Chapitre 28 - Partie 1
[[Disclaimer
J’ai publié avec un peu moins de régularité ces derniers temps, car je me penche enfin sur la réécriture des premiers chapitres, suite à vos retours (merci à celles et ceux qui m’ont soufflé des pistes d’amélioration <3 ).
Je réalise que je souffre d’une véritable adverbite aiguë… ^^' Bref, je retravaille petit à petit les passages concernés. J’espère que le résultat est plus fluide !
Merci pour votre patience et votre intérêt.
Bonne lecture !]]
Après avoir déposé la voiture, nous entrons dans l’appartement de Zed, accueillis par une lumière basse, dorée, glissante sur les murs, comme une invitation à ne rien faire. Je sens encore sur ma peau la poussière des chemins, une fatigue douce qui pèse sur mes épaules et m’incitant à m’étirer, à me fondre dans le canapé.
Nous abandonnons nos sacs contre la porte, un peu las mais contents d’être rentrés, puis Zed se redresse, s’étire effleure mes cheveux de ses lèvres et lance :
- Je vais me doucher. Je gère le dîner après.
- Ça marche. Je vais regarder si j’ai des mails.
J’ôte mes chaussures, récupère mon ordinateur, m’installe sur mon ancien “lit”. L’air est tiède, encore chargé du jour, et je lève une main vers ma nuque pour en repousser les mèches collées par la sueur. Mon dos me tire légèrement, mes mollets protestent, mais ça me fait du bien : la journée était parfaite en tous points.
L’ordinateur s’allume lentement, la lumière bleue me semble brutale, presque déplacée. Pourtant je clique, j’ouvre ma boîte mail, un nouveau message m’attend.
Hello Maud,
J’espère qu’il n’y avait rien de grave. En tout cas, t’inquiète pas, tout va bien. Apparemment le lancement des publications de Damien n’est pas prévu pour tout de suite, donc on n’a pas pris de retard.
J’ai un nouvel extrait à traduire pour toi. C’est un peu dur, je préfère te prévenir.
Bon weekend.
Théo
J’ouvre la pièce jointe, préoccupée d’avance.
Il faut assumer ses fautes et les conséquences de ses actes. Mais il faut savoir faire face au mensonge et fausses accusations. Car il peut venir de n'importe où. Vous n'êtes jamais à l'abri.
Même vos proches peuvent vous blâmer à tort. L'erreur est humaine. La manipulation de la vérité pour le plaisir de nuire, c’est ça qui fait mal.
Et si un de vos proches vous blâme de quelque chose que vous n'avez pas commis ? Vers qui pouvez vous vous tourner ? Personne ne viendra vous aider. Vous n’avez nulle part où vous cacher. Et vous ne pouvez rien y faire.
Je relis, une fois, sans m’arrêter, presque en pilote automatique, et puis une deuxième, plus lente, plus attentive, comme si les mots avaient changé entre-temps, comme s’ils portaient autre chose que leur poids initial, comme s’ils étaient venus pour moi, ici, ce soir.
Le dernier paragraphe me heurte, résonnant beaucoup trop fort en moi, comme un coup porté en pleine poitrine.
Je fixe l’écran sans vraiment le voir, mon ventre se serre, comme si ce texte, pourtant impersonnel, avait visé exactement là où ça fait mal. Il touche une corde trop précise, trop vivante, une mémoire que je n’ai pas envie d’ouvrir mais qui vibre quand même sous la peau.
Et si un de vos proches vous blâme de quelque chose que vous n'avez pas commis ?
Je sais ce que c’est d’être celle qu'on montre du doigt par besoin d'un responsable. J'ai vécu l’isolement, l’impression d’être rayée du réel, rendue suspecte d’avoir trop ressenti ou trop peu agi.
Je connais la solitude absurde, l’impression étrange que plus on dit la vérité, moins on est entendu; que plus on insiste, plus on dérange. Qu’on soit victime non reconnue, ou coupable jugé d’avance.
Personne ne viendra vous aider. Vous n’avez nulle part où vous cacher. Et vous ne pouvez rien y faire.
Je distingue ici la signature de Damien, cette lucidité oscillant entre la lumière et l’ombre, entre réflexions mystérieuses et constats tranchants.
J’inspire à fond et entame ma traduction, chaque mot tambourinant sous mon crâne comme un second cœur. Je m’applique à transcrire chaque nuance, à faire renaître le malaise dans une autre langue, sans le dénaturer ou l’édulcorer.
Les phrases s’enroulent autour de mes doigts, et bientôt le texte prend forme, cohérent, fluide, presque apaisé. Je relis une dernière fois, pour traquer les fautes, contrôler le ton, surveiller que la plume de Damien vibre encore sous la mienne.
J’ouvre ensuite un nouveau message, ajoute ma version en pièce jointe et, sans me laisser le temps d’hésiter, envoie :
Salut Théo,
Voici la version traduite du dernier texte de Damien.
Merci encore pour ton message. Tout va bien de mon côté, vraiment. Tu n’as pas à t’en faire.
À très vite,
Maud.
Tandis que j'éteins mon portable, un soupir m’échappe, comme si cet extrait m’avait vidée de toute mon énergie.
Au même moment, j’entends l’eau de la douche s’arrêter, des bruits légers, familiers, puis Zed sort de la salle de bain, pieds nus, la serviette nouée autour des hanches. Il passe près de moi, dépose un baiser rapide sur mes lèvres, et disparaît dans sa chambre.
Je me lève à mon tour, retire mes vêtements et entre dans la salle de bain. L’odeur du gel douche de Zed est imprégnée dans l’air, boisé et réconfortant. Il balaie ce qu’il reste de mon trouble en une fraction de seconde. Je me glisse dans la douche, l'eau chaude coule sur mes épaules, dénoue les tensions dans mon dos.
Une fois propre, j’enfile la première serviette venue et me dirige vers ma valise. Sur le chemin, je jette un œil à mon compagnon, en train de remuer sa sauce, ses cheveux encore humides, son profil sérieux mais apaisé.
Lorsque j’ouvre mon bagage, il est vide, dépossédé de toutes mes affaires. Un frisson d’anticipation et d’excitation me traverse. Je me faufile dans la chambre pour confirmer mes doutes, tire la porte de l’armoire, le cœur battant. Ma gorge se serre : mes vêtements sont là, alignés, pliés. C’est lui qui les y a rangés, comme si c’était normal, comme si j’avais ma place ici.
J’enfile un débardeur, un short en coton, une joie indicible au creux du ventre, puis je reviens dans le salon où l’odeur du dîner flotte dans l’air, plus puissante - ail, oignons, tomates et autre chose que je n’arrive pas à identifier.
En cuisine, Zed est concentré, le dos tourné, une main sur la casserole. Il a les cheveux encore humides, le dos nu, calme dans la lumière du soir.
Je m’approche furtivement, me coule derrière lui et l’enlace, posant un baiser entre ses omoplates.
- Merci. Pour l’armoire.
Il prend une de mes mains et la porte à ses lèvres avant de la remettre contre son cœur, sans un mot, attentif à ses gestes et au plat en cours de préparation.
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