Chapitre 25 – Les échos du passé

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Le soleil était déjà bas quand Adrien reconnut la silhouette qui descendait du vieux taxi.

Chemise blanche, attaché-case, lunettes sombres.

Tout en lui sentait Kinshasa, l’effervescence des couloirs brillants, la froideur des apparences, ce besoin de tout masquer derrière une façade impeccable.

— Dr Banza ? dit-il, étonné.

Le vieil homme ne sourit pas, il resta figé dans son regard.

— Où est Jonathan ?

Adrien le guida à travers les chemins de terre battue, chaque pas creusant un peu plus la distance entre ce monde et le leur.

Je terminais une consultation quand mes yeux se posèrent sur lui, le visage si familier, si autoritaire, comme un écho du passé que j’avais cherché à oublier. Mon cœur se serra dans ma poitrine.

— Je viens de Kinshasa, dit le Dr Banza, d’une voix grave. Et ce que je t’apporte, tu ne vas pas aimer.

Nous nous assîmes à l’ombre d’un manguier, comme si la terre sous nos pieds pouvait nous protéger de ce qu’il allait annoncer.

Le Dr Banza sortit une enveloppe plastifiée de sa sacoche, un objet aussi froid et clinique que les raisons qui l’avaient fait venir.

— Une commission médicale d’éthique vient de se constituer à l’hôpital.

Avec pour but de “réévaluer le cas Jonathan M., ancien interne ayant abandonné son poste dans des conditions floues, suspecté de comportements incompatibles avec la morale médicale”.

Un frisson d’effroi me parcourut. Je n’avais jamais voulu être ce “dossier”. Ce nom qui se réduisait à des accusations, à des jugements sans fin.

— Donc je suis à nouveau un dossier.

— Non, répondit le Dr Banza d’une voix presque dénuée de pitié. Tu es le prétexte d’une vengeance.

Un des médecins qui vous avait dénoncés a pris du galon. Il veut laver l’image de l’hôpital.

Adrien, les poings serrés, ne cacha pas sa colère.

— Et vous venez nous dire de fuir encore ?

Le Dr Banza secoua la tête, un soupir lourd s’échappant de ses lèvres.

— Je viens vous dire que je peux bloquer la procédure. Mais il me faut quelque chose en retour.

Je levai les yeux, le souffle court.

— Quoi ?

— Un discours. Officiel. À Kinshasa. Devant l’Ordre. Devant les médias.

Pas un coming out. Pas une confession.

Un message clair sur la dignité, sur la santé mentale, sur le respect des personnes.

Je restai silencieux, la tête pleine de pensées contradictoires. La honte, la peur, la colère se bousculaient dans mon esprit, mais une vérité s’imposait : je ne pouvais plus fuir. Je n’avais plus le droit.

Je comprenais ce qu’il me demandait. M’exposer à nouveau. Retourner dans l’arène, cette arène qui m’avait brisé, mais cette fois, je n’y serais pas seul. J’allais parler pour ceux qui, comme moi, avaient été poussés dans l’ombre, pour ceux qui n’avaient pas de voix.

Je savais que cette décision me marquerait à vie, mais je n’avais plus le choix.

— Je vous donnerai ce discours.

Adrien posa sa main sur ma jambe, un geste lourd de questionnements, de préoccupations.

— Tu es sûr ?

Je pris une inspiration profonde, mon regard ancré dans le sien, cherchant une force que je pensais avoir perdue. Je hochai lentement la tête, me forçant à croire que c’était le bon choix, que c’était ce que je devais faire.

— Je ne suis plus l’interne qu’on a brisé.

Je suis l’homme qu’ils ont réveillé.

Note d’auteur : Ce chapitre met en lumière la lutte intérieure du personnage, son passage de la peur à la résilience. Jonathan se retrouve à devoir affronter son passé, non pas dans un combat de survie, mais pour se tenir debout au nom de ceux qu’il représente, ceux qui ne peuvent pas encore parler. C’est un moment clé dans son cheminement, un tournant où il choisit de prendre la parole, non pour lui, mais pour ceux qui n’ont pas encore eu le courage de s’affirmer.

La Voix Qui Écrit

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