Chapitre 12 - Partie 1
Quand je rouvre les yeux, la lumière dorée du matin glisse à travers les rideaux, douce et accueillante, comme un rappel que le monde continue de tourner. Mon corps est lourd de cette seconde phase de sommeil - sans rêve, sans souvenirs -, chaque muscle tendu par l’épuisement, mais au moins, cette fois, je me réveille naturellement.
Les draps trempés collent à ma peau comme une seconde couche de honte, alors, sans réfléchir, je me lève et les arrache du canapé. Je les rassemble en boule contre moi et je les fourre dans la machine à laver, comme si je pouvais, en appuyant simplement sur un bouton, effacer la nuit. Le bruit de l'eau qui emplit la cuve a quelque chose de rassurant, presque apaisant.
L'horloge du salon affiche presque neuf heures, et je sais que Zed ne se lèvera pas avant un moment alors je décide de prendre une douche pour faire disparaître les dernières traces de mon cauchemar.
Je reste un instant plantée là, sous l’eau chaude, à me demander comment recoller les morceaux, comment l’inciter à me parler.
Peut-être que si j'agis comme avant, comme si je ne l’avais jamais confronté, peut-être qu'il baissera un peu la garde, que je peux l’amener à s’ouvrir à nouveau.
Je me lave, me sèche et m’habille sans un bruit. Je chausse mes baskets sans un bruit, attrape mon sac, et quitte l'appartement, me glissant hors de la pièce comme une ombre, laissant derrière moi le silence lourd et palpable de la nuit qui s’efface lentement.
Je déambule sans but précis dans les rayons du petit supermarché où j’ai déjà fait mes courses la veille, jetant dans mon panier de quoi faire à manger mais aussi des choses simples : du pain encore tiède, quelques fruits, des œufs, un pot de confiture de fraises, qu’il mangera directement à la cuillère, caché dans son coin, pensant que je ne le regarde pas.
Quand je passe devant le bar, Jona est à l’extérieur, en train d’installer les tables et les chaises sur la terrasse avec un autre jeune homme, celui que j’ai croisé à mon arrivée, son visage flou comme un souvenir lointain.
- Maud ! m'appelle-t-il, comme si ma simple vision égayait sa journée.
Je lui rends son salut et m’approche en réajustant mon panier de course.
- Tu te rappelles de Matteo ? demande-t-il en me présentant son acolyte. C’est lui qui a acheté le bar. È Maud, quella che cercava Cédric, te lo ricordi?
- Hello, me dit l’intéressé en retournant dans le bar.
- Hi, je réponds.
- Alors… Comment c’était, la soirée avec Zed ?
Il me pose la question, comme si tout allait bien, comme si les mots n’avaient pas un goût amer au fond de ma gorge. Je grimace et avoue :
- Pas génial. En fait, il était même de sacré mauvais poil. Il pensait vraiment que je serai partie, tu aurais vu sa tête quand il est rentré…
- J’aurais bien aimé. Le chat sauvage pris au piège…
Il éclate de rire, un rire franc et sonore qui m’envahit comme un rayon de soleil brisant la brume. Je ferme un instant les yeux, et ce rire, si simple, me touche plus que je ne l'aurais cru. Il a ce pouvoir étrange de me faire oublier, l’espace de quelques secondes, la tension dans mon ventre, l'angoisse qui se cache dans mes silences.
- Ouais… Mais du coup il boude. Je ne sais pas trop quoi faire pour le faire sortir de sa coquille. Au fait, j’ai vu ça et j’irai bien avec lui, j’explique en lui tendant le flyer. C’est une cueillette, non ?
Il se penche vers moi et regarde le papier.
- Si ! Absolument. C’est tout près en plus. 20 minutes en voiture, peut-être.
- Ah, mince, je soupire, déçue. On n’a pas de voiture. Ça ne va pas être possible.
Il me regarde, l’air légèrement amusé, et son sourire revient, léger, comme si tout ce qui s’était dit n’était qu’un jeu, une parenthèse. Il ne me laisse pas le temps de me perdre dans l’ombre de ma déception. Il se penche un peu vers moi, une main se posant doucement sur mon épaule, avec une familiarité qui ne me dérange pas.
- Tu sais quoi ? On a une voiture pour le bar. Cédric s’en sert tout le temps quand il va gérer le stock. Vous pouvez la prendre.
- Sérieux ? Oh waouh ! Merci.
- J’ai une petite condition, dit-il en se frottant les mains d’un air malicieux. Il faut que tu me racontes ! Je traîne avec Cédric, mais il est trop segreto pour accepter de faire des trucs ordinaires. Je suis curieux. Et, bien sûr, vous faites attention ! Je te fais confiance.
- Pas dit que j’ai grand chose à te raconter, je rigole. Mais franchement, merci. C’est adorable.
Je m’approche alors de lui, un peu maladroitement, et l’étreins, encombrée par le panier. Il me serre dans ses bras sans hésiter, comme une vieille amie, une complicité née de nulle part. Il n’y a rien de lourd dans son étreinte, juste cette simplicité que je ne trouve qu’avec mon meilleur ami et qui me réchauffe le coeur.
- Je ne sais pas trop quand on descendra pour y aller. Tout dépend de l’heure à laquelle il se lève. Et si j’arrive à le convaincre, je conclus avec une moue.
- Je suis sûr qu’il dira oui, répond-il confiant. Passe me voir quand vous êtes prêt, je te donnerai les clés.
Il dépose un baiser sur ma joue, sans gêne, mais sans forcer et disparaît à son tour dans le bar chercher une autre table.
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