Chapitre 3 : Les cendres du jour

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La ville s’éleva devant lui comme une promesse rugueuse. Un mur de rondins hauts, fichés dans le sol comme les dents d’un monstre endormi, cerclait Brunok. Des volutes de fumée s’élevaient paresseusement au-dessus des toits, fondant dans un ciel rougi par le crépuscule. L’odeur du bois brûlé flottait dans l’air, tiède, presque rassurante.

Faënor approcha d’une lourde porte de bois. Il frappa. Un battant s’ouvrit lentement, dévoilant un homme moustachu au regard las. Il le toisa, puis s’écarta d’un pas, non sans un soupir.

— Si tu cherches une auberge, tu en trouveras une près de la place. Mais ne t’attends pas à être bienvenu. Les elfes n’ont pas bonne réputation ici.

Faënor inclina la tête, murmura un remerciement, puis entra.

La nuit tombait vite. Les rues se paraient de silence et d’yeux discrets derrière les fenêtres. Les pavés résonnaient sous ses pas. Il sentait les regards. Pesants. Méfiants. Parfois hostiles.

Les bâtisses, hautes et grises, mêlaient la pierre au bois, avec des toits en chaume roussis par le temps. Brunok portait les cicatrices d’une guerre ancienne, et les murmures de cette époque semblaient encore hanter ses ruelles. Deux cents ans, disait-on. Une éternité pour les hommes. Un souvenir encore chaud pour un elfe.

Il parvint à la place centrale, dominée par une fontaine érodée. Les rues partaient de là comme les nervures d’une feuille morte. Au fond, une enseigne pendait à une poutre : une planche gravée, balancée par le vent. L’auberge, sans doute. Il s’y dirigea.

Mais une silhouette attira son regard.

Dans une ruelle latérale, à genoux, un homme encapuchonné priait devant un petit cercle de bougies. Une robe grise, un dos voûté.

Faënor s’arrêta, intrigué. Une offrande ? Un rite ? Devant lui, sur les marches, une petite créature rougeâtre, vaguement gobelinesque, restait figée. L’homme se leva lentement, croisa son regard un bref instant, puis entra dans la maison derrière lui.

Faënor hésita. Une curiosité ancienne, indocile, le démangeait. Il fit un pas.

Un choc.

Quelque chose le saisit brusquement par le bras. Avant qu’il ne comprenne, une douleur fulgurante explosa dans son crâne. Sa vision bascula. Le sol tangua. Puis un autre coup.

Il cligna des yeux. Une forme humaine se tenait devant lui. L’odeur de cuir et de sueur, le souffle rauque. Une poigne l’agrippa par le col et le releva d’un seul geste.

— Les elfes ne sont pas les bienvenus ici, gronda une voix.

— Je... je cherche juste un lit. Une nuit de repos, balbutia Faënor.

Le poing partit. Il le vit à peine. Son visage cogna la nuit.

Il sentit que s’il ne fuyait pas maintenant, il ne le pourrait plus. Il n’eut pas le temps de réfléchir. Ses instincts prirent le relais. Il leva brusquement le genou, enfonça la pointe dans l’aine de l’homme, violemment. Le cri qui s’échappa était guttural, déchirant. La poigne lâcha.

Faënor courut. Il se jeta dans la première ruelle venue, glissa entre les murs serrés, s’enfonça dans l’obscurité comme un souffle chassé.

Il ne s’arrêta qu’une fois le silence revenu. Le cœur battant. Les côtes douloureuses. Et ce sentiment lancinant, plus amer encore que la peur : celui d’être de trop. Même ici.

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