Chapitre 15 - Partie 2
Les volets de sa chambre sont fermés et mes yeux mettent quelques secondes à s’habituer à cette seconde obscurité. Je le sens ensuite me pencher en arrière jusqu’à ce que mon dos rencontre quelque chose de mou. Son matelas, vraisemblablement. Il nous y dépose tous les deux avant de se blottir contre ma poitrine.
J’adore la sensation de son corps pesant sur le mien, comme s’il essayait de s’y enfoncer. Ce n’est pas la manière dont je le fantasme, mais c’est extrêmement agréable, apaisant. Je prends une grande inspiration pour m’imprégner de son odeur.
- Pardon, je dois t’écraser, dit-il en tentant de se redresser.
- Non, je le retiens doucement, mes doigts s’accrochant à ses épaules. Reste. S’il te plaît.
Il s’immobilise une fraction de seconde, puis se détend et se repose délicatement contre moi. Je referme mes bras autour de lui, l’entourant comme un cocon protecteur.
- Tu es bien là ? me demande-t-il à voix basse.
- C’est parfait, je réponds en embrassant son front.
Je passe mes doigts dans ses cheveux, sur son front, ses épaules, son dos. Je le câline, le berce dans un silence rassurant, mes gestes emplis de tendresse. Après un moment, il se redresse doucement :
- En fait, pour moi c’est pas terrible, grimace-t-il. Je veux pas dire ça méchamment hein, mais… Ton soutif me rentre dans la peau et tes seins m’empêchent un peu de respirer.
- Pas de souci. On va arranger ça.
Nous nous redressons tous les deux. Je glisse mes mains sous mon haut pour détacher mon soutien-gorge sans me déshabiller, tandis que lui retire son t-shirt d’un geste simple et désinvolte. Une fois cela fait, je me rallonge, et il s’étend à mes côtés, se tournant légèrement vers moi.
Malgré la pénombre, mes yeux s’attardent sur son corps : ses épaules larges, ses pectoraux dessinés, la ligne de sa mâchoire. Il est magnifique, tendre, et juste… parfait. Parfait pour moi. Je n’ai jamais été aussi détendue qu’en cet instant. Je lève les yeux vers lui, cherchant à mettre des mots sur ce que je ressens.
- Je sais pas comment te dire ça alors je vais juste le dire… Tout de suite, j’ai envie de tendresse.
Je marque une pause, un sourire timide sur les lèvres. Il reste silencieux, ses yeux cherchant les miens comme pour s’assurer qu’il a bien compris.
- Je vais pas te mentir, j’ai envie de toi. J’ai toujours envie de toi, je rigole. Mais là, tout de suite j’ai plus besoin de tendresse que de sexe.
- Pas de souci. J’ai pas spécialement envie toi. Enfin si, se reprend-il, j’ai vraiment envie de toi. Mais c’est non. Ce qui s’est passé à l’instant, sur le canap’… Enfin… La limite est toujours là… Tu comprends ?
Aïe.
Le cœur douloureux, j’acquiesce car je comprends son point de vue. Les bras collés contre ma poitrine, je l’observe. Il a replié un bras sous sa tête et s’appuie dessus. Nous sommes tellement près que si je m’avançais, mes lèvres toucheraient les siennes, mais je ne le ferai pas. Il s’y refuse et je ne le forcerai pas.
Ce moment aurait pu être un pas en avant. Le fait qu’il ait osé me dire ce qu’il ressent, ses envies et ses limites, c’est énorme venant de lui. Mais malgré tout, j’ai l’impression qu’on piétine. Il ne veut toujours pas choisir une voie. Ni avancer, ni reculer. Et ça nous enferme dans cet « entre-deux » étouffant où rien ne se construit vraiment. Peut-être est-ce à mon tour de refaire un pas, de l'inciter à briser cet équilibre stérile ?
Un peu hésitante, je tends un bras vers lui. Je pose doucement mes doigts sur sa joue, chaude sous mes mains. Je fais aller mon pouce sur son visage, observant ses réactions. Zed ferme les yeux à mon contact.
- Ça te dérange ? je murmure.
Je commence à retirer ma main, craignant d'avoir été trop loin ou trop rapide, mais il rattrape doucement mon poignet et repose ma main contre sa joue.
- Pas du tout. Continue.
Il pose ensuite sa main libre dans le creux de ma taille. Je sens ses doigts se faufiler sous mon t-shirt, pianoter sur ma peau. Ces mouvements déclenchent des frissons dans tout mon corps. Je ferme les yeux, me perdant dans la sensation, et je laisse échapper un soupir de plaisir.
- Tu veux que j’arrête ? me demande-t-il, la voix un peu rauque, mais sans s’arrêter pour autant.
J’ouvre les yeux et découvre qu’il me fixe. Beaucoup d’émotions défilent à nouveau dans ses yeux : tendresse, désir, douceur et plaisir. La tendresse et la douceur d’être proche. Le désir et le plaisir de m’en procurer. Je secoue la tête, ravie de qu’il s’autorise ce nouveau pas vers moi, et souffle :
- Non. J’adore que tu me touches.
