Chapitre 28 - Partie 2

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Je reste un instant contre lui, bercée par la chaleur de sa peau, le clapotis discret de la sauce et le calme entre nous, puis je me détache sans un mot, passe les doigts sur le creux de son dos comme une ponctuation tendre, et me dirige vers le salon.

Je récupère les couverts, les verres, connaissant l’emplacement de chaque élément, comme si ma venue n’avait jamais été temporaire. J’attrape deux assiettes avant de les remettre à leur place sur les instructions de Zed - il va utiliser des bols - et dresse la table en silence, attentive aux bruits de la cuisine, à cette odeur délicieuse qui embaume l’air.

Une fois la table prête, j’ attrape mon ordinateur et fouille dans les applications de streaming pour trouver un film - quelque chose de simple, un peu drôle, pas trop lourd. Je navigue à l’instinct, comme on cherche une chanson sans savoir laquelle, juste pour prolonger l’ambiance.

C’est alors que je tombe sur Comme un chef. Jean Reno, Michaël Youn — une histoire de cuisine, de passion maladroite, de transmission chaotique mais sincère. Je me surprends à sourire. Ce choix a quelque chose d’évident, presque affectueux : Zed et sa manière de cuisiner comme s’il conversait avec chaque ingrédient, de goûter, d’ajuster, de faire silence devant une poêle comme devant un tableau. Ce film est pour lui, pour nous, pour ce soir suspendu entre fatigue et tendresse.

  • J’ai trouvé un film ! je lance à travers la pièce. Promis, c’est pas une comédie romantique.

Un rire discret s’élève derrière moi, pas moqueur, plutôt complice. Zed s’approche avec deux bols encore fumants, il s’agenouille avec précaution et les dépose devant moi. L’ensemble est harmonieux, coloré, presque artistique - simple sans être banal.

Passé la découverte visuelle, l’odeur me prend par surprise — chaude, solaire, une promesse de sel et de douceur mêlés. Il s’assied à côté de moi, puis, l’air faussement sérieux, il annonce :

  • Au menu ce soir, bowl crétois : poulet grillé mariné au citron et à l’origan, courgettes et aubergines sautées et riz complet. Dans les petits pots j’ai bricolé une sorte de tzatziki, ça ira super avec le poulet et les légumes.

Je reste éberluée quelques secondes, mes yeux oscillant entre son visage, presque blasé, et sa préparation, puis un brin jalouse de son talent, je lâche :

  • Méfie-toi, c’est un luxe auquel je pourrais très vite m’habituer, si c’est comme ça à chaque fois.

Zed esquisse un sourire, puis s’approche à peine. Sa main se lève, vient trouver mon menton qu’il cueille entre deux doigts, avec une lenteur presque solennelle. Ses yeux plongent dans les miens, attentifs, profonds, chargés d’une tendresse silencieuse. Il reste là, tout près, sans franchir la distance, comme s’il goûtait ce moment, juste avant le basculement, comme si l’intention valait plus que le geste.

  • Attends que je te fasse un dessert, murmure-t-il. Tu ne voudras plus jamais manger autre chose que ma cuisine.

Puis, sans un mot de plus, il relâche la pression, laisse glisser ses doigts contre ma joue, et replace une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.

Le geste est simple, léger, presque anodin entre nous, et pourtant je sens mon ventre se tendre, quelque chose battre trop vite dans ma gorge.

Il me relâche, attrape son bol et me tend le mien. Alors je me concentre sur ce que j’ai entre les mains — les saveurs, les textures, la chaleur encore prise dans le riz, la fraîcheur du tzatziki, le croustillant du poulet — tout ce qui peut m’aider à rester ancrée, à ne pas me perdre trop tôt dans le désir qu’il a éveillé sans même le vouloir.

Nous mangeons sans nous presser, bercés par le silence complice qui suit les grandes randonnées, les longues journées partagées. Le film commence, les premières images s’animent sur l’écran posé devant nous, les voix familières des acteurs remplissent doucement la pièce. Je ris parfois, d’un rire étouffé dans ma cuillère, et je sens Zed sourire à côté de moi sans forcément regarder l’écran.

Les bols vides finissent sur la table basse, les verres à moitié pleins, abandonnés comme on s’abandonne à la douceur du soir. Je me laisse glisser contre lui, la tête nichée sur son torse. Il ne dit rien, mais je le sens se réajuster pour m’accueillir, poser un bras le long de mon dos, comme s’il m’enveloppait sans m’enfermer.

La lumière du film projette des reflets mouvants sur nos peaux. Je respire son odeur, encore chargée de soleil et de savon, et quelque chose en moi se relâche, une tension que je n’avais pas conscience de porter.

Sans réfléchir, je fais courir le bout de mes doigts sur son avant-bras, des gestes doux, presque absents, comme s’ils cherchaient une musique à suivre. Il ne bouge pas, mais ses muscles frémissent sous ma paume. Alors je continue, laissant mes doigts tracer des arabesques sur ses côtes et ses pectoraux.

Ses doigts viennent à leur tour effleurer mes reins, un geste à peine perceptible, désinvolte en apparence, mais la chaleur qui l’accompagne me fait frissonner. Je sens mon ventre se tendre, mon souffle se suspendre, comme si tout mon corps trépignait d’impatience.

Je relève les yeux vers lui et nos regards se croisent dans une lumière vacillante — celle de l’écran, celle du désir. Dans ces yeux, je vois l’étincelle d’un feu prêt à prendre, quelque chose entre la tendresse, l’envie et cette forme de gravité qu’il a parfois, quand il ôte son masque apathique.

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