuse pour que nous puissions nous y retrouver tous les deux. Située dans un renfoncement de la salle de bain, elle est entourée de trois murs, comme un petit écrin clos et intime.
La dernière fois que nous avons partagé une douche, j'ai découvert que Zed pouvait me soulever et me porter avec une facilité déconcertante. Je l’imagine me plaquant contre une des parois de cette douche-ci, mon corps tout entier offert à lui.
Je me claque les joues, cherchant à faire taire ces pensées insidieuses. Je ne devrais pas penser à ça, mais une petite voix en moi insiste, me rappelant que j’y pense chaque jour, depuis le premier jour. Et qu'au-delà du désir physique, il y a aussi cette évidence, simple et tenace : notre manière d’envisager la vie et l’avenir s’accorde, se reflète, bien plus qu’avec Nate.
J’ai choisi un emploi qui me donne une grande liberté, car je suis incapable de rester dans le même environnement de travail plus de quelques mois. Zed partage cette bougeotte, changeant d’emploi et de pays tous les ans. Ça l’a rendu plus ou moins polyglotte, comme moi, et nous nous amusons régulièrement à converser autrement qu’avec notre langue maternelle.
Malgré l’amour que j’ai pour Nate, je ne peux m’empêcher de penser que les cartes ont été très mal distribuées.
Les paroles de “Envie de te suivre” de Maïdi Roth me reviennent en tête. Je me surprends à fredonner l’air, presque malgré moi, tout en entamant mon shampooing, laissant la mélodie s’entrelacer avec mes pensées.
Survivre à soi-même, même si y a maldonne. Je sais c’que je veux et c’est c’qui m’étonne. Et c’est bien plus qu’une confidence, c’est de toi à moi. Personne n’a jamais dit que ce s’rait facile. J’attends bien plus de toutes ces heures qui s’défilent, j’attends bien plus que d’la confiance entre toi et moi…
…
Si entre nous deux y avait plus qu’un pas à faire… Si tu l’faisais à ma place, j’irai à ciel ouvert me noyer dans ton sourire jusqu’à c’que mort s’en suive. Sentir au fond de moi cette envie de te suivre.
…
Si on faisait des voeux aux étoiles en dérive… Si on changeait le jeu, si on jouait à vivre, avec au fond de moi cette envie de te suivre.
Une fois propre et rincée, je sors de la douche, encore vaguement sous l'emprise de mes pensées. Tout en chantonnant, je fouille les tiroirs du placard à la recherche d’une serviette propre. Sans surprise, la plupart sont remplis de vêtements et sous-vêtements de Zed. Je suppose que ça lui évite de sortir nu dans le froid.
Froid en Grèce, c’est vite dit.
Je secoue la tête en souriant et trouve enfin le tiroir à serviettes. Je m’enroule dans le tissu éponge puis, réalisant que j’ai laissé ma brosse dans mon sac près du canapé, je me résigne à quitter la pièce.
- Tu as fini ? me demande la voix de Zed depuis la chambre alors que je fouille dans ma trousse de toilette.
J’en lâche presque ma serviette de surprise. Une main sur le cœur, je souffle :
- Tu m’as foutu la trouille de ma vie !
- Qui ça pourrait bien être à part moi ? rétorque-t-il en apparaissant dans l’encadrement de la porte de sa chambre, les sourcils haussés.
- N'importe qui vu que la porte n'était pas verrouillée ! Et puis, je m’attendais pas à ce que tu sois là si tôt. Et je t’ai pas entendu rentrer. Enfin bref… Oui, j’ai fini. La salle de bain est toute à toi.
- Okay, merci.
Zed me dépasse, entre comme une flèche dans la salle de bain et s’y enferme.
Encore un chaud et froid.
Après notre échange à la plage, j’avoue que j’espérais autre chose. À l’exception de notre douche commune, il n’a jamais été aussi tendre, ni aussi ouvert. Son naturel renfermé a fait surface à la vitesse de l’éclair. Je me force à respirer profondément pour ne pas me laisser submerger par un chagrin inutile. Je termine de me sécher, m’enduis d’huile sèche, me coiffe, puis enfile ma tenue pré-nocturne — sous-vêtements et t-shirt — avant de déplier le canapé.
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