Sa main va et vient sur ma taille et dans mon dos de la naissance de mes fesses à ma nuque, remontant un peu plus mon t-shirt à chaque passage, engendrant des picotements et une chaleur croissante sous ma peau. La mienne glisse sur son visage, son cou, ses épaules, suivant la courbe de ses muscles. Nous nous parcourons ainsi, chacun absorbé par l'autre, moi suivant mes gestes des yeux, lui probablement concentré sur mon visage.
Mon pouce s’attarde sur son menton avant de frôler ses lèvres. Un contact léger mais suffisant pour que mes doigts frémissent. Ceux de Zed descendent lentement le long de ma cuisse, effleurant ma peau avec une lenteur exquise. Il s’empare doucement de mon genou et fait passer ma jambe par-dessus sa taille. Il caresse mes cuisses, passe sur mes fesses et remonte vers le creux de mes reins. Chaque geste provoque un électrochoc subtil : des petits spasmes de plaisir agitent mon corps lorsqu’il me touche à des endroits sensibles.
Nos mains vont et viennent sur le corps de l’autre, dans un rythme lent et doux, comme une chorégraphie. Ses doigts caressent ma peau avec la légèreté d’une plume. Je parcours son corps de haut en bas, de long en large, comme si mes doigts pouvaient mémoriser chaque détail, chaque courbe, chaque grain de beauté, chaque cicatrice.
Parfois, il tend le bras vers le haut et nos doigts se caressent sans jamais se mêler. Il remonte peu à peu mon t-shirt en effleurant mes reins, mes côtes. Il va jusqu’à frôler le bord de mes seins, d’abord réservé, du dos de la main… Puis plus franchement, allant jusqu’à passer sa main intégralement sur mon sein. De mon côté, ma main vagabonde sur le haut de son torse, s'attardant sur ses muscles, avant de remonter vers son cou, son menton… Et ses lèvres.
Ses doigts viennent à leur tour caresser mon visage. Nos effleurements se répondent, s’entrelacent, presque symétriques, dans un bal délicat. Mon index monte le long de sa joue. Le sien chatouille ma pommette. Mon pouce trace le contour de ses lèvres. Le sien effleure les miennes.
Nous continuons de dessiner les traits de nos visages quelque secondes, suspendus dans ce moment où l’espace entre nous semble se dilater. Puis, il entrouvre les lèvres, et sa langue vient caresser la pulpe de mon doigt. Il le glisse dans sa bouche et entreprend de le suçoter. Une chaleur intense m'envahit, chaque mouvement amplifiant un désir que je peine à contenir.
Je ferme les yeux d’aise et je sens son pouce appuyer doucement sur mes lèvres. Je les entrouvre lentement, ressentant la chaleur de son doigt qui se pose contre ma langue. Il le fait aller et venir dans ma bouche, comme une invitation que je ne peux ignorer. Je l’aspire et le lèche, la mémoire vive de notre douche et de ce que je lui ai fait alors, éveille mes sens et ravive cette excitation qui gronde en moi.
Avant que je ne perde le contrôle, il relâche la pression sur mon pouce, retirant son doigt de ma bouche. J’ouvre les yeux et repose ma main contre sa joue, savourant la chaleur de son contact. Il fait de même avant de me lâcher et de se tourner brusquement sur le dos en inspirant. Il fixe le plafond, et son éloignement soudain me blesse.
Je me redresse et vient me caler sur son bras, cherchant à combler la distance entre nous. Il fait aller et venir sa main le long de mon dos, traçant des lignes distraites. Je reprends mes caresses sur son torse en le couvant des yeux. Il tourne la tête vers moi, nos regards se croisent brièvement avant qu’il ne se détourne de nouveau.
- Est-ce que ça va ? je souffle.
- Oui, pourquoi ? me répond-il sur le même ton.
- Tu n’arrêtes pas de te détourner. Il y a un problème ? Je fais quelque chose qui te gêne ?
- Non.
Il a répondu trop vite, et la tension dans ses épaules trahit ses pensées : quelque chose le tracasse. Je prends doucement son visage dans ma main, le tournant lentement vers moi, jusqu'à ce que nos lèvres ne soient séparées que de quelques centimètres.
- Ça te gêne d’être comme ça ? je murmure en lui caressant la joue du dos de la main.
Il se détourne à nouveau en inspirant, mais, presque immédiatement, il revient vers moi.
- Non…
Il pivote légèrement, et cette fois, nous sommes vraiment face à face. Je suis plus proche de lui, complètement enveloppée dans ses bras. Il pose une main sur ma joue, à moitié dans mes cheveux.
- Mais j’ai beaucoup trop envie de t’embrasser comme ça, chuchote-t-il.
Mon cœur bondit dans ma poitrine : nous sommes si proches du dénouement que j’espère.
- Et tu ne le fais pas parce que… ?
