À la pêche aux moules

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Le nain avait l’impression de tourner en rond depuis des heures. Puis il vit des gerbes d’eau au loin, mais comment avait-il pu se retrouver à côté d'un cours d'eau alors la première rivière était à 20 lieux au sud de la ville ? Il décida tout de même de s’approcher et au fur et à mesure qu’il avançait, il entendait parfois une explosion suivie d'une gerbe d’eau mais le plus souvent c'était soit une explosion, soit un plouf.

Une voix profonde un rien agacée disait :

  • " Rien tu n’écoutes, une fois de plus mon jeune apprenti. Regarde et fais. Prends une amphore avec une main dans le sac de jute, tu allumes la mêche de bougie avec le briquet en silex de l'autre main, compte lentement jusqu’à cinq tout en visant vers le banc de poiscailles puis lance l'amphore par un mouvement de l’avant-bras de telle façon à avoir une trajectoire en cloche et que l’explosion se produise à un quart de verge au-dessus de l’eau. A toi ! Normalement de l’épuisette tu devrais t’occuper aussi mais vu ton incompétence, mon rôle ça sera. "
  • Une voix plus aigue, presque fluette répondit : " Je vais essayer. "
  • Première voix, d’un ton las : " N’essaye pas. Fais-le. Ou ne le fais pas. "

Le nain se tapit dans les roseaux et aperçut deux hommes.

Il lui semblait les connaître, ces deux têtes lui disaient quelque chose mais incapable de mettre des noms dessus. Pourtant il avait beau réfléchir, il n’y arrivait pas. C’était sûrement dû aux brumes de ces foutus marais, on disait l’air vicié voire hallucinogène.

Le plus jeune ressemblait à un géant, les cheveux couleur ailes de corbeau et était habillé en moine dominicain. Le plus vieux bien que grand paraissait petit à côté, les cheveux blanc comme la neige et habillé de bric et de broc (un véritable arlequin) mais attention de manière étudiée et de bonne facture. C’était bizarre autant leurs vêtements et leurs cheveux étaient nets, autant leurs visages étaient flous. Sûrement encore dû à ces maudites brumes.

Le "géant" essayait de s’appliquer mais n’y arrivait pas et il était clair qu’il n’y arriverait pas : ces gestes étaient saccadés et pas coordonnés. Le "petit", de dépit, s’approcha du sac de jute, prit délicatement une amphore et au moment où il allait allumer la mèche, s’arrêta net. Et aussitôt, son regard se porta à l’endroit où était caché notre observateur. Et dit d’un air détaché, moitié à son élève, moitié à l’intrus :

  • " Tiens, tiens, de la visite nous avons. "

Le "géant" qui n’avait bien-sûr rien remarqué, se précipita vers le sac et prit aussi une amphore. Évidemment, gauche comme il était, il failli se casser la figure trois fois de suite, à croire qu’il les enchaînait volontairement. Le regard du "petit" ne se tourna pas vers son empoté d’élève mais resta fixer vers le lieu où se trouvait notre observateur. La scène avait un aspect tragi-comique, autant ce couple dépareillé était drôle autant le fait d’être seul, sans sa famille, face à deux individus menaçants et semblant agir de concert, l’inquiétait au plus au point. Une seule solution : la fuite.

Première étape : se relever.

Deuxième étape : Pas de deuxième étape… En effet, à peine il se lève et ses jambes se transforment en coton. Le seul fait de vouloir se tenir debout est tout un supplice. Et pourtant, il voyait avec horreur le couple s’approcher lentement mais sûrement, mais il est comme tétanisé par cette vision. Il voulait bouger, même pas marcher ou courir, juste bouger même un petit doigt mais il ne le peut. Et puis, il sent qu’il s’affaisse comme s’il était une simple marionnette dont on aurait tranché les fils et l’instant d’après c’est le trou noir. Mais juste avant de sombrer dans l’inconscience, dans un éclair de lucidité, il sait qui est ce couple atypique et mal assorti. Ce sont…

  • Plus tard, beaucoup plus tard, sa famille le retrouva totalement nu et trempé dans la ville basse. Il était brûlant de fièvre et répétait inlassablement : " Je veux manger de l'arista avec des pici ".

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