Chapitre 17 - Partie 2

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Dès que je pousse la porte, l’air plus chaud m’enveloppe et je suis saisie par ce parfum que je pourrais reconnaître entre mille — celui de Zed. Enivrant et rassurant, à la fois doux et boisé, qui m’atteint toujours comme une caresse invisible, s’insinuant jusqu’au creux de mon ventre.

Et pourtant, je m’immobilise net à peine quelques pas franchis, suspendue dans l’embrasure de la porte du salon, incapable d’aller plus loin, debout face à une scène que j’ai fantasmée cent fois sans jamais oser l’imaginer aussi réelle, aussi sensuelle, aussi intime.

Il est là, au milieu du salon, torse nu, vêtu d’un simple short de sport, son corps sculpté par l’effort et la concentration. Chaque muscle de son dos, de ses bras, de son torse, est tendu, vivant, vibrant à travers les mouvements précis de sa séance. Il fait des pompes en rythme, ses mains ancrées au sol, les tempes légèrement perlées de sueur, les écouteurs plantés dans les oreilles, comme hermétique à tout ce qui ne serait pas cette cadence qu’il s’impose, ce monde à part, où il canalise tout ce qu’il ne dit jamais, toute la colère sourde, tout le contrôle froid, toute cette intensité qu’il dissimule derrière son silence.

Il ne me voit pas tout de suite, concentré sur sa respiration, ses gestes précis, son rythme maîtrisé, et pourtant je sens, à l’instant exact où il interrompt son mouvement, qu’il a perçu ma présence. Son regard glisse vers moi, sans précipitation, juste une curiosité tranquille teintée d’une fatigue physique qui le rend presque vulnérable. Nos yeux se croisent brièvement, et je sens ma gorge se nouer, mon coeur cogner trop fort.

Comment un simple corps en mouvement peut m’ébranler aussi violemment ?

  • Tu comptes rester plantée dans l’entrée encore longtemps ? demande-t-il, essoufflé, avec cette once de moquerie tendre dans la voix.

Je cligne des yeux, comme tirée d’un rêve trop réel.

  • Pardon, je… je ne voulais pas te déranger.

Il se laisse tomber sur le côté dans un soupir, roule sur le dos et me regarde franchement, les bras écartés, les cheveux en bataille.

  • Tu me déranges pas. T’as l’air ailleurs. Ça va ?

Je hoche la tête, incapable de formuler quoi que ce soit de sensé. Mon regard se perd sur son torse qui se soulève lentement, sur la ligne de ses clavicules, sur les ombres dans le creux de ses hanches. Ce n’est pas la première fois que je le vois torse nu — évidemment — mais après nos caresses de la veille, tout semble différent, plus grisant.

  • Je suis crevée. J’aurais bien fait une sieste, mais…

Je laisse mon regard glisser vers le canapé, où je comptais m’allonger un moment, réalisant que ça ne sera pas possible sans mettre fin à la séance de Zed.

  • Prends mon lit, dit-il.

Je relève les yeux, un peu surprise.

  • Tu es sûr ?

Il esquisse un sourire, les paupières mi-closes, la voix déjà plus douce, presque rieuse.

  • Bof, tu me le piques tout le temps chez mes parents. C'est pas très différent. Tant que je ne suis pas là, tu peux y aller.

Je hoche la tête, sans trouver les mots, presque gênée par ce que cette offre pourrait suggérer - une intimité, une proximité physique telle que celle que nous avions hier -, mais vite rattrapée par la réalité - la proposition n’est valable qu’en son absence, il n’a aucune intention de dormir à nouveau avec moi.

La pièce est baignée d’une pénombre dorée, paisible, presque irréelle. Il y règne un calme étonnant, chargé de lui, de son odeur, de son essence. Le lit est défait, accueillant, presque trop. Je m’y glisse avec une lenteur mesurée, consciente du poids symbolique de ce geste, de l’intimité silencieuse qu’il représente. Je ferme les volets et m’enfonce dans les draps, mon visage à demi enfoui dans l’oreiller, et ferme les yeux. Mon corps s’abandonne au matelas avec gratitude, et dans le silence, bercée par l’écho lointain de ses mouvements, je sombre enfin.

Quand je me réveille, il est un peu plus de vingt-et-une heures, et le soleil a décliné derrière les rideaux tirés. Je sors lentement, les yeux encore engourdis par le sommeil, mais l’appartement est vide. Le silence est total - Zed est reparti au bar.

Un creux dans l’estomac me pousse jusqu’à la cuisine, mais c’est sur le comptoir que mes yeux se posent, attirés par un mot griffonné à la hâte.

Si tu as besoin de quoi que ce soit, appelle-moi. Je garde un œil sur mon téléphone. À tout à l’heure.

Ses mots, simples et sincères, m’enveloppent d’une douceur inattendue : une réminiscence de ce que notre relation a été, et l’espoir de ce qu’elle pourrait être.

Le coeur un peu plus léger, j’attrape une barquette de ravioli que je prépare sans conviction, puis m’installe sur le canapé et lance un épisode d’une série idiote dont je ne retiendrai rien. Après le repas, la digestion et le manque de sommeil de ces derniers jours s’abat sur moi comme une chape de plomb.

Sans même y réfléchir, je retourne dans le lit de Zed et je me glisse sous les draps sans bruit, espérant que cette nuit m’épargne les pensées, les doutes, les regrets.

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