- Tu sais pourquoi. Je ne peux pas. Tu vas te marier avec mon frère. Et ça, toi et moi, précise-t-il en faisant la navette entre nous avec son doigt, ce n’est pas vraiment ce que tu veux. Et demain tu m’en voudras, finit-il en reposant sa main dans le creux de mes reins.
- Je t’en veux déjà, je lâche après quelques secondes, d’une voix ferme.
Sa main se crispe légèrement sur mon corps. Nous ne pouvons pas continuer ainsi : deux pas en avant, un pas en arrière…
- Tu ne sais pas ce que je veux. Moi oui, je continue. En l’état actuel des choses, je ne vais pas épouser Nate. Mais même sans ça…Tu ne peux pas me chauffer et me repousser comme ça. Choisis ton camp : soit tu me veux et tu ne me parles plus de limites, soit tu ne me veux pas et tu arrêtes de me chercher.
Il reste silencieux, mais son visage s’approche et s’éloigne du mien par intermittence. Deux centimètres en avant, un en arrière. Lorsque nos lèvres se frôlent et s’effleurent, le bruit de nos respirations semble envahir toute la pièce. Je sais désormais, avec une certitude absolue qu’il me veut, et je le désire tout autant.
Les millimètres entre nous ne diminuent pas, et je ne les comblerai pas. Oh bien sûr, je pourrai prendre les devants et m’emparer de ses lèvres, mais je veux qu’il fasse ce choix. Je veux qu’il accepte ce qu’il ressent, qu’il assume son désir et qu’il aille jusqu’au bout.
Rien ne s’oppose à ce qu’on soit ensemble, personne ne se dresse entre nous. Il ne se bat qu’avec lui-même. Je caresse doucement sa lèvre supérieure de ma langue, l’explorant avec une lenteur calculée. Il soupire contre ma bouche.
- Tu te trompes, claironne-t-il soudain.
- Comment ça ?
- Je peux continuer exactement comme avant.
Comme avant ? Il ne veut pas dire…
- Je peux totalement avoir envie de toi, m’approcher de la limite, mais ne plus jamais craquer, assure-t-il.
Je recule brusquement, mettant de la distance entre nous et m’appuyant sur mon coude. La situation m’échappe et me dépasse.
- C'est complètement débile. Compte pas sur moi pour jouer selon tes règles. Pour moi y a pas de limites, j’assène en allant chercher son entrejambe.
Il attrape ma main avant que j’aie atteint ma cible et me décoche un regard meurtrier.
- Le consentement, ça marche dans les deux sens. Si tu me touches sans mon accord, non seulement je te fous à la porte mais je te bloque de partout. Appel, SMS, jeux en ligne… Partout.
L’horreur de ses mots me foudroie. Je sais qu'il a parfaitement raison. Une personne peut avoir envie de coucher avec une autre, elle peut vouloir que ça se passe, mais il faut aussi qu'elle l'accepte. Pourtant, au fond de moi, une autre partie s'indigne. Il ne sait pas ce que j'ai vécu. Il ne peut pas savoir. Jamais il ne connaîtra ce traumatisme, encore moins par ma faute. Le fait qu'il ose mettre nos expériences au même niveau, même inconsciemment, me brûle comme de l'acide.
- Alors ça va être ça notre relation ? je raille. On reste coincés dans cet entre-deux merdique jusqu'à ce que tu te trouves quelqu'un d'autre avec qui jouer ?
J’ai à peine terminé ma phrase que Zed se crispe, serre ma main avec une telle force que je frémis, et m’incendie.
- JE NE JOUES PAS AVEC TOI !
Je ne l’avais jamais vu aussi furieux. J’ai en mémoire beaucoup de situations où j’aurais mérité qu’il s’emporte au point de me hurler dessus. Il ne l’a fait à aucun moment. Mon aigreur s’évapore instantanément, emportée par une vague de confusion. Tandis que je le fixe, ahurie, je devine d’autres émotions à travers ses yeux : de la confusion, de l’impatience, mais surtout de la douleur.
Je me rappelle brutalement que c'est sa façon de se protéger. Il préfère repousser, blesser, plutôt que d’accepter la vulnérabilité d’un lien, plutôt que de risquer d’être blessé lui-même.
- D’accord. Je ne te toucherai pas. Je ne te toucherai plus.
Je récupère ma main, le coeur lourd, avant de quitter la pièce. En fermant la porte derrière moi, je m’appuie contre elle un instant, fermant les yeux pour essayer de digérer cette scène. Nous étions si proches, et tout s’est effondré. Deux personnes qui se veulent à ce point ne devraient pas se faire autant de mal. Je soupire longuement, la douleur de la situation me frappant de plein fouet. La pendule de la cuisine affiche 4h du matin.
Il vaut peut-être mieux que j’aille dormir.
Je me dirige lentement vers le canapé, éteins la lumière et me glisse sous les draps. Les oreillers sont trop froids, comme un cruel rappel que j’aurais dû dormir contre lui cette nuit. Je ferme les yeux en me répétant ce que je savais déjà.
Il faut que ça vienne de lui.
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