Chapitre 2 : Les hommes de pierre
Quand l’aurore fendit enfin le ciel de ses doigts pâles, Faënor entrouvrit les yeux. Ses membres étaient engourdis, son dos en feu, et la branche sur laquelle il avait dormi ne l’avait pas épargné. Il jeta un regard en contrebas.
Le félin avait disparu.
Il observa longuement les alentours. Racines, troncs, buissons... tout semblait inerte. Mais la méfiance demeurait. Lentement, il descendit, chaque geste prêt à bondir en arrière. Rien. Le silence. Un silence presque doux après la terreur de la veille.
Son bivouac avait disparu. Dispersé ? Piétiné ? Il n’en restait qu’une trace diffuse sur le sol. Alors il reprit la route. Plus de couvertures. Plus d’eau. Juste lui, ses jambes, et l’idée entêtante d’un lit à Brunok.
Les heures passèrent. Le soleil montait, haut et sec. Ses cuisses hurlaient. Il s’arrêta sur une branche épaisse tombée au sol, s’y assit, se massa les jambes, grimaçant. Il chercha sa gourde. Oublia. Fronça les sourcils. La gorge sèche, il jura doucement.
Un bruit. Sourd. Rythmique.
Il tendit l’oreille. Puis se figea. Des sabots.
— Des chevaux, souffla-t-il.
Il se releva, inquiet. Peut-être des marchands. Peut-être une escorte. Ou pire. Il hésita à se cacher. Mais resta. Trop fatigué. Trop las pour fuir encore.
Deux cavaliers apparurent. Armures lourdes, visages à découvert. L’un chauve, massif, la main posée sur le pommeau de son épée. L’autre, cheveux longs, bruns, une cicatrice entaillant sa joue gauche. Le second s’approcha, renifla, le regarda comme on regarde un animal curieux.
— Ça pue l’elfe, lâcha-t-il avec un sourire tordu.
Son compagnon ricana. Faënor ne répondit pas. Son cœur accéléra. Il détestait ce ton, cette tension voilée.
— Je souhaiterais rejoindre Brunok, dit-il prudemment. Pourriez-vous m’indiquer la route ?
Un rire gras lui répondit. L’homme à la cicatrice dégaina son épée lentement, la pointe frôlant presque son visage. Faënor ne broncha pas. Il avait peur, oui. Mais la peur, il la connaissait maintenant. Elle était une compagne silencieuse.
Le cavalier ricana encore, puis recula.
— Laisse-le, dit-il à l’autre. On a mieux à faire.
Et ils repartirent, sans autre mot. Deux bêtes humaines, sans cause, sans conscience. Faënor les observa s’éloigner au galop, son estomac noué. Les hommes n’étaient plus en guerre avec les elfes, mais la haine, elle, n’avait jamais déposé les armes.
Il attendit un instant. Puis reprit la route.
Et enfin, entre deux arbres trop grands pour être humains, il aperçut une tache claire. Lisière. Terre nue. La fin de la forêt.
Il ne sourit pas. Pas vraiment.
Mais il marcha un peu plus droit.
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