Chapitre 31 - Partie 3
La soirée s’étire autour du feu. Les voix se chevauchent, les mains s’agitent, les flammes éclairent des visages animés. À ma gauche, un jeu de cartes s’improvise ; à ma droite, une serveuse chante faux en riant. Je regarde Zed dériver dans ce tourbillon avec une aisance presque nouvelle, lui qui d’ordinaire garde toujours ses distances.
Son verre semble ne jamais se vider. Je le vois pourtant boire, poser son gobelet et quelques minutes plus tard il est à nouveau plein. Je ne l’ai jamais vu consommer autant, même pas dans les repas de famille où la bière coule à flots, et cette démesure m’étonne presque autant qu’elle m’amuse.
Ses gestes deviennent plus proches, plus attentifs à mesure qu’il enchaîne les verres. Il m’installe entre ses jambes, pose sa tête sur mon épaule, ou glisse une main légère sur mes bras, effleurant ma peau comme pour me retenir près de lui. Ses lèvres effleurent mon cou, mon épaule, dans des baisers discrets mais insistants, qui trahissent sa désinhibition sans jamais devenir brusques. Je suis charmée par cette version tactile, si différente de l’homme toujours si réservé que je connais, comme si l’alcool effaçait ses ombres.
Plus tard, je m’éclipse du cercle pour aller tremper mes pieds dans l’eau. La mer est tiède, la lune s’y reflète, et les vagues lèchent mes chevilles dans un rythme hypnotique. Zed me rejoint, un nouveau verre à la main.
- Ça va ?
- Oui. J’avais besoin d’un petit moment à l’écart. Je reviens tout de suite.
- Mais tu passes un bon moment ?
- Absolument. Je n’avais jamais été à la mer de nuit. C’est magnifique.
Il m’attire d’un coup, se penche et m’embrasse. Ce n’est pas un baiser timide : ses lèvres trouvent les miennes avec une assurance inhabituelle. Je me laisse faire, touchée par sa hardiesse, mais à peine le contact établi, une grimace m’échappe. L’alcool brûle sur sa langue, lourd et amer, étranger à tout ce que j’associe à lui. Je romps le baiser malgré moi.
- Qu’est-ce qu’il y a ? demande-t-il, inquiet.
- T’as goût… de je sais pas quoi, mais c’est horrible.
- Tu ne veux plus m’embrasser ?
Plus que de l’inquiétude, c’est une profonde tristesse, presque excessive, qui transpire dans sa voix et sur son visage.
- Non. Ça ne me gêne pas à ce point là.
Sur la pointe des pieds, je viens poser mes lèvres sur les siennes dans un baiser plus chaste que le sien. Il soupire, me serre contre lui et me couvre de baisers tendres et enfantins, dépouillé de cette barrière qu’il dresse entre lui et le monde.
Sa candeur ne dure pas. Ses mains deviennent plus pressantes, glissant le long de mes bras, autour de ma taille, puis sur mes hanches, me rapprochant toujours plus. Son souffle chaud m’enveloppe, son parfum me parvient en vagues et je frémis sous chaque contact. Ses lèvres descendent sur mon cou, mes épaules, insistantes, affamées, comme s’il voulait me dévorer sur place.
Je me presse un peu contre lui, répondant à chacun de ses gestes, ma respiration se fait plus rapide. Son excitation monte d’un cran, amplifiant l’urgence de chaque pression. Sa bouche cherche la mienne et je sens mon corps se tendre, vibrant, prêt à céder à ce besoin palpable. Un frisson me traverse, et mon propre désir grandit, j'enfonce mes doigts dans ses cheveux…
- Get a room ! hurle Jona, hilare, à l’autre bout de la plage.
Je me fige, le rouge me monte aux joues. Zed grogne, prêt à répliquer, mais je le retiens d’une main sur son bras. Il me regarde, possessif comme jamais, et dicte :
- On rentre. Maintenant.
- On doit récupérer nos affaires, je proteste. Viens.
Nous retournons vers le cercle et les rires fusent, certains nous lancent des regards complices, d’autres des sourires goguenards. Je remballe nos serviettes, mais ma gêne m’oblige à trouver une autre explication à notre départ que la scène à laquelle ils viennent d’assister :
- On va rentrer, il est tard.
- Et pourtant, quelque chose me dit que vous êtes pas prêts de dormir…, plaisante Jona, lui aussi un peu éméché.
- Ça suffit ! je glousse sans pouvoir m’en empêcher.
Zed m’attend à quelques mètres, immobile et silencieux, l’impatience crispant ses épaules. J’arrive à sa hauteur, il passe à nouveau son bras autour de mon cou et je me sens fondre. Lorsque nous quittons la plage, j’entends encore les éclats de rire derrière nous et je retiens un sourire. J’ai passé une excellente soirée, même avec l’intervention finale et exubérante de Jona.
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